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Les gemmes
sont les pierres dures que leur éclat, après la taille, et
leur rareté, font rechercher pour la composition des bijoux
et la décoration des objets précieux. Dès l'Antiquité,
les humains y attachèrent le plus grand prix, et les livres les
plus anciens font mention de la beauté des pierres précieuses
et de la valeur qu'on leur attribuait. Leur classification s'établissait
d'après des différences de nuances ou d'après de légères
modifications accidentelles, laissées à l'appréciation
de chaque auteur, qui leur donnait dès lors un nom nouveau : aussi
rencontre-t-on, dans les Lapidaires, des pierres qu'il est impossible
d'identifier, bien qu'elles ne soient très probablement que des
variétés de gemmes déjà connues.
Daubenton tenta
d'établir des règles basées sur les couleurs du prisme,
après avoir divisé les pierres, en diamants et en pierres
orientales et occidentales. Mais il faut remarquer que cette dénomination
n'a rien de fixe, puisque c'est la beauté seule de la pierre, et
non le pays d'origine qui fait donner aux pierres ce nom d'orientales et
d'occidentales. L'émeraude d'Amérique est orientale, tandis
que l'émeraude de l'Antiquité, qui provenait d'Asie, est
occidentale : la seule classification scientifique admissible est celle
qui dérive de la composition chimique des pierres, de leur poids
spécifique, de leur dureté et de la forme de leurs cristaux.
Homère
ne parle pas de gemmes. L'ouvrage le plus ancien où elles sont mentionnées
est la Bible,
qui énumère les douze pierres du Rational du grand-prêtre
: la sardoine, l'escarboucle (en rubis), le ligure, la chrysolithe,
la topaze, le saphir,
l'agate, l'onyx, l'émeraude, le jaspe, l'améthyste et le
béryl (Le symbolisme des gemmes).
Théophraste (322 av. J.-C. dans son
Lapidaire, ajoute à cette liste : la perle,
le diamant, l'hyaloïde, le corail, la malachite,
la cornaline, le jais, la turquoise, la prase et l'hémiatite. Peu
à peu le nombre des gemmes s'accroît : Pline,
les auteurs du Moyen âge,
la découverte du Nouveau-Monde, la classification scientifique moderne,
permettent actuellement d'y ajouter l'aventurine, l'amazone, l'alexandrite,
la chrysoprase, le chrysobéryl, le
grenat, l'hyacinthe, l'iris, le jade, l'opale, le jargon, le labrador,
la marcassite, la nouméite, l'obsidienne,
l'oeil de chat, l'ouvarite, le péridot,
la pierre de lune, la pierre de soleil et la tourmaline.
Les Arabes ont simplifié cette classification
en mettant sous le nom de yacout toute la série de pierres
précieuses à base le corindon ou télésie, qui
comprend le saphir bleu et blanc, le rubis, l'améthyste, l'algue
marine, l'émeraude, la topaze, l'hyacinthe. Les Chinois ont adopté
à peu près la même division. La pierre Yu, le
jade, est la pierre fondamentale : le Pao-ché, qui semble
correspondre au corindon, comprend les pierres dures transparentes, rouges,
bleu foncé, bleu clair, vert clair et jaunes : en outre leurs Lapidaires
mentionnent parmi les pierres précieuses possibles à identifier,
la perle, le corail, la cervelle de cheval (agate), le cristal de roche,
l'amethyste, l'ambre et le verre.
Au Moyen âge,
les gemmes étaient généralement employées en
cabochons polis; on les perçait souvent
pour pouvoir les fixer sur les vêtements et sur les bijoux, mais
elles n'avaient pas grand éclat, parce qu'elles étaient montées
dans des bâtes ou simplement fixées sur des plaques d'or ou
d'argent (Joaillerie).
Cependant les anciens connaissaient la taille, puisque Pline
rapporte que de son temps les bijoutiers
taillaient à six pans le béryl pour lui donner de l'éclat.
Mais ce n'est guère qu'à l'époque où Louis
de Berquen, de Bruges (1476), mit en vogue
la taille du diamant que les gemmes furent régulièrement
taillées. Dès lors, suivant qu'elles étaient taillées
en brillant ou en rose, on les montrait à jour ou dans une bâte.
Les gemmes, on l'a dit furent entourées
d'idées symboliques dès les temps les plus reculés.
Ces traditions, qui ont traversé les âges sans se perdre,
doivent assurément donner l'explication de quelques bijoux, auxquels
on n'a jusqu'ici attaché d'autre importance que celle de leur valeur
et de leur beauté. Il est certain cependant que nombre d'entre eux
n'avaient d'autre destination que d'agir magiquement, n'en resta-t-il comme
exemple que le souvenir du roi Jean, fait prisonnier malgré son
escarboucle (Pétrarque). II en est assurément
de même de quantités de gemmes qui ornaient les monuments
précieux et dont les inventaires relatent avec grand soin les propriétés
merveilleuses.
Dans l'Antiquité, les gemmes proprement
dites furent rarement gravées; les anciens trouvaient que les pierres
précieuses valaient assez par leur éclat seul. Au Moyen âge,
au contraire, et plus tard à l'époque de la Renaissance,
on trouve des rubis, des saphirs, des diamants même, intaillés.
Au Moyen âge, les imitations de pierres
précieuses, en verre, avec lesquelles on ornait les objets précieux
et les vêtements, s'appelaient également gemmes, et le moine
Théophile indique, dans son Livre des arts, la manière
d'exécuter les gemmes qui devaient concourrir à l'ornement
des verrières peintes. (F. de Mély). |
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