| Archaïsme, du grec arkaïsmos, fait de arkaïzo, j'imite les anciens, se dit d'une expression ancienne ou d'un tour suranné. Dans les langues, certains mots cessent d'être en usage à certaines époques, sans qu'on puisse toujours rendre compte de ces changements. Le mot idée a longtemps signifié image, et aujourd'hui on ne l'emploie plus dans ce sens; aussi disons-nous qu'il y a un archaïsme dans ce vers de Racine (Athalie, II, sc. 5) : Mais de ce souvenir mon âme possédée, A deux fois en dormant revu la même idée." Cette idée, c'est l'image, la figure du jeune enfant vu en songe par Athalie. Voici d'autres archaïsmes : Cependant que, durant que, devant que, devant notre arrivée, souventefois, que je die, qu'on me die, quoi qu'on die, ils véquirent, ne plus ne moins, aller en Argos, aller à l'Amérique, ouïr, oyez, oyant, los (louange), l'accord des participes présents avec le substantif auquel ils se rapportent, comme dans ces vers de La Fontaine (IV , 22 , l'Alouette et ses petits avec le maître d'un champ) : Et les petits, en même temps, Voletants, se culbutants, Écrire j'avois, les François, au lieu de j'avais, les Français, orthographe généralement adoptée depuis deux siècle et demi environ, et contre laquelle ont vainement protesté, entre autres écrivains, Chateaubriand et Ch. Nodier, c'est affecter un archaïsme inutile et d'ailleurs insignifiant. On disait autrefois dans le trône, dedans le trône, on ne dit plus que sur le trône. Bossuet a dit . " On sait que dans tous les peuples du monde, sans en excepter aucun, les hommes ont sacrifié leurs semblables. " Aujourd'hui on ne dirait plus que " chez tous les peuples ". Les auteurs français qui, au XVIIe siècle, ont contribué à fixer la langue littéraire, et qui, par conséquent, appartiennent à l'époque de transition entre la langue du XVIe siècle et celle qui devait être, grâce à eux, la langue des auteurs à venir, ont retenu nécessairement un certain nombre d'anciennes tournures où d'anciens mots : aussi les archaïsmes ne sont-ils pas rares chez Corneille, La Fontaine, Molière, Pascal et Bossuet; Fontenelle, Boileau, Racine, Fénelon, Massillon en ont infiniment moins. L'arrêt prononcé par l'usage contre certains mots n'est jamais irrévocable; ainsi Vaugelas se plaignait que le mot taxer ne s'employât plus dans le sens de accuser, soupçonner, blâmer; depuis longtemps on l'a ramené à cette ancienne acception. La Bruyère regrette la perte ou le déclin des mots : chaleureux, haineux, fructueux, jovial, courtois, gisant, vantard, mensonger, coutumier; ils sont rentrés dans la langue. Bossuet emploie fréquemment le mot oppresser au figuré: (oppresser les peuples; les oppressés); cet emploi, au XIXe siècle était devenu un archaïsme, et ne s'employait plus plus que dans le style médical (poitrine oppressée); il a fait, depuis, un retour à son sens antérieur. Le verbe perdurer, qui avait complètement disparu du vocabulaire est redevenu d'une usage courant depuis quelques années. Plusieurs écrivains du XIXe siècle ont tenté la restauration de mots et de tournures abandonnés depuis longtemps : cette tentative n'a pas toujours été fructueuse. On a fait aussitôt justice de la plupart des archaismes que Courier avait voulu ressusciter; ils donnaient à son style quelque chose de factice et de gêné qui devait leur ôter toute chance de succès durable. Certains auteurs ont essayé même de reproduire complètement le langage des siècles qui les ont précédés : ainsi, au XVIIe siècle, G. Naudé écrivit plusieurs ouvrages dans le style de Montaigne; au XVIIIe, J.-B. Rousseau composa des pièces de poésie en style marotique; au XIXe siècle, on peut citer Vanderbourg (Poésies de Clotilde de Surville), Balzac (Contes drolatiques), P. Lacroix (le bibliophile Jacob), etc. L'archaïsme, qui n'est en soi ni un défaut ni une qualité du style, et qui n'a d'utilité qu'autant qu'il est habilement mis en oeuvre, ne doit pas être évité lorsqu'il peut avoir pour résultat de réintégrer dans la langue des mots heureux qui n'auraient pas dû en sortir. Il y a certains genres littéraires qui s'en accommodent plus volontiers que les autres, par exemple, la fable, l'épître badine, et l'on peut même le risquer dans la chanson, pourvu qu'il ait une saveur ou un tour populaires. Il faut une connaissance assez approfondie de la langue grecque, et particulièrement de celle d'Homère et d'Hésiode, pour découvrir les archaïsmes qui se rencontrent çà et là chez les écrivains attiques, même chez Platon et Xénophon. Dans la langue latine, Catulle et Virgile, César, Cicéron, Salluste surtout, comparés à Plaute et à Térence, offrent bien plus d'anciennes formes, d'anciens mots, d'anciennes tournures, que Tite-Live et Ovide. (P.). | |