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Les
beaux-arts
Les arts
furent introduits au Japon en partie par
la Corée et en partie de l'Inde ,
en même temps que le bouddhisme. L'art japonais
fut ainsi, d'une certaine manière, la continuation de celui de la Chine
du nord et de elui de l'Inde. On ne trouve pas au Japon de période
préliminaire d'essais et de tâtonnements, et les oeuvres qui nous restent
de l'époque de Shôtoku Taishi, principalement d'assez nombreuses statues
de bronze et de bois,
sont déjà d'une rare beauté. Le grand nom est alors celui du sculpteur
Tori, dont le style est tout proche de celui des Wei septentrionaux.
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Portrait
du prince Shotôku Taishi (VIIe siècle).
L'art japonais
du VIIe au XIVe
siècle.
La sculpture
se montre sous forme de vastes objets de bronze, brûle-parfums, gongs,
etc. et surtout de statues de divinités et particulièrement de Bouddha.
A la fin du VIIe siècle et au début du
VIIIe, des rapports directs s'étant établis
avec la Chine, qui était entrée elle-même en contact avec l'Inde ,
une vague d'influence sino-indienne fait éclore des oeuvres magnifiques,
notamment les statues de Yakushi et de ses
deux assistants au Yakushi-ji et les fresques du Hôryû-ji. A l'époque
de Nara (VIIIe siècle), l'art japonais
s'inspire étroitement de l'art des T'ang : les
statues de divinités, en bronze, en laque sèche,
en argile ou en bois, sont d'un modelé plus vivant et plus humain, et
l'on voit apparaître la statuaire de portrait,
qui produit des chefs-d'oeuvre.
L'absence de roches
de construction a eu une influence directe sur la construction des maisons;
il est très certain que les tremblements de terre si terribles et si nombreux
dans l'archipel japonais sont une autre cause. Les maisons traditionnelles
japonaises sont de légères charpentes posées sur terre sans caves, couvertes
de chaume ou de tuiles; de murs, il n'y en a pas à vrai dire, la maison
est fermée par des portes de bois (amado),
glissant sur des rainures pendant l'été; en hiver, ces portes en bois
sont remplacées par d'autres portes en papier semi-transparentes appelées
sholi;
les chambres sont fermées par d'autres portes en papier et leur dimension
peut être agrandie, leur nombre diminué ou augmenté, suivant qu'on laisse
en place ou qu'on enlève ces portes.
Sous les Fujiwara,
l'architecture
religieuse, caractérisée jusqu'ici par une sobriété pleine de noblesse,
subit une transformation profonde : les temples s'ornent d'une décoration
somptueuse et variée et prennent des formes plus libres, notamment dans
l'exquis Hôô-dô, « Pavillon du Phénix », d'Uji (1052) .
Tenaga,
le premier homme créé
selon
la cosmogonie japonaise (musée Guimet).
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Asinaga,
l'homme aux longues
jambes,
le deuxième homme créé.
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La sculpture ornementale
fait des progrès rapides; mais la statuaire, élégante et gracieuse,
perd de sa grandeur et de sa force. A l'époque de Kamakura, elle connaît
une véritable renaissance, à laquelle est attaché le nom d'Unkei (XIIe-XIIIe
siècles) : elle se complaît alors dans la représentation des divinités
redoutables, aux gestes menaçants et aux musculatures saillantes. La plus
célèbre des statues de Bouddha date du XIIIe
siècle; c'est le colossal Grand Bouddha (Daibutsu) de Kamakura.
La peinture
n'a pas jeté un éclat moins vif que la sculpture aux VIIe
et VIIIe siècles : malheureusement, Ã
l'exception des fresques du Hôryû-ji, il
ne nous en reste à peu près rien. Au IXe
siècle, un grand nom, Kose no Kanaoka, le Wou Tao-tseu japonais : mais
la critique contemporaine l'a dépouillé peu à peu de toutes les oeuvres
qu'on lui attribuait. Les premières dont l'attribution soit à peu près
sûre sont d'admirables peintures religieuses du prêtre Eshin (fin du
Xe siècle).
Toute cette première
période de la peinture japonaise est bouddhique
par ses sujets et d'inspiration chinoise : les kakemono qu'elle
nous a laissés nous permettent de nous faire une idée de l'art des grands
peintres religieux de la dynastie T'ang. C'est au
début de l'époque féodale qu'apparaît la peinture proprement japonaise,
le Yamato-e : un style nouveau se crée, dont l'école Tosa, fondée
au XIIIe siècle par Tosa Tsunetaka, va
perpétuer la tradition. Le Yamato-e triompha surtout dans la peinture
des scènes de cour et des scènes guerrières, dans le portrait et dans
l'illustration des textes religieux ou romanesques écrits sur des rouleaux
(makimono) il se caractérise par la recherche des fonds somptueux
et des riches coloris et par un soin extrême du détail qui n'exclut ni
la noblesse ni la grandeur.
C'est également
aux Chinois que les Japonais doivent leur première bonne poterie;
qui prit la relève d'une poterie bien plus ancienne, à laquelle on fait
remonter la fabrication à une époque antérieure à 660 av. J.-C. ce
n'est qu'en 1230, que la première bonne poterie vernissée japonaise fut
faite à Seto par Tôshiro, qui avait étudié en Chine.
L'art japonais
après le XIVe siècle.
L'influence prise
par la secte bouddhiste zen, quiétiste et militaire,
fit adopter, au temps des Ashikaga (1336-1553), un idéal de simplicité
raffinée peu favorable à l'architecture et à la grande sculpture. C'est
dans la ciselure plutôt que dans la grande
sculpture qu'excellent les Japonais; tout le monde admire ces breloques
qui servent à rattacher à la ceinture la blague à tabac, inséparable
du costume japonais traditionnel, ces netsuke en bois, en corne,
en os, en métal, en laque, en ivoire;
les fermetures des blagues à tabac (kanémonos), les petites plaques
en métal ciselé, les poignées de sabre (menuki), les gardes de
sabre, les petits couteaux qui accompagnent le grand sabre (kodzuka),
etc., les masques si bizarres sculptés pour
les No et les Kyôgen et qui arrivèrent à la perfection au commencement
du XVIIe siècle avec Démé Jioman. La
sculpture sur bois est représentée par deux
magnifiques spécimens à Nara et au temple de Nikko; le plus célèbre
sculpteur sur bois fut Hidari Jingorô, né en 1594.
L'art de la porcelaine
et celui de la laque s'inspirent
des traditions chinoises. La fabrication de la porcelaine est introduite
de Chine vers 1520 par Gorodayu Shonsui; un grand centre de la production
est la province de Hizen; l'apogée de sa fabrication attendra la période
qui va de 1750 Ã 1830. Le vieux Satsuma a atteint son maximum de perfection
dans la première moitié du XIXe siècle.
La fabrication des
laques
est plus encore une branche de l'art qu'une industrie au Japon, elle est
faite avec le suc de l'arbre
appelé Rhus vernicijera qui s'échappe lorsqu'on lui fait des incisions.
On applique la laque sur du métal, mais surtout sur du bois; les meilleurs
bois sont le hinoki (Chamaecyparis obtusa) et le kiri (Paulownia
imperialis); pour des objets communs, on emploie les bois du suji
(Cryptomeria japonica) et da keyaki (Planera japonica). L'application
de la laque est extrêmement délicate et longue; après plusieurs couches
de laque ordiraire, on peut faire des applications avec des laques d'or
(hiramakiye et taka makiye). L'art de la laque est autochtone.
La courte période
dite de Toyotomi (Hideyoshi) se ressent de l'esprit de conquête et de
renouveau qui anima alors le Japon. Les principales constructions furent
les châteaux de Momoyama et d'Osaka. L'arrivée
de nombreux artisans coréens fit faire de grands progrès à la céramique.
La sculpture
est surtout décorative; le sculpteur
le plus célèbre est Hidari Jingorô (1594-1634), qui décora le château
de Nagoya et le temple de Iyeyasu à Nikkô.
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Le
château de Nagoya, type de forteresse féodale.
Sous les Tokugawa,
se marque un retour vers la simplicité raffinée. La discipline stricte
établie par les shôgun est étendue par eux au monde des arts .
Les peintres de l'école Kano deviennent des peintres officiels et pratiquent
un art académique. Les portraits et les
paysages
de Kano Motonobu (1476-1559) sont d'inspiration bouddhique.
Comme pour la littérature,
un double renouveau se produit cependant. D'une part, à Kyôto,
sous l'influence d'artistes chinois, réfugiés au Japon après la chute
des Ming, se créent trois écoles d'inspiration
réaliste. D'autre part, se fonde une école populaire (Ukiyoe) d'où sortiront
les maîtres les plus celèbres des XVIIe
et XVIIIe siècles. ( La
Peinture en Orient).
Un des plus grands
maîtres de la période est Kôrin, peintre et laqueur (1660-1716) : c'est
un décorateur dont le dessin admirablement
précis semble naïf. Bien qu'il n'appartienne pas à l'école Ukiyoe,
il a parfois peint des scènes de la vie courante. Il est surtout célèbre
pour ses fleurs et ses animaux.
Les « Biches » de Kôrin passent à juste titre pour un des chefs-d'oeuvre
de la peinture .
Moronobu, créateur de l'estampe japonaise;
Kwaigetsu-do, peintre des courtisanes; Haronubu (1718-1770), inventeur
de l'impression polychrome; Kyonaga, qui fit d'admirables illustrations
de livres; Koryusai, autre graveur travaillant à l'illustration; Utamaro,
qui peignit les fêtes et les plaisirs japonais; Hokusaï
(1760-1849), le peintre du Fuji, des ponts, des cascades, sont reconnus
comme les grands maîtress du temps des Tokugawa. Utamaro est surtout renommé
comme coloriste; il allonge les figures et cherche à donner à ses personnages.
de femmes une grâce aristocratique. Le talent d'Hokusaï a quelque chose
de plus varié et de plus robuste, mais aussi de plus vulgaire. Utamaro
et Hokusaï, ainsi que Hiroshige (1792-1858)
, ont été d'abord les artistes japonais les plus prisés des Européens.
Ils leur préfèreront plus tard Kôrin et Kyonaga.
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Estampe
représentant un combat judiciaire.
La prédilection
pour l'art de l'estampe, au détriment de
la grande peinture, est un des traits de la seconde période des Tokugawa.
Tous les autres arts, sauf la laque (dans les
écoles de Nagoya et de Kanazawa) et la céramique,
qui reste très inférieure à la céramique chinoise, paraissent en décadence.
Les artistes japonais du XVIIIe siècle
produisent des bibelots souvent exquis. Leur art semble plus près de la
vie que celui de leurs grands ancêtres du temps de Nara ou de Kamakura;
il a infiniment moins de force et de noblesse.
La
musique
La musique est d'origine
chinoise et bouddhique, l'échelle musicale se compose de cinq notes de
la gammeh armonique mineure.
« L'instrument
le plus parfait des japonais, dit Metchnikov, est le koto, espèce de zitter,
dont on tire à l'aide d'un crochet des sons assez mélodieux; mais l'on
a rarement l'occasion de l'entendre; anciennement l'on ne jouait du koto
qu'à la cour des empereurs. Le biwa, mandoline à quatre cordes, est l'instrument
des aveugles; il sert d'accompagnement aux improvisations et surtout au
récit de Heiké Mono-gatari. Les hommes jouent aussi parfois de la flûte
(fouye) et du tambour (taiko et tsudzumi). Le sami-sen (guitare à trois
cordes) est l'instrument de prédilection des deux sexes. Il est accordé
en trois tons : hon-tsio (ton naturel), ni-agari (seconde majeure) et sansagavi
(tierce mineure). Lorsque plusieurs sami sen sont joués à la fois, l'on
donne à celui qui sert pour la mélodie un accord particulier, nommé
taka-né. Il existe une grande variété de sami-sen et de riu-ghei, styles
ou méthodes de musique. Le style le plus usité aujourd'hui est le zioruri
qui sert d'accompagnement aux chansons érotiques. Naga-uta est le style
d'accompagnement pour les déclamations; ghi-dai-yu-bu-ci est le style
martial : hayari-uta est la musique des danses. ».
(HGP
/ Henri Cordier).
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