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L'architecture en Allemagne
Les anciens Germains n'avaient aucune idée des beaux-arts. Suivant Tacite, ils ne bâtissaient point de temples, et leurs demeures étaient des masses informes en terre. De grossières idoles, placées su fond des forêts, au milieu d'un assemblage de pierres irrégulières, sur lesquelles coulait parfois le sang humain; des armes et des ustensiles de ménage inhabilement fabriqués; des espèces de dolmens ou de monuments funéraires, appelés Hünenbetten (lits de morts ou de héros) : voilà tout ce qui subsiste de ces temps primitifs. Les Romains apportèrent la civilisation en Germanie; on fit alors quelques statuettes de bronze, imitées des statues romaines; des temples de bois s'élevèrent, notamment chez les Marses, tribu la plus rapprochée de la frontière des Gaules. De bonne heure, la rigueur du climat et les intempéries des saisons firent adopter les constructions à toit élancé, qui devaient faciliter l'écoulement de la pluie et des neiges fondues. L'art était encore à son début, quand la prédication chrétienne vint adoucir les moeurs, éclairer et féconder les esprits. Les mission missionnaires apportèrent d'Italie le goût et les principes de l'art byzantin; les évêques élevèrent des chapelles et des monastères. St Boniface, le grand apôtre de la Germanie, bâtit, en 724, l'église d'Altenberga (près de Gotha) et le monastère de Fulde; on conserve de lui, à la bibliothèque de Munich, un livre de prières orné de miniatures, qu'il apporta sans doute d'Italie, mais qui dut en donner le goût et en provoquer l'imitation. 

L'art est venu d'Italie et d'Orient en Germanie; mais cette semence s'est développée d'une manière originale. Charlemagne appela à sa cour les artistes de Rome et de Byzance, bâtit à Aix-la-Chapelle une église et un palais qui surpassaient en beauté les constructions antérieures de l'Occident, fit exécuter, sur des modèles grecs, une foule de reliquaires, vases sacrés, évangéliaires ornés de miniatures, et établit des écoles de chant sous la direction de maîtres venus d'Italie. Les successeurs de Charlemagne l'imitèrent; les monuments religieux s'élevèrent de tous côtés; des abbés de la Germanie, fréquemment appelés en Italie, en rapportaient de nouvelles connaissances. Saint Boniface avait institué parmi les moines une classe à part, celle des operarii ou magistri operum, qui devaient exclusivement s'occuper de travaux d'art. 

Les guerres civiles et les incursions des Hongrois au Xe siècle auraient étouffé ces germes, naissants de civilisation, si les moines ne les eussent recueillis et conserves ans leurs asiles respects; les couvents où se réfugia furent ceux de St-Gall, de Fulde, de Mayence, de Ratisbonne, de Trèves, de Lorch, d'Hildesheim, de Quedlimbourg, etc. La maison de Saxe imprima un nouvel élan aux arts, et l'exploitation des mines du Hartz donna une surabondance de métaux qui contribua aux progrès de la fonte, de l'orfèvrerie et de la ciselure. Les alliances des souverains avec les princesses d'Orient firent encore pénétrer plus su coeur de l'Allemagne la civilisation byzantine, dont bientôt le goût et le caractère  se retrouvèrent dans les oeuvres des artistes allemands. Toutefois, l'influence des idées de l'Occident modifia les formes byzantines; c'est ce qu'on remarque dans les églises romano-byzantines des bords du Rhin, à Spire, Worms, Mayence, Memmingen, Bâle, Limbourg; Trèves, Erfurt, Wurzbourg, Nuremberg, etc. 

Sous la dynastie de Franconie, les villes grandirent, arrivèrent à l'indépendance, et s'emparèrent du mouvement intellectuel; l'art se sécularisa, et lorsque Rodolphe de Habsbourg monta sur le trône (1273), il était passé des mains des moines à celles des bourgeois. Au retour des croisades, des compagnies de francs-maçons s'organisent, et, avec eux, le système architectural se transforme : laissant de côté les traditions orientales, ils cherchent des formes plus en rapport avec le climat et les ressources du pays, et en même temps dignes de la religion chrétienne. 

L'ogive apparaît, les voûtes s'allégissent et s'élèvent; on parvient à faire plus avec moins de matériaux. De l'ogive sort un système complet d'architecture qui est la gloire des loges maçonniques; non qu'elles l'aient inventé, car on voit ce système employé dans les monuments français avant qu'il pénétrât en Allemagne; mais, l'adoptant pleinement, elles ont fait du style ogival le style de toutes leurs productions artistiques. Leurs oeuvres principales sont : les cathédrales de Meissen, de Magdebourg, de Marbourg, dont les formes sont encore simples et dépourvues d'ornements; puis, des monuments plus élégants et plus ornés, les cathédrales de Cologne, de Strasbourg, de Fribourg, de Saint-Étienne à Vienne, les églises St-Laurent, St-Sébald et Ste-Marie à Nuremberg, les cathédrales de Goslar, de Koenigsberg, d'Oppenheim. 
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Cathédrale de Cologne.
La cathédrale de Cologne.

Le style ogival se perpétua pendant plusieurs siècles, et l'on vit encore s'élever, aux XIVe et XVe siècles, la cathédrale d'Ulm, celles de Bamberg, d'Insprück, de Berne, Saint-Ulrich d'Augsbourg, les églises de Landshut, de Hall, d'Oettingen, de Salzbourg, la tour Ste Élisabeth à Breslau, etc. L'architecture allemande du moyen âge exerça une certaine influence sur l'Italie : les plans d'un Allemand nommé Jacob furent adoptés pour l'église d'Assise; Guillaume d'Insprück éleva, avec Bonanno, la tour de Pise; le dôme de Milan fut, du moins quant à son plan primitif, l'oeuvre d'Arler de Gemunden, et d'autres Allemands, Jean Fernach, Ulrich de Freisingen, Hammerer, travaillèrent à cette église; d'autres encore furent employés aux cathédrales de Sienne, de Spolète et d'Orviéto.

L'architecture civile suivit le mouvement politique elle se développa avec la puissance des villes, qui se construisirent des palais communaux ou hôtels de ville, des beffrois, des halles et des boucheries, des entrepôts, des ponts, des fontaines, des hôpitaux. Les quatre grands ponts de Lucerne, de Ratisbonne, de Dresde, et de Prague font encore notre, admiration. La confrérie des ponts (Brückenbrüder) se consacrait à la construction et à l'entretien des ponts, des bacs, des routes, et des hospices. Enfin l'Ordre teutonique fit exécuter en Prusse d'immenses travaux, tels que châteaux,puits, canaux, etc., qui existent encore.

Les troubles religieux de la Réforme amenèrent un temps d'arrêt dans les travaux, et comme les ateliers de construction étaient les seules écoles de l'art, il en résulta qu'après leur fermeture la théorie manqua en même temps que la pratique. Toutefois, l'accroissement de la maison d'Autriche, souveraine d'une partie de l'Italie, augmenta les rapports entre les deux pays : l'Italie étant alors en pleine vole de renaissance classique; l'Allemagne l'imita, et adopta le style qu'elle appela italique. Les princes employèrent à l'envi des architectes italiens ou élevés dans les écoles d'Italie, et l'art national se perdit de plus en plus sous l'influence étrangère. En 1507, Wolfgang Müller érigea l'église dite des Jésuites à Munich, et y adopta les ordres corinthien et ionique. (B.).

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