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Cette partie de
l'anatomie est la mieux connue des sciences
médicales. Pour la définir, on peut dire qu'elle est cette partie de
l'anatomie qui s'occupe de décrire chaque organe ,
chaque muscle ,
chaque nerf
avec précision, en indiquant sa position exacte, ses rapports, sa direction,
ses dimensions, son poids, sa forme, etc.; en un mot, c'est un énoncé
complet des faits constatés dans l'examen des parties de l'organisme.
Rien n'est moins philosophique que cette
science
: rien ne donne moins d'idées générales sur la
morphologie comparée des êtres vivants .
Il faut reconnaître, cependant, qu'elle constitue un excellent point de
départ et que, pour l'étude de l'anatomie comparée
des organismes vivants, elle représente une base indispensable. On ne
conçoit pas l'étude de la pathologie et de la physiologie,
sans une connaissance approfondie de l'anatomie;
elle est l'introduction nécessaire de toutes les sciences ayant pour objet
l'étude des êtres vivants, elle est la base de la biologie .
Son but, nous le connaissons; indiquer exactement la position des organes,
leur forme, leurs connexions, constater exactement la constitution du corps
humain. Sa méthode est variée; il ne faudrait
pas croire, en s'en tenant à l'étymologie, que l'anatomie n'a à sa disposition
d'autre ressource que la dissection. Évidemment la dissection reste une
chose importante, mais il est beaucoup d'autres procédés utilisés Ã
côté d'elle : radiographie, échographie, résonnance magnétique nucléaire,
notamment, procédés qui relèvent de l'anatomie inconographique.
La dissection a été pratiquée dès les
temps les plus reculés, mais à l'époque de Galien,
déjà , l'usage s'en était perdu. Les premiers anatomistes s'étaient
contentés de connaître d'une façon générale la constitution anatomique
du corps humain, et n'imaginaient pas qu'il restât beaucoup à ajouter
à leurs connaissances, bien que celles-ci fussent, à tout prendre, fort
incomplètes. L'usage de la dissection ne fut repris qu'aux XIIe,
XIVe siècles, en Italie; depuis cette
époque, il n'est pas de pays où ce procédé ne soit utilisé chaque
jour. Aussi l'anatomie descriptive de l'humain, - c'est de celle-là principalement
que nous entendons parler au cours de cet article, - est-elle arrivée
à un haut degré de perfectionnement. Il n'est pas d'animal dont l'organisation
soit aussi bien connue, bien que le chat ,
le lapin, et la grenouille aient été l'objet de travaux très importants.
La dissection seule suffit déjà à faire établir, dans l'anatomie descriptive,
un certain nombre de catégories de sujets d'étude. L'étude des os
porte le nom d'ostéologie; celle des articulations
d'arthrologie; celle des ligaments ,
de syndesmologie; celle des muscles ,
de myologie; celle des vaisseaux ,
d'angéiologie; celle des nerfs
et du système nerveux, de névrologie; celle des viscères ,
de splanchnologie. On rattache en général à la névrologie l'étude
des organes des sens
et de la peau .
Examinons les procédés d'investigation
classiques dont dispose celui qui étudie l'anatomie descriptive. L'ostéologie
peut être considérée comme le premier élément à bien connaître dans
l'organisation du corps : c'est le squelette
qui détermine la stature, l'attitude générale, et la solidité des membres .
On l'étudie en examinant la forme des os ,
leurs rapports, leur longueur comparée, etc. Pour obtenir des os en bon
état, il y a plusieurs procédés. En général, voici, décrit par un
médecin de la fin du XIXe siècle comment
on opère de son temps :
On choisit
un sujet maigre, adulte, de bonne stature, et l'on en enlève les masses
charnues au moyen du scalpel. Ceci fait, on introduit le sujet dans une
cuve remplie d'eau : en général. il convient de mettre les mains, et
certains doigts même, à part, afin de ne pas se tromper dans la reconstitution
du sujet après la macération. Cette cuve contient de l'eau renouvelée
de temps en temps; il est avantageux qu'elle ne soit pas trop froide :
aussi l'été convient-il mieux que l'hiver à ce genre de préparation.
L'eau pluviale est préférable à l'eau de puits. Au bout d'un séjour
de trois on quatre mois dans la cuve, le sujet peut en être retiré. La
chair qui restait s'est désagrégée, grâce à la fermentation putride
: on lave le squelette avec soin dans un bain où l'on ajoute un peu d'eau
de chaux. Ceci fait, il s'agit de décolorer les os qui présentent souvent
une teinte noire; on y arrive par des lavages à l'eau chlorée, ou bien
encore on les abandonne à l'action de la rosée et du Soleil, en les retournant
de temps en temps. S'il n'y a pas de rosée, on y supplée en le: arrosant
chaque jour : s'il fait un Soleil trop chaud, on les abrite pendant les
heures de grande chaleur. Si après ce traitement, qui dure un temps variable
selon la rapidité d'action des agents nécessaires, les os étaient un
peu jaunes, on les chaufferait à 50° ou 60° après les avoir entourés
de craie pulvérisée bien sèche, ou bien on le. nettoierait avec de la
térébenthine ou de la benzine.
Le procédé que
nous venons d'indiquer est celui qu'on emploie le plus généralement,
mais ce n'est pas le seul qui soit utilisable. Ainsi, on peut fort bien
préparer la partie osseuse d'une pièce anatomique peu considérable,
en grat tant les parties molles après un séjour de la pièce dans l'alcool.
Un autre moyen consiste à abandonner celle-ci auprès d'un nid de fourmis
qui enlèvent peu à peu les parties molles, pour ne laisser que les os
: il est souvent employé pour préparer des squelettes de petits animaux.
Enfin, on peut faire bouillir les os à nettoyer dans un bain de savon
liquide, de la façon suivante : On enlève la peau et la plus grande partie
des chairs, au moyen du couteau; on place les os dans un bain composé
d'eau pour les trois quarts et de savon liquide pour le dernier quart,
on les y cuit pendant une heure et demie environ. Au bout de ce temps les
parties molles tombent en lambeaux, et les os sont devenus très propres
: on achève de les nettoyer en les grattant avec une brosse dure. Certains
auteurs se louent beaucoup de ce mode de préparation, qui s'applique Ã
tous les os et qui a l'avantage de ne prendre que peu de temps. Il convient
surtout aux petits squelettes, ou encore à certaines régions délicates
du squelette humain.
A ces diverses manipulations,
il en faut joindre quelquesunes de toutes spéciales, quand il s'agit de
préparer une tête. On extrait au moyen d'une tige mince en fer ou en
bois ce que l'on peut des yeux et de la cervelle, sans briser les os, et
on laisse macérer très longtemps. Lorsque la macération est terminée,
on disjoint les divers os du crâne et de la face, par des efforts patients,
en ébranlant les sutures. II importe d'avoir une tête jeune (15-18 ans),
pour cette opération; à un âge plus avancé les sutures sont ossifiées
et la désarticulation est à peu près impossible. La désarticulation
des os du crâne peut encore s'obtenir par l'un ou l'autre des procédés
suivants. Quand on opère sur un crâne d'animal de petite taille et d'âge
encore tendre, on peut se contenter de faire subir au crâne une ébullition
de deux heures environ, soit dans l'eau, soit dans un bain de savon liquide.
L'autre moyen, cité dans tous les classiques, mais qui n'est à notre
connaissance employé nulle part, consiste à bourrer le crâne de petits
pois, haricots et autres graines bien sèches, jusqu'à ce qu'il soit plein:
on bouche alors le trou occipital au moyen d'un tampon, et on met le tout
dans l'eau. Les graines se gonflent en absorbant de l'eau, et font, dit-on,
éclater le crâne selon les lignes de suture. Il nous paraît impossible
qu'avec ce procédé on obtienne intacts des os aussi fragiles et délicats
que l'éthmoïde et certaines parties du sphénoïde.
Les manipulations
que nous venons d'énumérer aboutissent à la préparation des os pour
l'étude. Si la macération n'a pas été poussée jusqu'à désagrégation
des ligaments, on a un squelette naturel; si au contraire les ligaments
ont disparu, et que, pour reconstituer le sujet, il soit nécessaire de
suppléer aux ligaments par des attaches en fil de cuivre, on a un squelette
artificiel, dans lequel les rapports des parties entre elles ne sont pas
ce qu'elles sont sur le vivant : le montage artificiel augmente aussi la
stature du squelette. En général, pour l'étude de la tète, on fait
usage d'une tête d'adulte dans laquelle on a pratiqué deux où trois
coupes, pour montrer la base du crâne, la coupe des fosses
nasales, et d'une tête désarticulée et montée,
où chaque os est séparé des os avec lesquels il est normalement en rapport,
mais sans quo le groupement en soit altéré : on a ainsi une sorte de
tête éclatée. L'étude de l'ostéologie se fait par l'examen de chaque
os l'un après l'autre : on s'habitue à distinguer les os pairs l'un de
l'autre, le droit du gauche, par la forme, par les crêtes, par les sillons.
On apprend, à propos de chaque crête, le nom des muscles qui s'y insèrent;
on apprend quels sont les muscles qui reposent sur chaque face, dans chaque
dépression ; on étudie les surfaces articulaires, leur étendue, leur
forme, leur direction.
En général, de l'ostéologie on passe Ã
l'arthrologie et à la syndesmologie. On étudie avec soin le mode d'articulation
de chaque os
avec ses voisins, on dissocie les ligaments
antérieurs, postérieurs, latéraux, on étudie le trajet de chaque faisceau
fibreux, ses insertions sur les deux os qu'il réunit. En même temps que
les ligaments, on étudie les membranes synoviales
qui tapissent la face interne des ligaments, et les moyens mis en usage
par la nature pour en empêcher les froissements et les blessures. Enfin,
on étudie les cartilages
inter-articulaires et les ligaments intra-articulaires. La comparaison
des modes d'articulation conduit à établir une classification des articulations
basée sur les relations réciproques des surfaces articulaires et la forme
des ligaments qui les maintiennent en contact.
L'ostéologie et l'arthrologie ayant donné
la connaissance des parties inertes du squelette ,
il s'agit de savoir ensuite comment ces parties sont mues, comment l'être
vivant dirige ses membres et garde son attitude. Ceci est du ressort de
la myologie. La myologie ne s'occupe pas de tous les muscles ,
elle n'envisage que ceux qui sont soumis à la volonté, les muscles striés,
laissant de côté les muscles lisses (muscles des vaisseaux ,
des parois intestinales ,
etc.). Ces muscles striés donnent au corps le mouvement et l'expression.
En effet, chaque saillie musculaire du corps en mouvement ou dans une attitude
quelconque, a son expression, sa signification : cela est vrai non seulement
de la face ,
où l'expression est la plus nette, mais du tronc et des membres eux-mêmes.
Les muscles s'étudient classiquement au moyen de la dissection. Pour disséquer
commodément, on emploie les scalpels et les pinces, de forme, courbure
et longueur variées; les ciseaux, fins et forts, droits et courbes, les
érignes pour écarter les parties inutiles ou gênantes dans une préparation;
la rugine, pour gratter les os, une petite scie, un ostéotome, un rachitome,
un marteau, un ciseau à froid, une seringue et des matières à injection
colorées. Essentiellement, la dissection consiste à mettre à nu et Ã
bien isoler les parties que l'on veut étudier pour cela il faut inciser
des aponévroses, enlever du tissu cellulo-adipeux,
en un mot, changer beaucoup à l'état de choses naturel : on détruit
ainsi les rapports mutuels des organes, ce qui est un inconvénient Ã
certains points de vue.
Souvent, pour remplacer la dissection ou
pour la faciliter, on a recours à des procédés qui sont d'une grande
utilité. Telle est la dissection sous l'eau, très employée pour les
petits animaux
et surtout pour les invertébrés ,
dont les tissus
délicats deviennent très apparents et faciles à disséquer, alors qu'Ã
l'air libre, il serait presque impossible d'en étudier l'anatomie. Telle
est encore l'hydrotomie vulgarisée en 1844 par Lacauchie, consistant Ã
injecter de l'eau dans les vaisseaux afin de gonfler le tissu cellulaire,
de le dissocier et de le rendre transparent. Telle est encore la congélation
du tout ou d'une partie d'un cadavre, lorsqu'il s'agit de découper de
grandes tranches du tronc, par exemple du cou ou d'un membre, afin de voir
nettement les rapports des parties constituantes entre elles : ce procédé
est utile pour l'étude de l'oeil ,
du bassin ,
etc. Enfin le durcissement des pièces anatomiques par l'alcool mérite
d'être cité : on le pratique pour rendre les nerfs
plus visibles : quelquefois on substitue l'alun à l'alcool. Il existe
encore beaucoup de procédés connexes dont nous ne pouvons dire qu'un
mot; tels sont la décalcification des os, pour poursuivre les filets nerveux
à travers la base du crâne ,
la macération des muscles dans l'eau acidulée, pour préparer les muscles
peauciers. Ce qu'on étudie dans les muscles, ce sont leurs insertions
sur les os, au moyen des tendons, et leurs rapports avec les autres muscles,
les nerfs, les vaisseaux. Cette étude a une importance considérable non
seulement pour comprendre la physiologie des mouvements,
mais pour l'étude de la médecine opératoire. Tel muscle
est-il en rapports constants avec telle artère
: on en profite dans le cas où la ligature de l'artère est nécessaire,
le muscle sert de point de repère.
Ethmoïde
schématique (d'après L. Testut, Anatomie humaine). - 1, lame
perpendiculaire avec son prolongement supérieur, la crista galli. - 2,
lame criblée. - 3, masse latérale. - 4, cornet supérieur. - 5, cornet
moyen. - 6, apophyse unciforme. - 7, fosse nasale. |
L'étude des muscles
devient très délicate dans certaines régions, à la face ,
dans le larynx ,
dans la langue .
En même temps que l'on examine la myologie, on peut se rendre un compte
suffisamment exact de la distribution des vaisseaux ,
surtout des artères .
Elles se montrent, entre les muscles, parfois à un plan assez profond
et très voisin des os ,
sous forme de cordons creux extensibles, élastiques, entourés d'une gaine
plus ou moins épaisse de tissu
conjonctif d'où on les dégage aisément. Le calibre des artères varie
selon leur importance; il va en diminuant à mesure qu'elles s'éloignent
du coeur .
Pour étudier la grande majorité des artères, il suffit d'écarter avec
soin les masses musculaires. Pour les veines ,
il en est que l'on rencontre entre les muscles, parfois accolées aux artères,
mais il en est aussi qui se trouvent à la périphérie du corps, sous
la peau ,
et que l'on doit étudier avant de disséquer la région. Les capillaires ,
qui font le passage des artères aux veines, ne peuvent s'étudier qu'avec
le secours du microscope.
Souvent, pour faciliter l'étude du système
artériel, on pousse une injection de suif et de cire colorés pour distendre
les vaisseaux et les rendre plus nets. En général cette injection se
fait par l'aorte
: on injecte la matière à l'état liquide, après l'avoir chauffée:
elle se coagule d'elle-même dans les vaisseaux sous l'influence du froid
du cadavre. Ce procédé n'est pas utilisable pour les veines, à cause
des valvules
qui arrêtent tout liquide tendant à circuler en sens inverse du cours
normal : quant à une . injection faite dans le sens même du courant,
elle montrerait bien le trajet des gros vaisseaux, mais non des petites
ramifications. Les lymphatiques
s'étudient au moyen de la dissection et des injections de mercure, préconisées
par Sappey. L'étude des organes centraux de la
circulation
se fait par une simple dissection du coeur et des vaisseaux qui en naissent.
La splanchnologie et les organes des sens
nécessitent dans beaucoup de cas l'emploi du microscope. On ne peut se
rendre compte de l'organisation du foie ,
du rein ,
etc., par l'oeil nu. Ce qu'on peut voir aisément, sans aucune technique
spéciale, ce sont les rapports des organes. Il suffit pour cela d'ouvrir
les cavités thoracique
et abdominale .
Ces rapports sont très importants, surtout pour la pathologie et la chirurgie.
Les organes des sens, tels que le nez ,
l'oreille ,
ne peuvent être étudiés qu'avec l'emploi de sections spéciales dont
le détail serait inutile ici. Le système nerveux périphérique peut
être disséqué en même temps que les artères : les nerfs
se montrent sous forme de cordons blancs, aplatis, accompagnant souvent
les artères. Pour le cerveau ,
le bulbe rachidien
et la moelle épinière ,
il faut enlever la calotte crânienne avec précaution, au moyen d'un trait
de scie, et détacher les branches postérieures des vertèbres ,
ce qui est loin d'être aisé. On a ainsi mis à un le cerveau et la moelle,
on en étudie les membranes d'enveloppe qu'on incise ensuite pour examiner
les circonvolutions, l'origine apparente des nerfs crâniens, l'origine
des racines spinales des nerfs rachidiens. Pour les parties internes du
cerveau, il faut des dissections fines, et surtout de grandes sections
horizontales et verticales.
Il existe divers procédés mis au point
par les anatomistes des siècles passés pour conserver et durcir le cerveau
et la moelle. Tantôt l'on se propose de durcir ces organes pour faciliter
la dissection; tantôt on les durcit pour en rendre possible l'examen histologique;
tantôt enfin on se propose de les conserver indéfiniment à l'air libre,
comme objet d'étude. L'alcool et le bichromate d'ammoniaque répondent
aux deux premières indications. Broca a proposé un procédé répondant
à la troisième. Il faisait baigner un cerveau entier dans un liquide
composé d'eau et d'acide azotique à 10%, pendant deux mois environ; après
quoi l'on faisait sécher. Avec cette préparation, le cerveau durcit beaucoup,
devient plus petit, mais sans perdre sa forme : on peut le vernir une fois
qu'il est bien sec. Les cerveaux ainsi préparés durent indéfiniment.
Nous n'avons cité dans cet article que
les principaux procédés utilisés historiquement par l'anatomiste pour
faciliter la dissection, mais il en est beaucoup d'autres. Il est deux
points à noter encore, à propos de l'art de l'anatomiste : ce sont la
conservation des cadavres et la préparation des pièces à conserver.
On a constamment recours à des artifices divers pour prolonger la durée
du temps pendant lequel la dissection d'un organe on d'un membre est possible.
Pour retarder le début de la putréfaction, beaucoup de méthodes sont
employées. Les unes s'appliquent à la totalité d'un cadavre, d'autres
ne s'appliquent qu'à une région ou à un organe. A part le froid, qui
est un excellent agent pour conserver les cadavres, le procédé le plus
employé consiste à injecter dans les vaisseaux une solution contenant
des éléments antiputrides.
Lauth
a préconisé, en 1835, l'emploi de l'acide arsénieux dissous dans l'eau
: mais on a observé des accidents à la suite de dissection de pièces
ainsi injectées. Gannal en 1835 a recommandé le sulfate d'alumine dissous
dans l'eau; Straus-Durckheim, le sulfate de zinc; Sucquet, le chlorure
de zinc. Le sulfate a l'inconvénient d'altérer les muscles, le chlorure
a celui de les décolorer. Par la suite on a eu plus généralement recours
à la glycérine, produit qui donne d'excellents résultats, mais qui n'existait
pas à l'époque où Gannal et Lauth firent leurs recherches. La glycérine
phéniquée a été employée en 1864 par Laskowski, elle est encore en
grand honneur dans nos amphithéâtres de dissection. Les proportions de
ce liquide sont 100 grammes d'acide phénique cristallisé pour 4 kilogrammes
de glycérine du commerce. Cette glycérine phéniquée conserve les cadavres
pendant des mois, en excellent état, souples, frais, et les tissus conservent
leur coloration normale. Citons enfin, comme procédé de conservation
des cadavres imaginé au XIXe siècle, le procédé de Dupré,
consistant à injecter non un liquide, mais des gaz, notamment les acides
carbonique et sulfureux. Les résultats n'ont pas été mauvais, mais ceux
que donne la glycérine phéniquée sont de beaucoup supérieurs. Quel
que soit le liquide employé, c'est en général par l'aorte qu'on l'injecte
avec une pression assez élevée : l'opération dure une heure au plus.
Il faut environ 5 litres pour un cadavre de taille moyenne.
On conserve souvent les pièces anatomiques,
soit pour qu'elles servent de moyen d'étude, soit parce qu'elles présentent
une anomalie importante. On peut aisément conserver des pièces de toute
dimension, soit sèches, soit à l'état humide, soit encore dans un liquide
conservateur. L'alcool est très employé pour conserver les pièces anatomiques;
souvent on y mêle de la glycérine; ou bien on le remplace par l'un des
nombreux liquides composés par les anatomistes : liquides de Wickersheimer,
de Goadby, de Farrant, d'Owen, etc. Les pièces humides conservent leur
souplesse et leur coloration normale à l'air : on les prépare au moyen
de la glycérine phéniquée : elles peuvent durer très longtemps, le
musée Orfila possède des pièces préparées par ce procédé, par Laskowski,
en 1866. Les pièces sèches s'obtiennent en trempant la préparation dans
des bains an chlorure de zinc, puis dans de l'alcool, après quoi l'on
fait sécher, en prenant soin de donner à chaque organe, à chaque élément
la situation qu'il doit garder; on obtient ainsi de très belles préparations
d'aponévroses. Souvent on peint et vernit ensuite la préparation, pour
lui donner un aspect plus élégant. La durée en est en principe indéfinie.
(Dr. H de Varigny). |
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