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Histoire de l'art > la Peinture > la Peinture moderne |
Le cubisme est un mouvement artistique du premier quart du XXe siècle, qui a été essentiellement pictural, et auquel sont attachés en premier lieu les noms de Pablo Picasso, de Georges Braque et de Juan Gris, ainsi que ceux de Fernand Léger, Robert Delaunay, Jean Metzinger et Albert Gleizes. Il a également existé une sculpture cubiste (Picasso, Alexandre Archipenko, Jacques Lipchitz, Henri Laurens, etc). - Nature morte à la guitare, par Juan Gris (1912). La préoccupation centrale des cubistes est la figuration des volumes. L'objet représenté n'est plus considéré d'un point de vue unique, mais d'une multitude de points de vue, qui cohabitent (de façons diverses) sur la toile. L'objet n'est plus ainsi asservi à la subjectivité d'un observateur qui impose son regard particulier (au travers des lois de la perspective, par exemple), mais retrouve, espèrent les artistes, une forme d'autonomie; il est représenté tel qu'en lui-même - tel qu'il peut être pensé, et non comme il est perçu. La grande loi qui domine l'esthétique cubiste est la suivante : la conception l'emporte sur la vision. « Ceux qui allaient devenir les cubistes interviennent : révolte contre des usages, - ces rites surannés dont leur intelligence, éclairée par une connaissance profonde des choses de la peinture leur avait révélé l'inutilité; libération de cette entrave que de telles coutumes mettaient à la réalisation d'un art désiré depuis toujours et dont de multiples contingences avaient jusqu'ici retardé l'avènement (les nécessités de l'iconographie, de documentation, etc.). Il s'agissait, en vérité, d'atteindre enfin au seul idéal que se soient au fond toujours proposé les grands artistes : le lyrisme. Et l'on se proposa d'atteindre au lyrisme par les seuls moyens picturaux, ne consentant plus à user des procédés de l'allusion qui, par le jeu des associations du souvenir, transportent le spectateur dans un autre système d'émotion, lyrique parfois, mais que le littérateur détermine plus aisément. On parle alors de peinture pure et l'on dénonce la littérature comme l'ennemi.On a coutume de diviser l'histoire du cubisme en plusieurs étapes : Le cubisme cézannien (1906-1909)Cette étape, qu'on appelle aussi précubiste, installe les deux questions qui fondent la nouvelle esthétique : celle, classique, de l'autonomie de l'oeuvre et celle du traitement des volumes. La réponse à la première apparaît surtout comme une profession de foi et un axiome : il peut et doit exister une peinture n'ayant de comptes à rendre qu'à elle-même.Quant au problème de la représentation de l'espace et des volumes, c'était déjà la préoccupation de Cézanne, et c'est dans le prolongement de ses recherches que s'inscrivent les premiers tableaux cubistes ou précubistes, ceux de Georges Braque en particulier (Nature morte au pichet, Maisons à l'Estaque). Pablo Picasso, de son côté, réalise les Demoiselles d'Avignon, supposé représenter des prostituées d'un bordel de la rue d'Avignon, à Barcelone, et où l'artiste esquisse ses premières réponses à la question du traitement du relief (hachures sur les visages des deux personnages de droite).
Le Grand Nu de Braque, puis ses nouvelles vues de l'Estaque, confirment la fécondité de ce mouvement naissant, et que l'on connaît désormais sous le nom de cubisme. Ce nom « lui fut donné par dérision en automne 1908 par Henri Matisse qui venait de voir un tableau représentant des maisons dont l'apparence cubique le frappa vivement. (Apollinaire, Les peintres cubistes, 1913).A partir de 1908, plusieurs peintres s'engagent sur la voie ouverte par Braque et Picasso. Le plus notable est peut-être Juan Gris, qui va rester en tout cas le plus constant représentant de cette forme de peinture. Et même s'il va encore attendre un an ou deux avant de montrer ces oeuvres, il rejoint, cette même année, Picasso dans les ateliers du Bateau-Lavoir, rue Ravignan (place Emile Goudeau), à Montmartre. En 1909, de nouveaux noms commencent à illustrer la peinture cubiste : Jean Metzinger et Albert Gleizes vont construire leur oeuvre en parallèle tout en se faisant les théoriciens du mouvement, tandis que Montparnasse commence à devenir, après Montmartre, le nouveau rendez-vous des artistes. Des peintres tels que Fernand Léger, Robert Delaunay, Henri Le Fauconnier, côtoient dans les ateliers de la Ruche, des sculpteurs tels qu'Alexandre Archipenko et Henri Laurens. Le galeriste Daniel-Henri Kahnweiler leur offre un espace d'exposition. Une sorte d'école cubiste commence à prendre forme, qui intéresse aussi des écrivains comme Blaise Cendrars et surtout Guillaume Apollinaire. Hommage à Picasso, par Juan Gris (1912). Le cubisme analytique (1910-1912)La question de l'espace et de sa perception devient centrale. Les recherches conduisent à les artistes à des expressions très abstraites, et on a qualifié parfois cette période d'hermétiste. L'observation de l'objet représenté (figure humaine, nature morte) ne se fait plus d'un point de vue unique. L'idée même de perspective, déjà mise à mal depuis un moment, est désormais annihilée. Le cadre rectangulaire dans lequel elle se développait éclate, comme éclate l'espace lui-même, et l'on exprime cela sous une forme presque caricaturale, en peignant des tableaux sur des toiles ovales ou circulaires.Picasso (Le Guitariste) et Braque (Violon et Cruche, Piano et Mandore), avançant du même pas, se répondant sans cesse l'un l'autre pendant cette période, sont une fois de plus les initiateurs de cette démarche : ils mutiplient les points de vue. Les volumes, examinés sous plusieurs angles, sont méticuleusement analysés et définis sous forme de plans multiples, avant d'être déployés sur le plan unique du tableau. Pour définir l'espace cubiste, Apollinaire parle, en 1911, de quatrième dimension. La ville de Paris, par Robert Delaunay (ca. 1911). En 1910, le cubisme semble installé. Une première rétrospective de l'oeuvre de Picasso est organisée à Paris; une exposition consacrée à ce dernier et à Braque est organisée en Allemagne; une autre, organisée un peu plus tôt à Bruxelles, avait reçu d'Apollinaire l'aval pour que soient employés officiellement les termes de cubisme et cubistes. Le Salon des Indépendants accueille lui aussi les toiles des peintres déjà définis comme cubistes, et désormais rejoints aussi par par les frères Duchamp (Marcel Duchamp, Jacques Villon et Raymond Duchamp-Villon), qui vont bientôt créer (1911) à Puteaux ce qu'on appellera le groupe de la Section d'or (ou groupe de Puteaux). --
Le groupe de la Section d'or attire à lui Gleizes, Metzinger, Delaunay, La Fresnaye, Fernand Léger et quelques autres artistes, qui, avec ceux de Montparnasse, se voient attribuer une salle (la salle n° 41) au Salon des Indépendants de 1911. « La première exposition d'ensemble du cubisme, dont les adeptes devenaient plus nombreux, eut lieu en 1911, aux Indépendants, où la salle 41 réservée aux cubistes causa une profonde impression. On y voyait des oeuvres savantes et séduisantes de Jean Metzinger; des paysages, l'Homme nu et la Femme aux phlox d'Albert Gleizes; le portrait de Mme Fernande X. et les jeunes filles par Mlle Marie Laurencin. La Tour de Robert Delaunay, l'Abondance de Le Fauconnier [l'oeuvre la plus remarquable de l'exposition], les Nus dans un paysage de Fernand Léger. » (Guillaume Apollinaire, Les peintres cubistes).Les mêmes (sauf Delaunay) se retrouvent quelques mois plus tard au Salon d'Automne (salle n°8). « L'exposition des cubistes au Salon d'Automne fit un bruit considérable, les moqueries ne furent épargnées ni à Gleizes (la Chasse, Portrait de Jacques Nayral), ni à Metzinger (la femme à la cuiller), ni à Fernand Léger. » (Apollinaire, Note écrite en septembre 1912).D'autres expositions collectives eurent lieu en novembre 1911 à la Galerie d'Art Contemporain, rue Tronchet, à Paris. L'année suivante, la galerie La Boétie expose les artistes de la Section d'or; les oeuvres de Braque, de Picasso, de Juan Gris, d'André Lhôte et de Louis Marcoussis (Ludwig Markus) sont également présentées. - Oeuvres cubistes exposées au Grand Palais, lors du Salon d'automne 1912. Le Salon des Indépendants de 1912, accueille Juan Gris pour la première fois. Au mois de mai, à Barcelone, on accueille avec enthousiasme les jeunes Français; enfin, au mois de juin, à Rouen, une exposition est organisée par la Société des Artistes normands,qui fut marquée par l'adhésion de Francis Picabia à la nouvelle école. Le cubisme synthétique (1912 - 1918)A partir de 1912-1913, une nouvelle étape commence, qui se caractérise par un souci de revenir à la représentation du réel. La couleur retrouve son importance. On aide également à la lecture du tableau et à l'identification des objets représentés en ajoutant à l'oeuvre proprement picturale des lettres isolées, des mots, des manchettes de journaux, et surtout d'objets (sable, de la limaille de fer, des imitations de bois, du marbre, papiers collés), un peu comme l'anciens Egyptiens, dans leurs hiéroglyphes, utilisaient des signes déterminatifs, qui ne se prononçaient pas, mais qui précisaient le sens d'un idéogramme ou d'un mot écrit phonétiquement.Le tournant de 1912
C'est Picasso, désormais installé boulevard Raspail, et Braque, qui une fois de plus ouvrent la voie, avec l'utilisation des papiers collés et du pochoir. Braque, bientôt accompagné par Juan Gris et Henri Laurens, recourt aux papiers collés (Compotier et Verre), mais il introduit également d'autres matières, à titre d'échantillons. L'année suivante, Picasso, avec La Guitare et Bouteille de Bass, propose une oeuvre adossée à la même problématique. Nature morte au damier, par Louis Marcoussis (1912). Cette évolution ne répond qu'en partie au souci de lisibilité des oeuvres. Elle traduit une évolution plus profonde du cubisme. Parvenus à l'entière maîtrise des nouvelles techniques picturales qu'ils ont inventées, les artistes ont fini par épuiser le champ du cubisme analytique. Ils peuvent maintenant le dépasser en renversant complètement leur méthode d'approche : l'analyse cède la place à la synthèse. On ne décortique plus minutieusement les formes; on les idéalise, on les conceptualise. Dans le cubisme synthétique, l'oeuvre n'est plus, comme dans le cubisme analytique une sorte de catalogue des apparences de l'objet représenté, mais l'expression de la conscience qu'en a l'artiste.
Pendant cette période, le cubisme continue de se faire connaître hors de France. Braque, Picasso et Duchamp exposent leurs toiles en 1913 à l'Armory Show, à New York. Quand la guerre éclate, plusieurs artistes sont mobilisés (Braque, Léger, Lhote, Gleizes, Metzinger, Villon), d'autres s'engagent (Marcoussis, de nationalité polonaise). Duchamp, réformé, et Picabia partent pour les Etats-Unis. Picasso, à Paris, et Gris, à Collioure, de nationalité espagnole, restent à l'écart du conflit. C'est l'époque où paraissent les premières sculptures cubistes (Picasso, Laurens). Le cubisme d'après-guerre (1918-1927)La Première Guerre mondiale, au cours de laquelle plusieurs artistes porteurs de ce mouvement sont détournés de leur art a marqué un coup d'arrêt au développement du cubisme. Après le conflit, et jusque vers le milieu des années 1920, des oeuvres cubistes sont encore produites, par Braque, Picasso et Juan Gris, en particulier. Mais désormais, si l'on excepte Gris, fidèle à ce mode d'expression jusqu'à sa mort en 1927, et les artistes de la Section d'or actifs jusqu'en 1925, de plus en plus, les artistes, nourris et enrichis par les acquis de cette période, suivront des voies nouvelles. Duchamp et Picabia s'investissent dans l'aventure dadaïste, Mondrian s'installe dans la peinture non-figurative, Metzinger et La Fresnaye retournent à la peinture figurative. Le cubisme cède progressivement la place à d'autres mouvements (la peinture moderne, 1840-1940), parfois ses héritiers directs, tels le purisme d'Ozenfant et le Corbusier.Repères cubistes : artistes et oeuvres
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