| Si l'on peut parler d'une astronomie chez les Phéniciens, c'est seulement au sens où ils paraissent avoir organisé en quelque sorte, sinon un véritable culte des astres, du moins une implication particulière des astres dans leurs rituels; c'étaient des adorateurs plutôt que des observateurs. Héliopolis, de Phénicie, était, de toute antiquité, célèbre par le culte du Soleil, comme son nom déjà l'indique. Ses prêtres s'appelaient Abd-sems, c'est-à-dire serviteurs du Soleil, nom que les Grecs ont littéralement traduit par Heliodules. Les chevaux et les chars du Soleil dont il est parlé dans la Bible étaient pour ainsi dire les emblèmes de la Phénicie. Les quatre chevaux du Soleil composaient la tétrade mystique à laquelle les Phéniciens offraient, comme les Perses, des sacrifices. On sait que dans tout le paganisme les chevaux, symbole de la vitesse, par allusion peut-être à la vitesse des rayons solaires, étaient consacrés au Soleil. Le mot Abd-susim, qui signifie adorateurs de chevaux, se rencontre souvent dans les inscriptions phéniciennes. Le Soleil, comme pivot d'un culte spécial, n'était pas représenté figurativement; il ne l'était que symboliquement, par des chevaux et des chars. Il y avait un de ces chars à Héliopolis, en Phénicie, à Ma-bug sur l'Euphrate, et à Émèse. A ce rituel se liait intimement celui de Melqart, qui est souvent représenté comme le conducteur du char solaire, attelé de quatre chevaux. Dans l'allégorie physico-mystique, il a pour symbole une colonne (obélisque), surmontée d'une flamme. Dans l'allégorie mythique, le conducteur du char du Soleil est tué par Typhon et demeure privé de vie pendant toute la saison d'hiver; il ne se réveille qu'à l'équinoxe du printemps pour recommencer sa carrière. Les colonnes, symboles des rayons du Soleil, étaient particulièrement vénérées dans le temple de Tyr; elles portaient le nom de Khammanim (de Khamma, soleil ou chaleur). La Lune était inséparable du Soleil. Suivant les différentes phases que présente cet astre, on lui attribuait des influences diverses, plus ou moins malfaisantes. Chaque nouvelle Lune était pour les Phéniciens, comme pour beaucoup d'autres peuples, l'occasion de fêtes solennelles (néoménies). Plusieurs divinités avaient la Lune, dans leurs attributions; telle était Astarté, avec son double caractère de bon et de mauvais génie (bona coelestis, et inferna coelestis). Son char était traîné, non plus par des chevaux, comme celui du Soleil, mais par des boeufs. Les planètes étaient associées à des divinités naturellement subordonnées à celles que figurait le Soleil, qui leur donne la lumière, la chaleur et la vie. Mercure, Vénus et Mars étaient les assesseurs (pareoroi) du Soleil, parce qu'ils transmettaient à la Terre les forces reçues de l'astre radieux. On ne sait rien de particulier sur le culte de la planète Mercure chez les Phéniciens. Les Carthaginois lui avaient consacré le promontoriurn, Hermaeum (cap de Mercure), en Espagne. Son nom indigène était Mokim ou Monim, perfide, Ce dieu avait un caractère double ou bilatéral; il était, suivant les circonstances, un bon ou un mauvais génie. On attribuait le même caractère au Soleil et à la Lune. La planète Mars, nommée Aziz (puissant), était l'astre de Baal-Khammoun. Elle représentait le feu comme principe destructeur, probablement à cause de sa couleur d'un roux ardent. Mars était, d'après les astrologues, d'une influence malfaisante. La planète Saturne était, ainsi que la planète Jupiter, consacrée au plus ancien et plus grand des dieux, à El ou Baa, patron de Béryte (Beyrouth) et de Byblos (Jbail). La planète la plus éloignée du Soleil et contenant dans son orbite les orbites de toutes les autres planètes, Saturne, passait pour l'astre qui domine le sort de tous les mortels. Les Phéniciens ne lui attribuaient aucune influence malfaisante. Il y avait à Tartessus, colonie phénicienne, un temple célèbre, élevé en l'honneur de la planète Vénus. C'est sans doute par allusion à ce culte que les Romains l'appelaient lumière divine, lux divina, ou porte-lumière, Lucifer. Sur quelques anciens monuments on voit le disque de l'astre brillant, placé au sommet de la tête de la déesse qui symbolisait le principe vivifiant de la nature. Savait-on à Tyr et à Sidon (Saïda) que l'étoile du matin et l'étoile du soir est une seule et même planète (Vénus)? On ne saurait émettre à cet égard que des conjectures. Au reste, les Phéniciens paraissent cependant avoir été peu enclins à l'étude de l'astronomie. Mais les mers, que ces hardis commerçants sillonnaient avec leurs navires, devaient, au moment des calmes, se prêter merveilleusement à l'observation des astres. L'étude du ciel étoilé était même indispensable au pilote pour s'orienter, après avoir perdu de vue les côtes. Aratus nous apprend que, dans leurs longues navigations, les Tyriens se guidaient d'après la Petite Ourse, appelée Cynosure (queue de chien), comme étant plus voisine du pôle que la Grande Ourse, nommée Hélice, qui servait de guide aux Grecs. Sed quia Sidoniis dux est Cynosura carinis, Rectior undoso cursus sulcatur in aestu. (Aratus, Phaenomena.) A l'époque ou la puissance maritime des Phéniciens était, il y a trois mille ans, à son apogée, le pôle du monde se trouvait, en effet, plus rapproché de la Petite Ourse que de la Grande; il coïncidait sensiblement avec l'étoile de la constellation du Dragon, qui serpente entre les deux Ourses. (F. Hoefer). | |