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Le
bouclier est une ancienne arme défensive, en métal ou en osier
garni de peau, que L'on portait au bras gauche pour parer les traits ou
les coups d'épée de l'ennemi. L'usage du bouclier remonte à la plus
haute antiquité, et sa forme a souvent varié. Les Romains
en avaient de diverses sortes, de longs et de ronds, ces derniers garnis
en leur milieu d'une espèce de bosse servant d'attache. A dater du Xe
siècle et pendant tout le Moyen âge,
on eut des boucliers ou écus en forme d'amande, et on les tenait toujours
la pointe en bas. Le bouclier a pratiquement disparu en Europe
à partir de la Renaissance, mais on
a continué à le trouver en usage jusqu'au seuil de l'époque contemporaine
chez de nombreuses populations, hors d'Europe. Ainsi, le bouclier a été
trouvé par les Espagnols de Fernand Cortez au
bras des guerriers mexicains, et les Chinois
passent pour l'avoir connu de toute Antiquité.
-- Le bouclier d'Achille , d'après Homère et reconstitué par Quatremère de Quincy. Boucliers à travers
le monde.
- Figure 1. - Boucliers divers. En Afrique, les Dinkas du haut Nil Blanc, les Moundous leurs voisins du sud, de même que les Baguirmi du Tchad se faisaient aussi remarquer par l'adresse avec laquelle ils détournaient les flèches de leurs ennemis à l'aide de bâtons droits ou recourbés en forme d'arc et un peu élargis au milieu (n° 8 de la fig. 1). Des bâtons analogues, munis d'une rondelle, ont été trouvés dans un tombeau égyptien ancien; ils sont conservés au musée du Louvre. Les Hottentots (Khoï-Khoï) employaient les massues (kirri) pour se défendre des flèches à la guerre, et avaient des cannes pour parer les coups de lance dans leurs exercices d'escrime (kolben). Souvent les bâtons qui, servaient à la défense étaient pointus aux deux bouts; c'est probablement un engin similaire qui a été à l'origine du madou, l'arme défensive et offensive des Khonds de l'lnde centrale, formée de deux cornes d'antilope réunies par leur base (n°11 de la fig. 1). Les différentes formes de bouclier qui ont été en usage chez les peuples anciens semblent n'être que les dérivés de la forme primitive, le bâton. Seulement, cette évolution du bouclier, si l'on peut s'exprimer ainsi, s'est opérée de façons diverses, suivant les conditions locales. On peut cependant distinguer deux directions principales, deux types de développement auxquels on pourrait ramener tous les autres. Le premier n'est que le développement en largeur et l'aplatissement du bâton; il aurait donné naissance à la plupart des boucliers allongés; le deuxième est caractérisé essentiellement par l'application sur le bâton d'un morceau de bois, de peau, etc., autour de l'endroit où il est tenu par la main; ce protège main aurait donné naissance aux boucliers ronds et à quelques boucliers allongés. L'exemple le plus frappant du premier type
nous est fourni par les boucliers des Aborigènes australiens.
Dans une collection tant soit peu complète de ces objets on peut suivre
pas à pas les transformations du bâton en bouclier. Certains boucliers
(les tamarangs) ne sont que des bâtons un peu aplatis et élargis
au milieu (n°s 1 et 2 de la fig. 1, face
et profil) ; d'autres (les moulabakka) sont des planchettes très
étroites, arrondies vers les deux bouts (n°s
3 Ã 5 de la fig. 1, les deux faces et le profil); d'autres enfin prennent
la forme de planches assez larges, de forme ovale, rappelant les boucliers
des guerriers du Moyen âge. La poignée qui sert à retenir le bouclier
est absente dans la première forme, mais dans la seconde elle est représentée
par un trou ou une large fente pratiquée à travers la face postérieure,
un peu bombée ou dièdre du bouclier (n°s
4 et 5 de la fig. 1); on passe la main à travers la fente et l'on tient
le bouclier par l'espèce de poignée que forme la partie intacte en arrière
de cette fente.
Ci-dessous : boucliers utilisés dans la région soudanienne au début du XXe siècle. Dans les grands boucliers ovales cette poignée est remplacée parfois par une lanière de cuir fixée à ses deux bouts. Les trois formes de bouclier australien que nous venons de décrire ne sont que le développement graduel en largeur du bâton. Ils servent pour se défendre des frondes, des javelots et des massues-projectiles; pour parer les coups de boomerang, on emploie un bouclier spécial dont la face antérieure est dièdre. Des boucliers analogues, un peu élargis aux deux bouts (n° 6 de la fig. 1), ont aussi été employés par les Alfourous des Moluques septentrionales. Le bouclier caractéristique des Dayaks de Bornéo et d'autres populations de l'Indonésie (n° 7 de la fig. 1) dérive aussi de la forme primitive de tamarang. C'est une planche en bois, ayant la forme d'un hexagone dont les deux bords parallèles à l'axe sont beaucoup plus longs que les autres. Une forme presque identique se retrouve chez les tribus de Chittagong en basse Birmanie. Le deuxième mode de développement du
bouclier est l'adjonction au bâton d'une espèce de garde en bois, en
métal ou en peau. Déjà les bâtons ou boucliers primitifs des Moudous
sont entourés au milieu d'une bande de peau de buffle, sous laquelle on
passe la main pour les tenir (n° 8 de la fig. 1). Supposons qu'un jour
cette bande annulaire, se trouvant à moitié détachée, forma en avant
de la main un rempart dont la surface assez grande la protégeait plus
efficacement que l'anneau, et nous aurons une origine possible des boucliers
en peaux d'animaux fixés sur un bâton, d'abord fort petits comme chez
certaines tribus sud-africaines, chez les Fans (n° 9 de la fig. 1) et
chez les Hottentots, puis devenant les énormes boucliers allongés des
Zoulous (n° 10 de la fig. 1). Dans ces derniers le bâton axial persiste
encore et maintient droite la peau, mais on ne le remue plus comme chez
les Hottentots pour faire de l'escrime; il suffit, pour se défendre, de
se cacher derrière le bouclier qui couvre tout le corps. La touffe de
crins qui surmonte le bâton axial protège le front, et l'on peut voir
de derrière le bouclier les mouvements de l'ennemi. On retrouve des boucliers
analogues, mais quadrangulaires, chez les Chouli du haut Nil Blanc, chez
les Fans de l'Ogoué, etc. Chez d'autres peuples africains, surtout chez
ceux qui sont cavaliers ou nomades, les nécessités de déplacements ont
déterminé la forme arrondie, plus légère, du bouclier en cuir, dont
le bâton a disparu et dont la poignée est faite d'une lanière. Tels
étaient les boucliers des Bedjas, des populations de la Corne de l'Afrique,
mais aussi ceux des Indiens de l'Amérique
du Nord.
Guerriers béninois armés de boucliers (bronzes du XVIe siècle). Dans certains pays où le bétail est rare,
on a confectionné des boucliers analogues à ceux des Zoulous et d'autres
populations de l'Afrique Australe avec des tiges de rotang et de roseaux
ou avec des feuilles de palmier artistement tressées; tels sont les boucliers
ovales des Nyam-Nyams (Soudan), les boucliers en forme de cerf-volant de
certaines tribus dayaks (Bornéo), etc. Ces boucliers ne sont pas très
solides, mais ils présentent cet avantage que les pointes de flèches
qui les touchent, au lieu de rebondir, s'y enfoncent et y restent adhérentes
au profit du guerrier. Dans les armes des Khonds que nous venons de décrire
(le madou, n° 11 de la fig. 1), la main est protégée par une
plaque ronde en métal placée en avant de la réunion de deux cornes;
cette plaque est souvent munie d'une pointe. Plusieurs armes, défensives
et offensives en même temps, dérivent de cette forme, notamment en Inde
et au Japon; mais la petite plaque ronde
en métal garantissant la main a été transportée sur d'autres formes
de bouclier (l'umbo des boucliers des Germains),
ou bien elle a été agrandie et utilisée toute seule comme bouclier rond
des Grecs et des Romains.
Les quatre disques bombés des boucliers ronds qui ont été en usage en
Inde, en Iran,
au Turkestan (n° 12 de la fig. 1), etc.,
ne sont que les représentants des têtes de clous qui servaient à fixer
l'umbo sur le bouclier.
Guerriers de Vella lavella (Iles Salomon), armés de boucliers. Les ornementations du bouclier sont aussi anciennes que l'arme elle-même. Déjà les boucliers étroits des Australiens sont ornés de raies (n° 3 de la fig. 1), ou de lignes courbes rouges et blanches; les boucliers des Dayaks sont couverts de dessins représentant des monstres et portent les touffes de cheveux provenant des têtes coupées aux ennemis (n° 7 de la fig. 1). Les dessins tressés sur les boucliers des Nyam-Nyams sont aussi variés qu'artistiques; les boucliers des Indiens de l'Amérique du Nord sont ornés de figures représentant le totem ou les armes de la tribu, prototype du blason que l'on trouve en Europe. La riche ornementation des boucliers orientaux, persans, hindous, turcs (n° 12 de la fig. 1) est connue de tous les artistes et collectionneurs. (J. Deniker). Les boucliers
de l'Antiquité et du Moyen âge.
Si haut que l'on remonte, dans les monuments que nous a laissés l'Antiquité, on trouve mention du bouclier. Celui d'Héraclès est cité par Hésiode; Hérodote nous montre cette arme comme étant usitée chez les Egyptiens. Un monument de ce pays, datant du XIe siècle avant notre ère, nous fait connaître un bouclier carré en bas, arrondi en haut et atteignant presque la hauteur d'un homme. Le bouclier égyptien était percé d'un trou qui permettait au soldat d'observer son ennemi sans se découvrir. Les Hébreux se servaient du bouclier. Cette arme existait également chez les Assyriens et les Perses. Les Babyloniens du VIIIe siècle av. J.-C. avaient, pour la bataille, le bouclier rond, et le long pavois pour la guerre de siège. Dans Homère,
le bouclier des héros est ovale ou rond et très grand. Au VIe
chant de l'Iliade,
quand Hector rentre un instant dans la ville
pour adresser des prières et faire des sacrifices aux dieux, son grand
bouclier, qu'il porte sur son dos à l'aide du telamôn, lui bat la tête
et les talons. La magnifique description du bouclier d'Achille, forgé
par Héphaistos, est bien connue.
Homère nous parle encore du bouclier de Nestor, fait d'or pur; de celui d'Ajax, recouvert de sept peaux de taureaux, et de celui d'Agamemnon qui couvrait tout entier le roi des rois et portait vingt bosses d'étain blanc sur sa surface. Extérieurement doublé de plaques métalliques, le bouclier héroïque était décoré d'emblèmes, tels qu'un serpent, une panthère, une tête de boeuf (fig. 2), etc. Le bouclier d'Ulysse portait un dauphin, celui d'Agamemnon un masque de Gorgone celui d'Hector un lion. Quelquefois le bouclier était garni, Ã
la partie inférieure, d'une bande d'étoffe tombante, de couleurs vives
et variées, qui formait à la fois un brillant ornement et une protection
pour le bas des jambes.
2 - Bouclier grec à tête de boeuf. Au cours des âges classiques, le bouclier
grec a des formes diverses. On voit encore le bouclier ovale ou rond, qui
rappelle celui de l'époque archaïque; mais le bouclier rond n'a plus
de telamôn, il porte au centre et en dedans une anse en cuir ou en métal
où le guerrier passe le bras, tandis que sa main serre une poignée fixée
près du bord (fig. 3).
3 - Anse et poignée de maintien d'un bouclier rond. Un autre bouclier, dit béotien, est ovale
et échancré des deux côtés pour faciliter au soldat le jeu de ses armes,
sans l'obliger à se découvrir (fig. 4). C'est l'arme de l'hoplite. Les
Grecs ont enfin le petit bouclier asiatique, en forme de croissant (fig.
5). C'est l'arme du peltaste, moins pesamment armé que l'hoplite.
4 - Bouclier dit béotien. 5- Bouclier asiatique. Dans les premiers âges de Rome, les guerriers romains avaient le clipeus, petit bouclier rond, imité des Étrusques. Mais cette arme paraît avoir été abandonnée sous le règne de Servius Tullius. Elle fut remplacée par le scutum, qui devint l'arme définitive de l'immortel légionnaire romain. Ce bouclier était quadrangulaire (1,20 m de haut sur 0,80 m de large) et bombé en forme de demi-cylindre. Il était fait de deux couches de planches minces, en bois de peuplier, de saule ou de tilleul, croisées, collées et revêtues de toile épaisse mise en double, et de cuir. Le consul Camille
lui donna une bordure métallique, dit-on, pour qu'il opposât plus de
résistance aux coups des gaulois. Au centre,
saillait un umbo métallique rivé au bois. L'extérieur était peint Ã
la couleur de la légion et présentait divers emblèmes,
un foudre ailé, une guirlande, une couronne, un croissant, un aigle, un
losange; etc. (fig. 6). A l'intérieur étaient inscrits le numéro de
la cohorte, celui de la centurie et le nom du propriétaire de l'arme.
Paul-Emile
défendit aux sentinelles d'avoir leur bouclier, afin qu'elles ne fussent
pas tentées de s'endormir en s'appuyant dessus. Les troupes légères
(vélites) de l'infanterie et la cavalerie portaient un bouclier rond appelé
parma, d'environ 1 m de diamètre. Il était de cuir, soutenu par
une armature de fer ou d'osier. César nous apprend
que le légionnaire portait d'ordinaire son bouclier dans un étui, d'où
il le tirait pour combattre, ce qui l'exposa parfois à être surpris.
6 - Boucliers quadrangulaires (scutum). L'enseigne romaine était surmontée d'un bouclier qui supportait l'aigle. La colonne Trajane montre que, vers le commencement du IIe siècle, le bouclier n'avait pas encore changé de forme, mais l'umbo était orné de figures particulières à chaque légion. Le prétorien que nous fait connaître la colonne Antonine, n'a plus le grand bouclier carré, il en porte un de forme circulaire, plus grand que la parma. On appelait, dans l'Antiquité, boucliers votifs des boucliers offerts aux dieux après chaque victoire, et suspendus dans les temples, comme nos modernes ex-voto. On conservait à Rome douze boucliers sacrés appelés ancilia.Les Gaulois, au moment de la conquête romaine, avaient un bouclier de la taille de l'homme, ovale ou en forme de carré allongé, plus large au milieu qu'aux extrémités. Il était orné d'attributs et d'images servant à distinguer entre elles les différentes populations. - Boucliers gallo-romains, figurés sur l'Arc d'Orange. Les Germains avaient anciennement le bouclier carré, de 8 pieds sur 2, en osier treillissé, recouvert de peau et quelquefois plaqué de bronze ou de fer. Il était peint en couleurs vives, surtout en blanc et en rouge. Il fut plus tard remplacé par un bouclier rond, avec une bosse au centre, fait de bois de tilleul et bordé de fer. Les hiéroglyphes dont il était peint représentaient les actions d'éclat du chef à qui il appartenait. Tacite nous apprend que, chez les Germains, l'abandon du bouclier était regardé comme le plus grand des crimes. Le bouclier mérovingien
était rond, en bois, avec une carcasse de fer, et recouvert de peau. Il
portait un ombilic généralement en fer, en forme de cône écrasé et
renflé à sa base, souvent terminé par un bouton. La poignée en était
disposée de telle façon qu'on ne pouvait se servir de cette arme qu'Ã
la main et sans l'embrasser. La loi salique
exigeait que le roi eût son bouclier pour rendre la justice. Les Vikings,
lors du siège de Paris, en 888, avaient
des boucliers peints à la romaine. Le bouclier anglo-saxon était rond
et bombé, dans le genre de celui des Francs.
7 - Bouclier franc (époque carolingienne). A la fin du XIe
siècle, celui de l'homme d'armes avait la forme d'un coeur, arrondi Ã
la partie supérieure, pointu par le bas. Il était en bois, revêtu de
cuir, avec garniture de fer. L'intérieur en était doublé et matelassé.
Il se portait sur l'épaule gauche, la pointe en arrière, suspendu au
cou par une guige. Des énarmes permettaient de l'embrasser. Il était
souvent peint et orné de figures bizarres servant à distinguer entre
eux les guerriers, bien que les armoiries proprement dites ne dussent apparaître
que plus tard.
8 - Pavois d'assaut (vue extérieure). Vers la fin du XIVe
siècle, on vit apparaître la rondelle à poing, qui ne mesurait
pas plus d'un pied un quart de diamètre. Elle se conserva jusqu'au XVIe
siècle. Le pavois ou pavesade, espèce de claie qui servait
à abriter l'archer et l'arbalétrier, était d'origine allemande (fig.
8); ce genre de bouclier apparut vers le XIVe
siècle; il était ovale en haut et carré en bas.
Rondaches du XVe siècle. Une suite de pavois plantés sur la même
ligne et juxtaposés constituait une sorte de retranchement volant. A la
même époque existait la longue targe en bois et en peau, et au XVe
siècle on se servit d'une petite targe échancrée. Les manteaux d'armes
et rondaches apparurent à la fin du XVe
siècle.
Ce fut la cavalerie qui, après l'invention
des armes à feu, abandonna la première le bouclier, vers le milieu du
XVe siècle. Il n'est pas fait mention
du bouclier dans l'armement des compagnies d'ordonnance; pourtant il se
voit encore dans les bas-reliefs des tombeaux
de Louis XII et de François
Ier.
Le bouclier persista longtemps dans l'infanterie. Montluc,
à la camisade de la basse ville de Boulogne,
portait une rondelle. Les Espagnols
avaient des boucliers, en 1562, au siège de Rouen.
Sully portait une grande rondache quand il fit
la reconnaissance de Montmélian, en 1600. En 1621, au siège de Saint-Jean-d'Angely,
le roi Louis XIII manifesta l'intention de
rétablir l'usage du bouclier et de mettre des rondelliers dans les compagnies
d'infanterie; mais ce projet n'eut pas de suite. Les Écossais
combattirent avec le bouclier en 1745, à la journée de Preston. (H.
Saladin).
Bouclier arabe (porte Bab-el-Nasr, au Caire). |
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