| L'Ebénisterie est un travail qui embrasse la charpente et le placage ou revêtement des meubles. Son nom lui vient de ce qu'autrefois on comprenait sous le nom d'ébène un grand nombre de bois qui se distinguaient par leurs belles nuances, leurs veines, leur dureté et leur finesse. L'art de l'ébéniste, pratiqué dans l'antiquité avec succès en Asie, particulièrement chez les Phéniciens, se propagea en Grèce après les conquêtes d'Alexandre. Il n'avait pu naître à Sparte sous l'empire de la législation de Lycurgue, qui avait interdit d'employer, pour la fabrication des meubles, d'autres instruments que la scie et le marteau. Il prit de grands développements à Rome; les écri vains latins vantent la magnificence des boiseries et revêtements des temples, des ameublements, des chaises curules, etc. Toutefois, aucun monument de ce genre de travail ne nous est parvenu, et l'on ignore les procédés rois alors en usage. L'ébénisterie ne put que décliner dans les temps qui suivirent l'invasion des Barbares du Ve siècle, et elle ne reprit quelque valeur qu'à la fin du Moyen âge. De cette époque datent une multitude de cabinets, bahuts, dressoirs, chaires, meubles de toute espèce, qui attestent le développement qu'avait atteint l'art des tabletiers et des huchiers. Le chêne, le buis, le cyprès, le brésil, étaient alors les bois les plus employés; l'ivoire et la corne servaient à faire les ornements. Jean de Vérone (1470-1537) imagina de donner aux bois des couleurs et des ombres, en employant le feu et les acides, de sorte qu'au lieu de simples compartiments noirs et blancs, on put figurer divers objets, et spécialement des bâtiments en perspective : Sienne, Naples, Rome et d'autres villes italiennes ont conservé beaucoup de ses ouvrages. Les oeuvres de Philippe Brunelleschi et de Benoît de Majano obtinrent ensuite une réputation méritée. Les grandes découvertes géographiques qui marquèrent le XVIe siècle donnèrent à l'ébénisterie une foule de bois auparavant inconnus, et la marqueterie put lui venir puissamment en aide. Le goût italien se propagea en France à partir de François Ier, et, grâce à l'influence des deux reines Catherine et Marie de Médicis, l'ébénisterie française du XVIIe siècle atteignit une certaine perfection : on fit des meubles, des revêtements d'appartement, et même des planchers de marqueterie. Colbert établit aux Gobelins une manufacture de ce genre, qui devint fameuse par la beauté de ses produits : on remarque surtout les chefs d'oeuvre de Jean Macé de Blois, et de Boule père et fils. Les ouvriers du XVIIIe siècle excellèrent à combiner les veines et les nuances des bois destinés à la confection des meubles. Mois on remarque dans l'ébénisterie de ce temps les traces du faux goût qui avait envahi tout le domaine des beaux-arts. Beaucoup de meubles de luxe furent faits en bois des Indes massif; mais ils étaient d'un prix très élevé : aux approches de la Révolution, et plus encore au XIXe siècle, on est parvenu, au moyen du placage, à réunir dans les ameublements la modicité des prix à la beauté des formes et à l'éclat des surfaces. Toutefois le goût n'a pas immédiatement retrouvé sa pureté : après le style Louis XV, l'art grec était devenu à la mode; vers 1825, on se mit à reproduire les formes du moyen âge. Les ébénistes français ont acquis pendant cette époque une supériorité incontestable, et les meubles qu'ils fabriquèrent avec tant de goût, d'élégance et de richesse, sont recherchés par les nations étrangères. Ils imitent généralement les meubles de la Renaissance ou ceux de Boule. Parmi les artistes qui soutiennent le mieux le prestige de l'ébénisterie, on doit citer Desmalter, de Billy, Bellangé, Bellangre, Meynard, Fischer, Werner, Grohé, Durand, Jolly, Berg, Barbier, Hoeffer, Royer, Osmond, Kugel, Liénard, Vedder, Fourdinois, Barbedienne, Tahan, etc. (B.). | |