| La découverte du verre est attribuée par Pline l'Ancien aux Phéniciens. Mais on sait aujourd'hui que les Égyptiens connaissaient déjà l'art de la verrerie au IVe millénaire avant nore ère. On ne fabriquait guère que des vases, des coupes destinées à la table des grands, des urnes pour leurs tombeaux. De Pauw prétendait que les coupes égyptiennes représentaient des figures dont l'aspect était changeant; qu'en Égypte on ciselait le verre, on le travaillait au tour, on savait le dorer. Rien n'est plus commun, dans les ruines égyptiennes, que les pâtes de verre colorées et non colorées. Un beau et grand plateau de verre blanc orne le musée du Louvre. Strabon afirme qu'on fabriquait de temps immémorial à Thèbes des verres très transparents, dont la couleur imitait l'hyacinthe, le saphir, le rubis, et que Sésostris avait fait couler, en verre de couleur d'émeraude, une statue qu'on dit ailleurs avoir existé à Constantinople jusqu'au temps de Théodose. Appien affirme aussi qu'un colosse de même matière se voyait dans le Labyrinthe d'Égypte. Pline dit que le théâtre de Scaurus était composé de trois ordres, dont un était en verre. On lit dans Clément d'Alexandrie que Saint Pierre se rendit dans un temple d'Aradus pour y voir des colonnes de verre d'une grosseur extraordinaire. Il est question dans Claudien d'un globe céleste construit en verre par Archimède. Bien qu'au dire de Pline certains verres clairs et blancs fussent estimés à l'égal de la vaisselle d'or ou d'argent, il est difficile d'admettre que la matière en fût supérieure à celle de notre verre à vitre : quand le même auteur parle de deux coupes de moyenne grandeur que Héron paya 6000 sesterces, c'étaient sans doute de ces merveilles dont le vase de Portland nous donne une si haute idée, de ces coupes où les grands artistes ne dédaignaient pas de ciseler des bas-reliefs en émail blanc sur mi fond de verre coloré. Les verreries de l'Antiquité fabriquaient des vases à filets de couleurs diverses, dont les Modernes ont vainement essayé d'atteindre la perfection. Les Vénitiens, auxquels l'art des Anciens sembla s'être transmis par une tradition non interrompue à travers le moyen âge, n'ont même pas réussi à imiter ces petites urnes égyptiennes à filets dentelés que l'on retrouve dans les tombeaux de Memphis et de Thèbes. pour les Grecs et les Romains, les objets en verre furent toujours des objets de luxe, et le prix en était exorbitant. Ce fut seulement au IIe ou IIIe siècle qu'on employa le verre aux vitres : on avait auparavant fait usage de cette matière pour paver les maisons d'une espèce de mosaïque. Après la chute de l'Empire romain, l'art de la verrerie fut négligé dans presque tout l'Occident. Mais, en Égypte et en Syrie, il y eut toujours des fabriques importantes. On peut s'en convaincre en lisant la description des trésors calife du Mostanser-Billah au XIe siècle, lequel possédait plus de 20 000 vases de verre unis ou ciselés, une multitude de miroirs, et de larges bassins sur lesquels se dessinaient des figures et des feuillages. La verrerie ne jeta un grand éclat dans les pays chrétiens qu'à Venise et à Murano. Dans le mélange d'émail pointillé bleu et blanc qu'on rencontre fréquemment sur les coupes de cette provenance, on recourait à l'ornementation propre aux verriers du Levant, celle que l'on trouve, par exemple, sur le précieux verre arabe conservé à Chartres, et dont la tradition faisait un des présents envoyés par Haroun al-Rachid à Charlemagne, mais dont l'époque, nettement déterminée par les caractères coufiques de la légende, doit être fixée au milieu du XIIIe siècle. Quant à l'émail appliqué au pinceau et qui s'élève en saillie, en dessinant, sur le verre incolore et transparent, des sujets ou des fleurs les ouvriers orientaux l'employaient aux XIIe et XIIIe siècles avec une solidité de procédés et une beauté de couleurs que les manufactures vénitiennes n'ont jamais atteintes. Il suffit, pour se rendre compte de cette supériorité des maîtres de la verrerie arabe, de voir dans les mosquées du Caire et de Damas ces belles lampes sur lesquelles sont inscrits, au milieu des arabesques et des fleurs émaillées, les noms des sultans fondateurs de ces mosquées. Une coupe du musée de Cluny, ornée d'inscriptions antiques, prouverait encore l'habileté des verriers de l'Égypte et de la Syrie, et l'antériorité de leurs produits sur les produits de Venise. Au XVesiècle, les verreries de l'Orient ont cessé d'exister; Murano entre alors dans la période brillante de sa fabrication : ses buires, ses coupes sont recherchées dans toute l'Europe, et parviennent même aux princes musulmans de l'Asie; leurs formes se modifient, leurs dessins se varient, et néanmoins, dans cette industrie devenue indépendante, on reconnaît encore les procédés premiers et le goût qui a dirigé son ornementation. L'Allemagne fut la première à s'affranchir du monopole de Venise; la France, qui resta plus longtemps sa tributaire, ne fabriqua elle-même d'excellents produits que depuis la règne de Louis XIV et par les soins de Colbert. A mesure que l'industrie française a fait des progrès, l'art proprement dit a dégénéré : en effet, au lieu que toutes les facultés de l'ouvrier s'appliquent, comme autrefois, à satisfaire les délicatesses du goût le plus raffiné, la création des fantaisies de l'imagination lui est de plus en plus interdite; cette imagination est même éteinte par l'obligation d'un travail presque mécanique; car il faut fabriquer le plus grand nombre possible de pièces identiques en un temps donné, et, dans la lutte contre la concurrence, on est plus préoccupé de trouver des méthodes expéditives que de créer des objets d'art. L'art de la verrerie, dans ses conditions actuelles, ne peut donc ni reproduire les chefs-d'oeuvre de l'Antiquité et de la Renaissance, ni les surpasser de toute la supériorité du verre fabriqué de nos jours. La matière seule est supérieure à ce qu'elle fut jadis. Vers le milieu du XVIIIe siècle, un certain Bucher apporta de Bohème en France l'art de tailler les cristaux; la taille et la gravure se firent ensuite avec plus de promptitude, grâce à la découverte de l'acide fluorique par Scheele en 1771. La verrerie de vitres s'est perfectionnée en même temps : le verre avait été longtemps employé en panneaux à losanges plombés; en 1771, on commença à l'employer en carreaux enchâssés dans la menuiserie de la fenêtre. (B.). | |
| Peinture sur Verre. - Le verre coloré fut connu des Anciens, et, à cause de sa ressemblance avec les pierres précieuses, et de la lumière affaiblie qu'il transmettait, ils le préférèrent au verre blanc pour les édifices consacrés au recueillement et au culte. Les vitraux ne se composèrent, au début, que de compartiments de diverses couleurs, dont l'effet agréable résultait de leur agencement et de leur combinaison. Plus tard, les vitriers cherchèrent à reproduire les ornements employés dans l'architecture, et ils arrivèrent enfin à la représentation de scènes à personnages. II paraît que les premiers essais de cette peinture sur verre furent faits dans le IXe siècle de notre ère, puisqu'au dire de l'historien de Saint-Bénigne de Dijon il existait dans cette église un vitrail du temps de Charles le Chauve, où était figuré le martyre de Sainte Paschasie. Quelques verrières de la nef de la cathédrale d'Angers, celles de l'abside de l'abbaye de Saint-Denis et de la cathédrale de Bourges, celles du choeur de la cathédrale de Lyon, remontent au XIIe siècle. Mais, jusqu'au XIVe, les progrès de l'art furent très lents, puisqu'on se bornait à de simples traits sans ombres, ou accompagnés de quelques hachures pour donner un peu de relief aux figures. Avec des couleurs très intenses, telles que le bleu, le vert, et surtout le rouge, la lumière n'eût passé que difficilement; on fabriqua des verres de couleur composés de deux couches, l'une de verre diaphane incolore, l'autre de verre coloré et moins épaisse; puis on enlevait à la meule une portion de la couche colorée, afin d'obtenir en blanc telle broderie ou tel dessin où l'on pouvait appliquer une nouvelle couleur. On distingue trois manières successives dans la peinture sur verre. Dans la première, qui fut en usage aux XIIIe et XIVe siècles, les verrières sont formées d'un nombre plus ou moins grand de cartouches, qui renferment de petits sujets se rattachant à une même légende; on les nomme, pour ce motif, verriers légendaires. Le fond sur lequel se détachent les cartouches est ordinairement une espèce d'ornement réticulaire plus ou moins orné, où le bleu et le rouge dominent; et de riches bordures encadrent le tableau. Le même genre d'ornements et de tableaux est appliqué aux roses des portails ; celles de Notre-Dame de Paris peuvent servir d'exemple. A la même période de l'art appartiennent les verrières de la Sainte-Chapelle de Paris, des cathédrales de Chartres, de Reims, de Cantorbéry. Une seconde manière fut adoptée au XVe et au XVIe siècle ; participant aux progrès que firent alors tous les arts du dessin; la peinture sur verre produisit ses plus belles oeuvres, dont les couleurs émaillées au feu font corps avec le verre; le modelé des figures passa bientôt dans les draperies et les armures; les ornements, mieux travaillés, présentèrent un fini jusqu'alors inconnu; personnages de grande dimension, sujets religieux, scènes empruntées à la Bible, à la Vie des saints, à l'histoire ou à la vie civile, tout se trouve sur les vitraux de cette nouvelle époque, qui fournissent ainsi de précieux renseignements sur les costumes et les moeurs. On peut citer les verrières de Rouen, de Beauvais, de Sens, de Troyes, de Tours, d'Amiens, de Notre-Dame de Brou, de Bourges, d'Auch, de Vincennes, de Metz, de Tournai, etc. Parmi les maîtres verriers on distingue, au XIVe siècle, Clément de Chartres Jehan de Damery, Jacquemin, Guillaume Canonce; au XVe, Guill. de Graville Guillaume et Jean Barbe, Geoffroy Masson, Arnould de La Pointe, Cardin Joyle, Robin Dumeigne, Henri Mellein, en France, Jacques l'Allemand et Albrecht Dürer en Allemagne; au XVIe, en Flandre, Valère Profonval, Gérard Ornaire, et, en France, Claude et Guillaume de Marseille, les frères Gontier Cornouailles, Arnaud Desmoles, Angrand-le-Prince, Cordonnier, Gabriel Havène, Michel Germain, Jean Soubdain, Michel Besoche, Pierre Anquetil, Valentin Bouch, Olivier Tardif, Jean Lequier, Derhode, les Évrard, Bernard Palissy, Pinaigrier et les Jean Cousin. Les artistes français allaient alors décorer les églises de Bologne, d'Arezzo, de Rome, et trouvaient de dignes rivaux à Bruxelles, à Gouda, à Cologne et à Batisbonne. Mais, arrivé à son apogée, l'art déclina : les peintres verriers, trop fiers de la richesse de leur palette, se mirent à mépriser l'emploi du verre coloré dans sa masse, procédé qui avait pourtant assuré aux oeuvres de leurs devanciers cet éclat de couleur, cette solidité de tons qu'on ne dépassera jamais. Ils se livrèrent presque exclusivement à la peinture en apprêt, qu'on peut regarder comme la troisième manière de la peinture sur verre; mais, malgré leur habileté, leurs ouvrages trahirent bientôt l'insuffisance de ce nouveau procédé. Cette cause de décadence ne fut pas d'ailleurs la seule : le progrès même des beaux-arts devait être funeste à l'art des maîtres verriers. En effet, comme on ornait les églises de tableaux à fresque et à l'huile, il fallut, pour en apercevoir les beautés, laisser pénétrer dans les édifices une lumière plus pure et plus vive. On ne fit bientôt plus que des grisailles, et, pendant le XVIIe siècle, on substitua aux vitraux peints des vitraux en verre blanc ou entourés seulement d'une bordure en verre coloré. Jacques de Paroy en Bourgogne, Sempy, Perrin, Michu, Pierre Tacheron, Claude et Israël Henriet, et la famille des Linck en Alsace, luttèrent vainement contre cette décadence. La peinture sur verre se réfugia dans les vitraux blasonnés et de petites dimensions, dits vitraux suisses, comme on en voit à Bâle, à Fribourg, à Constance. Au XVIIIe siècle, P. Leviel fit encore d'inutiles efforts en France pour ranimer les grandes traditions : elles ne furent conservées qu'en Angleterre, comme l'attestent les verrières d'Oxford, exécutées par Jervayse. L'art a reparu au XIXe siècle avec éclat, grâce aux restaurations qui ont été entreprises dans les églises du Moyen âge et de la Renaissance, et aux imitations que l'on a faites de ces édifices dans les constructions nouvelles. La peinture sur verre a été renouvelée à la manufacture de Sèvres par Robert, sous le gouvernement de la Restauration; on s'y livre aussi avec succès à partir de 1823 dans la verrerie de Choisy-le-Roi. Dihl, Brongniart, Demarne, Leglay, Mortelègue, Paris, Leclair, Constantin, Vatinelle, Béranger, Vigné, Hesse, Schilt, Maréchal, Lobin, Thévenot, Thibaud, Bontemps Lusson, Gérente, Didron, Oudinot, ont contribué à la renaissance de cet art. L'oubli dans lequel était tombée la peinture sur verre à la fin du XVIIIe siècle avait accrédité l'opinion qu'on en avait perdu le secret. Mais les procédés de cet art ont toujours été parfaitement connus, et beaucoup de livres nous les ont conservés. Voici en quoi ils consistaient : Après avoir fait un carton, c.-à-d. une aquarelle sur papier du sujet qu'on voulait exécuter, on calquait sur un autre papier le trait de ce carton , et on y indiquait par des teintes plates les différentes couleurs. Ce calque ayant été découpé en autant de parties que l'exécution demandait de morceaux de verre, on indiquait par un trait sur le carton original toutes les pièces découpées, dont on pouvait, à l'aide de numéros de repère, reformer l'assemblage. Quand les ouvriers avaient taillé sur ces patrons les verres colorés (et ils choisissaient le verre le moins fusible), les peintres les plaçaient sur le carton, et calquaient tous les traits qu'ils voyaient au travers, à l'aide d'une drague, pinceau long et effilé, et d'un émail noir composé de battitures de fer broyées avec de l'eau gommée et mélangées avec un verre très fusible. Ce même émail était encore employé pour ombrer les draperies. Les anciens peintres de vitraux ne se servaient que d'un petit nombre de couleurs, telles que le rouge, émail dont la sanguine ou l'hématite était la base, et le ,jaune, produit par l'argent. On peignait quelquefois sur les deux côtés du verre; mais une des couches de couleur était une teinte à plat, et les ombres se trouvent toujours du côté où est le trait. Le travail du peintre étant achevé, on fixait les couleurs qu'il avait appliquées en soumettant le verre à la cuisson. Plus tard, là fabrication journalière, des émaux employés dans la mosaïque fit découvrir d'autres couleurs applicables sur le verre, le pourpre, le bleu, le vert, le violet, etc., et des procédés plus parfaits pour l'application et la fixation des couleurs. La méthode des premiers peintres, qui employaient le verre coloré dans sa masse, est préférable à la simple peinture sur verre blanc; outre qu'il y a économie de travail elle donne des tons plus brillants et plus solides, et certains effets qu'on ne peut obtenir avec des couleurs d'application. (B.).
| En bibliothèque - Leviel , Traité de la peinture sur verre, in-8°; Alex. Lenoir, histoire de la peinture sur verre, Paris, 1804., in-8°; Hyacinthe Langlois, Essai sur la peinture sur verre, Rouen, 1832, in-8°; de Caumont, Cours d'antiquités monumentales, 6e partie, chap. 5; Emeric David, Discours sur la peinture; Schmithals, Traité de la peinture sur verre chez les Anciens, en allemand, Lemgo, 1826; F. de Lasterie, Histoire de la peinture sur verre d'après les monuments, 1837, in-fol.; Bourassé, Essai sur la peinture sur verre, dans son Archéologie chrétienne, 1841, in-8°; Jouve, Aperçu historique sur l'origine et l'emploi des vitraux peints dans les églises, Aix, 1844, in-8°; Gessert, Histoire de la peinture sur verre en Allemagne et dans les Pays-Bas, Leipzig, 1842; Thibaud, Considérations historiques et critiques sur les vitraux, Clermont, 1842; Thévenot, Essai historique sur, le vitrail, dans les Annales scientifiques et littéraires de l'Auvergne, 1837; Batissier, Traité de la peinture sur verre, Paris 1850. | | |