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L'atticisme
est une manière de traiter un sujet littéraire, particulière
aux orateurs, aux poètes, aux écrivains d'Athènes
avant l'époque de Périclès,
et qui consistait surtout dans une précision élégante,
et dans un style moins brillant que sain et vigoureux. L'obligation imposée
par les Aréopagites à leurs orateurs
de s'interdire les mouvements pathétiques, et de se borner dans
leurs plaidoyers à exposer nettement les faits et les preuves, procédait
de ce système.
Les oeuvres morales des poètes du
VIe siècle
av. J.-C., entre autres Solon et Théognis,
avaient surtout ce caractère; et si Hésiode
plaisait tant aux Athéniens, c'est que les qualités de son
style un peu sec, mais net, élégant et agréable, se
rapprochaient beaucoup de l'atticisme.
Avec Périclès, l'atticisme
change un peu de caractère, non qu'il perde rien de sa précision,
de sa netteté, de son élégance, mais, tout en restant
sobre, il s'anime davantage, et prend plus de vigueur et de feu. Les discours
que Thucydide lui prête en font foi,
à défaut de ses discours mêmes, qui n'ont pas été
publiés; et le vers où Aristophane
nous le représente lançant les éclairs et le tonnerre
et troublant toute la Grèce
par son éloquence, en est encore un témoignage irrécusable.
Ce nouvel atticisme arrive à sa
plus haute expression dans les discours
de Démosthène, dont le style
austère et robuste joint à une mâle élégance
le mouvement, la rapidité et la chaleur. Ce qui, chez lui, rappelle
l'ancien et par atticisme, c'est qu'il ne cherche point le beau, comme
dit Fénelon, mais il le fait sans y penser;
c'est qu'il sa sert de la parole, comme un homme modeste de son habit pour
se couvrir; c'est qu'on pense, en l'écoutant ou en le lisant, aux
choses qu'il dit, non à ses paroles, qui ne cherchent jamais à
produire de l'effet par une brillante et vaine parure.
Entre Périclès et Démosthène,
les plus purs représentants de l'atticisme sont : Lysias,
qui semble appartenir tout à fait à l'ancienne école,
si ce n'est que son style a déjà quelques fleurs, mais d'un
éclat plus pur que vif, et Xénophon,
qui se rapproche un peu plus de la nouvelle; les récits, les discours,
les portraits que nous lisons dans son Anabase,
sont peut-être, en général, les modèles les
plus parfaits qui nous soient parvenus du vrai style attique, simple, net,
élégant, gracieux.
Du temps de Démosthène, on
trouve aussi tous les caractères de l'atticisme dans Hypéride
et dans Eschine, avec plus de finesse dans le
premier, plus de coloris dans le second. Enfin mentionnons Démétrius
de Phalère, à qui Cicéron
reconnaît plusieurs des qualités de l'atticisme, quoique cet
orateur lui paraisse ouvrir l'ère du style
asiatique, qui allait être à la mode dès le IIIe
siècle av. J.-C.
Ceux qui combattaient le style asiatique
et prétendaient conserver les pures traditions de l'atticisme, ne
furent souvent, à partir de cette époque, que de pâles
et froids imitateurs, des esprits médiocres et secs, qui prenaient
un style grêle et mesquin et l'habile arrangement des mots pour de
l'atticisme, sans se soucier de la justesse et de la valeur des idées.
Cette querelle littéraire ne se
renferma pas dans les bornes des pays où l'on parlait et écrivait
en grec depuis les conquêtes macédoniennes
: elle pénétra jusqu'au sein de Rome,
comme nous le voyons par les témoignages de Cicéron et de
Quintilien. Cicéron n'appartient ni
à l'une ni à l'autre école; et l'on peut dire que
son style, plein d'abondance et d'éclat, mais d'une pureté
de goût remarquable, est une sorte de tempérament entre l'atticisme
et le genre asiatique (V. dans le Brutus, ou Traité des
orateurs illustres, un morceau judicieux et brillant sur les attiques,
ch. 82-85).
Dans les temps modernes, le mot atticisme
est devenu synonyme de style élégant, délicat et pur.
Il s'applique aussi à une conversation pleine de grâce et
d'urbanité, et le sel attique est une plaisanterie fine et de bon
ton. (P.). |
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