| L'ablatif (du latin ablativus, qui marque la séparation, de ablatus enlevé) est un des cas de la déclinaison dans les langues indo-européennes. Son emploi est loin d'être général. Les Romains le croyaient propre à leur langue. Varron l'appelle cas latin; Priscien disait aussi : Ablativus proprius est Romanorum. En sanscrit il n'existait guère que pour les noms masculins ou neutres dont le thème était en a; sa terminaison était en at ou t. Ex. : açva-t. - En latin ce t final se changea en d, comme le prouvent certains mots, comme sed, et l'orthographe de vieilles inscriptions qui donnent med, rectad, etc. Cette consonne finale tomba de bonne heure. Le grec n'a de traces de l'ablatif que dans les adverbes en ws , comme swfrwnos. Au pluriel, l'ablatif se confond avec le datif. Il indique en général la séparation. L'analogie de sens que présente l'ablatif soit avec le génitif, soit avec le datif, rendit son emploi plus restreint et le fit disparaître entièrement des langues modernes. L'ablatif en latin. En latin, les principaux rapports qu'exprime l'ablatif sont ceux de départ, séparation, origine. De là son nom, qui signifie propre à ôter, à enlever, à retrancher. Aussi ce cas est-il employé comme complément des verbes neutres qui marquent éloignement et séparation, et comme complément indirect des verbes actifs qui renferment cette même idée. De même, l'idée d'origine, qui mène à celle de cause, d'où naissent celles d'instrument, de moyen, de prix, de manière, s'expriment en latin par l'ablatif. La plupart des verbes et des adjectifs qui expriment le manque, la disette et la privation, sont accompagnés de ce cas. Il se joint également à ceux qui marquent l'abondance, car ces verbes renferment implicitement l'idée de cause ou de moyen. Le nom de la matière dont on tire un objet s'exprime aussi par l'ablatif, mais avec l'aide d'une préposition comme ex ou de : Vas ex auro, templum de marmore. Voilà pourquoi on disait aussi imminuere de aliquo, detrahere de aliquo, emere ou mercari de aliquo. De là encore les locutions unus de nobis, unus de plebe, filius de summo loco, pars de bonis. A l'époque de l'extrême décadence, on trouve Pannus de lana, Deus de coelis : cet emploi de la préposition latine de explique une foule de locutions françaises tout à fait analogues, où entre la préposition de. Avec les superlatifs, lesquels expriment une idée d'extraction, on emploie aussi ablatif, mais avec la préposition ex, quelquefois de : Acerrimus ex omnibus sensibus (le plus pénétrant de tous les sens); De luis omnibus in me officiis exit hoc gratissimum (Ce sera pour moi le plus agréable de tous les services que tu m'as rendus). Les prépositions de, ex, ab, se joignent souvent aux ablatifs qui expriment le lieu d'où l'on part ou d'où l'on fait partir quelque chose : clamare de fore; Boriaee de parte fulminat; effugere de ou ex manibus; venire ex urbe; discedere à moenibus. L'ablatif, avec ou sans la préposition ab, après les verbes passifs, se rattache à l'idée de cause : Darius ab Alexandro victus; Divina providentia mundus administratur; Moerore conficior. L'emploi de l'ablatif pour désigner le lieu où l'on est, celui par où l'on passe, la partie de l'humain, d'un animal ou d'un objet inanimé à laquelle se rapporte une action ou un état, la distance, l'étendue, la mesure, les diverses circonstances de temps, est plus difficile à expliquer que dans les exemples précédents : il faut sur ces points se borner à constater l'usage. Un emploi remarquable de l'ablatif est sa construction avec le comparatif pour remplacer quam et un cas du nom qui sert de second terme à la comparaison, ou même quam et une proposition : Virtus pretiosior auro, c.-à-d. quam aurum; Equum habeo tuo meliorem, c.-à-d. quam tuus est; Citius opinione, c.-à-d. quam opinio est ou fuit. L'emploi de l'ablatif est obligatoire si le second terme de la comparaison est un relatif : Ratio, qua nihil est in homine divinius; Amicitia, qua nihil melius homini datum est. Cet ablatif est très rarement accompagné de la préposition prae, dont on trouve un exemple dans les Commentaires sur la guerre des Gaules et dans Apulée. Le mot qui indique en quoi ou à quel degré un objet est supérieur ou inférieur à un autre, se met à l'ablatif : Opibus et fama inferiores; - dimidio, paullo, multo, tanto, quanto, eo, hoc, quo melior, pejor, major, minor. Il en est de même avec les mots qui, sans avoir la forme d'un comparatif, renferment implicitement une idée de comparaison : multo ante, post, supra, aliter, secus; multo praestat, vincit, mavult (équivalent de mage ou magis vult). Aussi trouve-t-on chez Priscien que l'on donnait quelquefois à l'ablatif le nom de cas comparatif. On appelle ablatif absolu, dans la syntaxe latine, une proposition qui, ne renfermant qu'un participe, a pour sujet un nom ou un pronom qui ne représente ni le sujet ni aucun des compléments de la proposition principale : Augusto imperante, Christus in judaea natus est; Deo juvante, consilium perficies tuum; Carthagine deleta, Romani suas in se vires verterunt. Le participe est forcément sous-entendu lorsqu'on mettrait étant en français : Cicerone consule, Catilinae conjuratio patefacta atque oppressa est. Cet emploi de l'ablatif se rattache à l'idée de temps et de moyen, et l'ablatif dit absolu peut être considéré comme un des compléments circonstanciels de la phrase dont il fait partie. (P.). | |