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![]() | Si l'on jette un coup d'oeil d'ensemble sur les monuments de l'ancienne Égypte![]() ![]() ![]() ![]() En suivant toute la série, les variations ne se remarquent pas; en passant plusieurs anneaux de l'immense chaîne, les modifications sautent aux yeux. Les plus anciens édifices égyptiens rappellent les monuments mégalithiques, avec cette différence, cependant, qu'ils sont soigneusement taillés et habilement disposés. Le plus antique que l'on puisse citer, - après le Sphinx, colline de calcaire taillée en forme de lion Pourtant, le soin avec lequel les matériaux sont polis et appareillés montre qu'à cette époque lointaine les Égyptiens étaient déjà fort avancés dans l'art de construire. Il serait impossible de tracer, en étudiant tous les genres à la fois, l'histoire de l'architecture égyptienne. Aussi étudierons-nous séparément les différents ordres de monuments que nous a légués l'ancienne Égypte. Ce moyen nous permettra de mieux en suivre les développements et de mieux en saisir les variations. On insistera sur les aspects pittoresques, archéologiques et historiques. Le côté technique et pratique de la question demanderait une étude trop détaillée des procédés de construction et nous eût entraîné, et pour le texte et pour les illustrations, en dehors des limites d'un article d'encyclopédie
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![]() | L'architecte et sa matière Avant de passer en revue ces genres divers, il nous faut déterminer les procédés généraux de construction qui s'appliquent indistinctement à tous ces genres. Les matériaux le plus souvent employés sont le granit, le grès, le calcaire et l'albâtre, toutes pierres se rencontrant en abondance dans les carrières égyptiennes. Parfois, les Égyptiens se servaient de briques séchées au Soleil
Les murs sont ordinairement composés d'assises horizontales dont les pierres présentent en hauteur des joints verticaux et parfois inclinés. Ces pierres sont creusées, sur leurs bords contigus, dans le sens horizontal, de mortaises triangulaires et reliées entre elles au moyen de tenons de bois en queue d'aronde. On a quelques exemples d'assises courbes sans que la nature du terrain puisse toujours servir à expliquer ce mode étrange de construction. Enfin, le corps même de la muraille peut être formé de menus matériaux, non taillés, revêtus, aux deux côtés extérieurs, d'un parement de grandes pierres bien polies et appareillées. Les plafonds sont soutenus par des piliers quadrangulaires, souvent sculptés en colonnes; ces piliers supportent des architraves formées de longues pierres joignant les piliers deux à deux, et sur ces architraves sont rangées les dalles formant à la fois le plafond de la salle et le sol de la terrasse ou de l'étage supérieur. La voûte était, dès les temps les plus reculés, connue des anciens Égyptiens, et pourtant ce mode si simple de construction - qui, en d'autres pays et même dans l'Égypte moderne, prit tant de développements - ne fut jamais employé aux époques pharaoniques que dans des occasions purement accidentelles. La voûte égyptienne était de deux sortes : 1° la voûte en encorbellement, composée d'assises surplombant les unes sur les autres et se rejoignant au sommet de la voûte;Tels étaient, d'une manière générale, les procédés de construction mis en oeuvre par les anciens Égyptiens, mais nous aurons l'occasion, en examinant les différents emplois de l'architecture, de relever quelques exceptions à la règle ordinairement adoptée. ![]() Fabrication de briques crues (tombeau de l'Assassif, Thèbes). L'architecture funéraire Pour bien comprendre la disposition d'ensemble d'une sépulture égyptienne, il importe d'abord de connaître les idées que se faisaient les Égyptiens de la vie dans le monde-autre ( Sous l'Ancien Empire A vrai dire, on n'a pas encore retrouvé de ces chapelles extérieures dans les pyramides de l'Ancien Empire, mais dans la nécropole de Méroé (Soudan), bien postérieure comme époque, quoique les tombes en affectent également la forme pyramidale, les chapelles du double sont admirablement conservées. On peut donc en conclure, par analogie, que des édicules, aujourd'hui disparus, existaient au pied des pyramides de l'Ancien Empire. Dès qu'il était monté sur le trône, un roi faisait commencer les travaux de sa tombe et s'arrangeait de manière qu'elle pût être achevée en peu de temps, aussitôt sa mort venue. Aussi, les pyramides Le mastaba avait extérieurement l'aspect d'une pyramide tronquée fort près du sol. Dans l'intérieur du monument se trouvent les salles de réception et les chambres où sont enfermées les statues du double. Cette partie de la tombe est décorée de scènes de la vie civile, dont on peut se faire une idée en examinant les tableaux, si souvent publiés, qui sont peints sur les parois de la sépulture de Ti, à Saqqarah. En soulevant l'une des dalles de ces pièces, on trouve l'ouverture d'un puits qui s'enfonce verticalement dans le sol et est obstrué de briques cassées, de tessons, de mortier. Ce puits, souvent fort profond, aboutit à la partie réservée à la momie Sous le Moyen Empire Enfin, sous le Nouvel Empire - ![]() Le temple funéraire d'Hatshepsout (1508-1458 av. J.C.; XVIIIe dynastie), à Deir el-Bahari. Source : The World Factbook. Les momies des rois thébains étaient ensevelies dans une vallée sinistre et solitaire, qui s'ouvrait à l'Ouest de la ville, et qu'on nomme aujourd'hui vallée de Bibân-el-Molouk (Vallée des Rois). Une suite de galeries et de salles, descendant obliquement sous le sol, telle était la demeure propre du défunt. On en murait l'entrée, et même, pour mettre le cadavre à l'abri de toute profanation, on en dissimulait la place en aidant la montagne, très friable en cet endroit, à s'ébouler devant l'ouverture. Ces hypogées ne contiennent que des représentations funèbres. La plupart sont très richement ornés de peintures et de sculptures. L'un des plus remarquable que l'on connaisse est celui de Sethi Ier, dont un bas-relief a été enlevé et apporté au Musée du Louvre; les tableaux y sont d'une variété de coloris extraordinaire. ![]() Transport des briques et du mortier. C'est dans Thèbes même, loin de la vallée de deuil, que se trouvent les temples funéraires qui, pour les rois, répondaient aux salles de réception des tombes ordinaires. Ces temples, de grandes dimensions, s'étendent sur la rive gauche du Nil et forment le quartier de la ville appelé Memnonia par les Grecs. On y trouve représentés les principaux traits de la vie des rois, fêtes de couronnement, batailles, triomphes : l'un d'eux y est même figuré au milieu des plaisirs de son harem. Le terrain ne faisant pas défaut, le jardinet des simples particuliers se transformait en parc, et le bassin prenait l'importance d'un grand lac. Un temple funéraire était comme une vaste colonie chargée de pourvoir elle-même à son entretien et à sa subsistance. Rien n'y manquait : étables, greniers, trésors, jardins potagers et jardins fruitiers, canaux communiquant avec le Nil En somme, on voit que, malgré les changements survenus aux différentes époques, la tombe égyptienne est toujours, en principe, restée la même. Les deux parties qui la constituaient, la salle funèbre et la salle de réception, n'ont varié que dans leur position par rapport l'une à l'autre, et par l'importance que leur donnaient la richesse ou la longévité de leur possesseur. L'architecture religieuse Un temple égyptien n'est pas un édifice religieux ouvert librement à tous, renfermant des salles spacieuses et brillamment ornées où se donnent des fêtes pompeuses. On n'y voit point les fidèles accourir de tous côtés pour adorer l'image imposante de la divinité. Dans un temple d'Égypte, tout est mystère
![]() ![]() ![]() ![]() - ![]() Bas-relief du temple d'Abydos. À Abydos, on trouve deux cours, puis deux colonnades, et le temple retourne sur lui-même, en équerre. A Tentyris (Denderah), au contraire, le temple s'ouvre par la colonnade. A Louqsor, deux cours également, mais ne communiquant l'une avec l'autre que par une longue et haute galerie perpendiculaire. A Karnak, un petit temple, bâti sous la XIIe dynastie (Moyen Empire D'autres temples, à Eilithyia (El Kab), à Éléphantine, à Philae, ne sont, au contraire, composés que d'une pièce unique. Généralement, dans les temples compliqués, lorsque l'on ne tient compte que de la partie la plus ancienne, on se trouve en présence d'un édifice relativement assez simple; les agrandissements seuls en ont modifié la forme primitive. ![]() Grand portique du temple de Philae, en Nubie. Dans diverses villes d'Égypte et de Nubie L'architecture civile On n'a que fort peu de restes de l'architecture civile des anciens Égyptiens. Les sujets des pharaons, en effet, n'édifiaient solidement que les temples et les tombes. Ils ne considéraient leurs habitations, ainsi que nous l'apprend un ancien voyageur grec, que comme des hôtelleries où l'on passe un jour, et réservaient tous leurs soins pour la construction de leurs funèbres et éternelles demeures. Les maisons étaient bâties en matériaux fort peu durables, tels que la brique, le pisé ou le bois. De là vient qu'il nous reste à peine quelques ruines d'habitations égyptiennes. On peut néanmoins se rendre compte de ce que pouvait être une maison égyptienne par les représentations que nous en donnent les peintures sépulcrales et même par quelques minuscules spécimens qui sont parvenus jusqu'à nous. Dans les demeures d'une certaine importance, les chambres étaient disposées quadrangulairement autour d'une cour assez vaste. Une galerie, soutenue par des piliers, longeait ces salles et permettait de passer de l'une dans l'autre sans rester à découvert sous le ciel brûlant. Aucune fenêtre ne s'ouvrait sur l'extérieur, la lumière et l'air venaient de la cour; une étroite porte était la seule communication avec le dehors. Ces chambres étaient surmontées d'une terrasse circulaire à laquelle on arrivait par un escalier placé dans un angle de la cour. Parfois, comme dans bien des maisons du Caire, une ouverture percée dans le plafond servait à aérer l'intérieur. Elle était recouverte d'un auvent disposé obliquement vers le nord, de façon à intercepter les rayons du Soleil, tout en laissant pénétrer dans l'habitation les brises fraîches venant du côté de la Méditerranée. Les maisons de paysans comprenaient une petite cour entourée de murailles assez élevées et, au fond, deux ou trois pièces, en forme de hangars, surmontées toujours d'une terrasse; en Orient, la terrasse, où le soir on va prendre le frais, est un luxe accessible à tous. Dans les grandes villes, à Thèbes, par exemple, les maisons avaient plusieurs étages; dans ce cas, le rez-de-chaussée était construit plus solidement, en pierres de taille. Elles étaient fort étroites, et les étages assez élevés; des fenêtres donnant sur la rue, et grillées peut-être comme aujourd'hui, à l'aide de moucharabiehs, en éclairaient l'intérieur. ![]() Construction d'une maison. On pourrait, grâce à un hasard historique étrange, reproduire le plan entier d'une ville de la XVIIIe dynastie (Nouvel Empire C'était surtout à leurs habitations de campagne que les riches Égyptiens donnaient quelque importance. C'étaient des sortes de cottages construits en briques et en charpentes laissées à nu entre la maçonnerie. Les pièces de bois, disposées de manière artistique, contribuaient à donner à la maison un certain cachet pittoresque. Ces pavillons, assez petits, se trouvaient en assez grand nombre dans les propriétés. L'un servait de chambre à coucher, un autre de salle à manger, un troisième de salon de réception. D'autres, moins soignés, renfermaient les cuisines, les offices, les greniers, les chambres des serviteurs, etc. De grandes vérandas y laissaient l'air entrer librement. A la campagne, on avait moins besoin de préserver du Soleil les habitations qui étaient basses et se trouvaient ainsi ombragées par les grands arbres. On vivait au jardin. Des allées bien abritées s'y trouvaient à profusion ainsi que des tonnelles, des kiosques, des pièces d'eau et des canaux sur lesquels circulaient des bateaux de plaisance ornés d'épais tendelets. Les représentations nous montrent que, sous le rapport du goût et du confortable, les Égyptiens savaient donner à leurs maisons rustiques tout l'attrait possible. Chose assez curieuse, on n'a pas retrouvé en Égypte un seul monument qu'il soit permis de nommer convenablement un palais. Les ruines que l'on a prises pour des palais se sont toutes trouvées, après examen, être des ruines de temples. Où les pharaons habitaient-ils? Dans les temples, peut-être, quoique aucun d'eux ne soit guère habitable, si ce n'est celui de Médinet-Habou. Aussi, est-ce généralement ce monument que l'on a cité comme exemple de palais égyptien. Mais nous savons, par des documents certains, que c'était le temple funéraire de Ramsès III, et lui-même nous en a laissé la description en le qualifiant de Temple de millions d'années, ce qui signifie, dans la phraséologie égyptienne, temple funèbre. Il est probable que les palais royaux, s'il y en a eu, n'étaient guère plus durables que les demeures des particuliers et que c'est pour cette raison que l'on n'en a pas retrouvé de traces. Mais, probablement, il n'en a jamais existé. Aménophis III nous apprend que c'est dans le temple de Louqsor qu'il passa toute sa jeunesse et nous pouvons peut-être conclure de ce fait que les rois vivaient dans les temples, inaccessibles au commun des mortels, et invisibles comme la divinité. L'Architecture militaire Les spécimens de constructions militaires de l'ancienne Égypte ne sont pas très nombreux. Nous savons par les monuments que, dès l'Ancien Empire L'un de ces forts est bâti à Semneh, sur la rive gauche du fleuve, l'autre à Kummeh, de l'autre côté de l'eau. L'emplacement en avait été admirablement choisi. Une colline assez haute barrait le Nil à cet endroit. Les eaux se frayèrent un passage à travers la pierre et une ligne étroite de rochers, formant cataracte, se trouva étranglée entre deux promontoires élevés. Ce furent ces deux promontoires qui reçurent les forts de Sésostris, lesquels commandaient ainsi le fleuve et la vallée. Ces édifices sont construits en briques crues, soutenues à diverses hauteurs par des madriers de dattier disposés horizontalement, et les murailles en ont 8 m d'épaisseur à la base et 4 au sommet, sur une hauteur de 25 m environ. Un certain nombre de tours, surmontées de créneaux, les encerclent. Ces tours ont 2 ou 3 m de saillie et sont défendues par des mâchicoulis d'où les assiégés pouvaient laisser tomber sur leurs ennemis de lourds projectiles. Autour des forteresses s'étend un fossé de 30 à 40 m de largeur. Escarpe, contrescarpe, rien n'y manque. Un glacis, régnant autour de l'ouvrage, constituait la ligne avancée de défense. En somme, ces monuments prouvent que les Égyptiens étaient déjà très avancés sur l'art de la fortification. On a retrouvé également, à Abydos, un édifice, nommé aujourd'hui la Chounet ez-zébib, que l'on croit avoir été une forteresse. C'est une sorte de bâtiment élevé, quadrangulaire, entouré d'un mur moins haut, très épais, laissant tout autour du fort un chemin de ronde. Les entrées, très étroites, sont disposées de telle sorte que les assaillants ne pouvaient s'y engager que fort peu à la fois et devaient passer par des coudes nombreux et faciles à défendre. Cet édifice, qui se trouvait compris dans l'enceinte de la ville, n'était pas d'ailleurs construit de façon à subir des assauts sérieux; c'était plutôt un poste d'observation de la terrasse duquel on pouvait surveiller les gorges communiquant du désert en Égypte, et prévenir toute attaque de la part des Bédouins nomades. La plupart des villes égyptiennes étaient environnées de larges et solides murailles. L'enceinte d'Héliopolis se distingue encore, quoique à moitié recouverte par suite de l'exhaussement du sol, Nous savons, par les documents hiéroglyphiques, que Thèbes, Memphis, Napata, étaient des places fortes. A El-Kab, sur l'emplacement de l'ancienne Éilithyia, les remparts sont admirablement conservés. Ils forment un grand quadrilatère autour de la ville, sont construits en briques crues de fort grandes dimensions, et ont une épaisseur de 20 m environ. Aucune tour, aucune porte; on n'avait probablement accès dans la ville que par des voûtes basses percées au bas du mur. Des escaliers, disposés intérieurement aux quatre angles, permettaient aux défenseurs d'Elithyia d'atteindre le sommet des remparts et de tirer sur l'ennemi, abrités derrière les créneaux. Le changement de niveau du sol ne peut permettre de savoir si les enceintes des places fortes étaient ou non protégées par des fossés. Tels sont les seuls renseignements, peu considérables, on le voit, que les monuments nous permettent de réunir au sujet de l'architecture militaire. L'esthétique Il nous reste, comme conclusion, à parler de l'esthétique. Les Égyptiens, avant tout, recherchent l'effet dans l'immense et dans le massif. Les Pyramides, le Sphinx, les statues de Memnon Et pourtant, malgré la recherche du grand, les effets de détail ne sont pas méprisés, bien au contraire; mais, à dessein ou non, ils disparaissent ordinairement dans la masse. Un pylône, dont tout l'effet réside seulement dans la hauteur, dans la forme et dans la simplicité grandiose, n'en est pas moins couvert, du bas jusqu'en haut, sans qu'un seul pouce de pierre soit négligé, de mille représentations et de mille inscriptions, si haut placées parfois qu'on peut à peine les distinguer aujourd'hui aux jumelles ou au téléobjectif. Les hypogées, murés pour toujours aussitôt après les funérailles, les sanctuaires des temples, qui, n'étant jamais éclairés, n'ont jamais pu être admirés, sont couverts de peintures et de sculptures patiemment et minutieusement exécutées. Néanmoins, si les Égyptiens voulaient, avant tout, le grand et le massif, ils n'en savaient pas moins, lorsqu'un monument devait être petit, lui donner du charme et de la légèreté. Le petit temple de Philae, le sanctuaire d'Éléphantine, aujourd'hui détruit, et d'autres monuments encore, en sont des preuves frappantes. Mais, il faut l'avouer, ce ne sont là que des exceptions. Le beau, tel que, par exemple, le concevaient les Grecs, était inconnu des Égyptiens; étonner l'esprit était leur seul orgueil, bien plus que le séduire. Sous ce rapport, on peut dire que les Égyptiens ont admirablement atteint le but qu'ils se proposaient, car, depuis Homère, qui célébra les cent pylônes de Thèbes, jusqu'au plus moderne touriste, qui publie ses notes de voyages, jamais les monuments égyptiens n'ont cessé de forcer l'étonnement et l'admiration enthousiastes de ceux qui les ont vus. (Victor Loret).
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