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Emile Zola

Émile Zola est  un romancier né à Paris le 2 avril 1840, mort en 1902. Fils d'un ingénieur venu d'Italie, François Zola, chargé de diriger la construction du « Canal Zola-», en Provence (mort à Aix en 1847), il fut élevé dans le midi de la France et vint terminer ses études au lycée Saint-Louis, à Paris, en 1858. Il entra ensuite à la librairie Hachette, se destinant à cette profession, et fut chargé des relations avec les journaux. Pendant ses heures de loisir, il s'adonnait à la littérature, et écrivait des articles de critique littéraire ou théâtrale pour des périodiques (Progrès de Lyon, Petit Journal, Événement Gaulois, Cloche, Corsaire). 

Bientôt il s'essaya dans le roman et fit paraître les Mystères de Marseille et le Voeu d'une morte, qui n'eurent pas de succès; il serait difficile de trouver dans ces premiers livres l'indication du puissant talent qu'il devait avoir dans la suite; on pourrait en dire autant des Contes à Ninon (1864), qui furent cependant accueillis avec faveur par le public. En 1865, parut un roman «physiologique», la Confession de Claude, et en 1867 Thérèse Raquin (peinture physique des hallucinations du remords). Ce dernier livre est, déjà caractéristique de la direction que prend le talent de Zola, le naturalisme le plus brutal, décidé à étaler toutes les tares physiques et morales de l'humanité. En 1868, Madeleine Férat est une étude de la fatalité héréditaire.

C'est à partir de cette époque que Zola commença, inspiré par le souvenir de Balzac, le célèbre cycle de romans basés sur cette théorie pessimiste et naturaliste les Rougon-Macquart (1871-1893), qu'il définit lui-même : l'histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second Empire; cette série comprend vingt volumes, intitulés la Fortune des Rougon, épisode du coup d'État en province (1871); la Curée, peinture de la débauche mondaine de 1860 à 1870 (1874); le Ventre de Paris, description des Halles et de leurs habitués (1874); la Conquête de Plassans (1875); la Faute de l'abbé Mouret, ces deux livres mettant en scène les moeurs du Midi et les souffrances dues au célibat d'un prêtre (1875); Son Excellence Eugène Rougon (pseudonyme d'un des hommes politiques du second Empire) (1876); l'Assommoir (1878); Une page d'amour (1878); Nana (1880). Cette première série de dix volumes parut de 1871 à 1880.
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L'assommoir du père Colombe

« L'assommoir du père Colombe se trouvait au coin de la rue des Poissonniers et du boulevard de Rochechouart. L'enseigne portait, en longues lettres bleues, le seul mot : Distillation, d'un bout à l'autre. Il y avait à la porte, dans deux moitiés de futaille, des lauriers-roses poussiéreux. Le comptoir énorme, avec ses files de verres, sa fontaine et ses mesures d'étain, s'allongeait à gauche en entrant; et la vaste salle, tout autour, était ornée de gros tonneaux peints en jaune clair, miroitants de vernis, dont les cercles et les cannelles de cuivre luisaient. Plus haut, sur des étagères, des bouteilles de liqueurs, des bocaux de fruits, toutes sortes de fioles en bon ordre, cachaient les murs, reflétaient dans la glace, derrière le comptoir, leurs taches vives, vert pomme, or pâle, laque tendre. Mais la curiosité de la maison était, au fond, de l'autre côté d'une barrière de chêne, dans une cour vitrée, l'appareil à distiller que les consommateurs voyaient fonctionner, des alambics aux longs cols, des serpentins descendant sous terre, une cuisine du diable devant laquelle venaient rêver les ouvriers soûlards.

A cette heure du déjeuner, l'Assommoir restait vide. Un gros homme de quarante ans, le père Colombe, en gilet à manches, servait une petite fille d'une dizaine d'années, qui lui demandait quatre sous de goutte dans une tasse. Une nappe de soleil entrait par la porte, chauffait le parquet toujours humide des crachats des fumeurs. Et, du comptoir, des tonneaux, de toute la salle, montait une odeur liquoreuse, une fumée d'alcool qui semblait épaissir et griser les poussières volantes du soleil. »
 

(E. Zola, L'Assommoir).

Il commença ensuite une seconde série qui comprend : Pot-Bouille (1882); Au Bonheur des dames (1883); la Joie de vivre (1883); Germinal (1885), rude peinture des misères du prolétariat; l'Oeuvre (1886); la Terre (1888), qui représente le paysan dans sa réalité la plus grossière; le Rêve (1888); la Bête humaine (1890); l'Argent (1891), tableau des scandales financiers; la Débâcle (1892), peinture réaliste des luttes sanglantes de la guerre de 1870, et le Docteur Pascal (1893) : on trouve dans ce livre l'arbre généalogique complet de la famille des Rougon-Macquart inventée par l'auteur.

Le premier de ces romans qui obtint un succès éclatant fut l'Assommoir, le plus caractéristique certainement, le plus franc elle plus puissant des romans naturalistes de Zola; c'est un chef-d'œuvre dans cette manière. Quelles que soient les réserves à faire sur les procédés littéraires du romancier, on doit rendre hommage à son prodigieux talent de description, d'une incroyable minutie pittoresque. D'ailleurs sa prétention de n'être qu'un romancier réaliste et véridique n'est pas fondée : c'est plutôt une sorte de poète épique : son style souvent forcé ou maniéré est fréquemment plein de relief. Après l'Assommoir, le tirage de ses livres atteignit des chiffres prodigieux : Nana eut 300 000 exemplaires et la Terre 150 000 en moins de deux ans.

Selon Zola, la vie d'un être est mathématiquement déterminée par son tempérament héréditaire et par les conditions du milieu où il vit. La puissance extraordinaire avec laquelle il a développé sa théorie dans la suite de ses vingt romans, malgré le caractère factice du lien qui les unit, son incroyable talent à faire mouvoir les foules et à donner la vie à des organismes mécaniques, lui ont valu dans le monde entier la réputation de chef du naturalisme. Dans un recueil intitulé les Soirées de Médan (1880), il publia une nouvelle, l'Attaque du Moulin, suivie de nouvelles de ses disciples : Huysmans, Maupassant, Céard, Alexis, Hennique. Il est parvenu à faire accepter ce réalisme qui découvre toutes les laideurs de l'âme et toutes les malpropretés du corps, malgré toutes les résistances et les interdictions des pays étrangers, qui poursuivaient ses oeuvres comme immorales et obscènes : on ne croyait pas que le naturalisme de Nana put être atteint deux fois; mais Pot-Bouille, peinture des moeurs bourgeoises, alla bien plus loin encore, et la Terre les dépassa tous les deux.

Les exagérations de Zola et de ses disciples ne tardèrent pas à amener dans la littérature française une réaction idéaliste : un certain nombre de ses disciples se séparèrent de lui avec éclat après la publication de la Terre. Zola lui-même tenta un jour de revenir avec le Rêve, idylle assez gracieuse mais traînante, à la délicatesse et à l'idéalisme : mais cette "symphonie en blanc" causa à son public habituel plus de surprise que d'admiration. On voulut y voir une concession faite à l'Académie française, à laquelle Zola posait obstinément sa candidature : avec cette volonté tenace et le sens de la réclame qui distingue sa littérature, il tenta de forcer les portes de l'Académie, mais finit par y renoncer après des échecs répétés (à partir de 1893).

Le véritable chef-d'oeuvre de Zola parait être Germinal, magnifique livre socialiste, que traverse un souffle d'épopée. En 1874, il avait fait paraîtra Nouveaux contes à Ninon, puis en 1882 et 1884, deux autres volumes de nouvelles: le Capitaine Burle et Naïs Macoulin. Quand il eut terminé l'histoire des Rougon-Macquart, il composa une trilogie de villes en trois volumes : Lourdes, Rome, Paris (1894-98); les deux premiers de ces romans ont été mis à l'index. Mais son talent a désormais tourné au procédé, et l'heure des grands succès est passée. Après les Trois villes, Zola a commencé une sorte de tétralogie destinée à résumer sa philosophie sociale et qui a pour titre les Quatre Évangiles : le premier volume a pour titre Fécondité, le second Travail, le troisième Vérité, le quatrième Justice.

Le rôle courageux de Zola dans l'affaire Dreyfus contribua à détourner de lui le public français, tout en répandant à l'étranger son nom et sa réputation.
Zola a écrit, à côté de ses romans, de nombreux articles de critique, réunis plus tard on volumes et qui ont paru dans le Voltaire, dans le Figaro et dans le Messager européen de Moscou; sa critique perspicace et aiguë est très intransigeante; elle s'inspire du mot «la République sera naturaliste ou elle ne sera pas». Son premier livre de critique d'écrivains vivants porte le titre caractéristique : Mes haines (1866); il publia ensuite Mon Salon (1866); Edouard Manet (1867); le Roman expérimental (1880); les Romanciers naturalistes le Naturalisme au théâtre; Nos auteurs dramatiques; Documents littéraires (1881); Une campagne (1880-81); Nouvelle campagne (1896). Ces différents livres loi attirèrent de vives inimitiés: un article spécialement, paru dans le Messager de l'Europe et traduit par le Figaro, excita des colères violentes par le mépris brutal que Zola y témoignait à tous les romanciers français contemporains.

Il rêva de rénover le théâtre, comme il avait ouvert de nouvelles voies à la littérature; mais ses efforts n'obtinrent pas le succès qu'il ire cessa jamais d'espérer, soit qu'il tentât seul la fortune, soit qu'il s'adjoignit William Busnach comme collaborateur pour porter ses romans à la scène, Thérèse Raquin (1873), les Héritiers Rabourdin (1874) et le Bouton de Rose (1878), qu'il fit jouer sans collaboration, ne réussirent pas. Au contraire, l'Assommoir, arrangé par Busnach et Gastineau, (1879), le Ventre de Paris (1887), Nana (1881), furent longtemps joués. Pot-Rouille (1883) ne se soutint pas longtemps; Germinal n'eut que 17 représentations, et Renée (1887, tirée de la Curée), qu'une seule. Enfin, la Terre, jouée en 1902; eut un certain succès de mise en scène et de curiosité.

Le romancier avait pensé maintes fois à se mêler à la vie publique (après le 4 septembre 1870, le gouv. de la Défense nationale l'avait nommé sous-préfet de Castelsarrasin, mais Gambetta ne ratifia pas cette nomination) : il en trouva une occasion retentissante au moment où les amis du capitaine Dreyfus s'efforçaient d'obtenir la révision de son procès, et, ayant dénoncé Esterhazy comme l'auteur du bordereau, avaient amené sa comparu-tion en conseil de guerre, suivie d'un acquittement. Zola écrivit alors le 13 janvier 1898, dans l'Aurore, un article où il incriminait les ministres de la guerre et les officiers de l'État-Major qui avaient été mêlés au procès de Dreyfus, surtout le général Mercier, le général de Boisdeffre et le colonel du Paty de Clam : il ajoutait qu'Esterhazy avait été acquitté par ordre. Poursuivi uniquement pour cette dernière imputation, Zola, après un procès dont les débats durèrent du 7 au 23 février 1898, fut condamné à un an de prison et 3 000 F d'amende, le maximum de la peine, malgré les efforts de ses défenseurs, les avocats Labori et Clemenceau, qui tentèrent vainement de faire, à cette occasion, la preuve de l'innocence de Dreyfus : le président du tribunal refusa de leur laisser poser la question, et les officiers de l'État-Major se retranchèrent derrière le secret professionnel. Le 2 avril, la cour de cassation cassa l'arrêt pour vice de forme; car la plainte contre Zola aurait da émaner non du ministre, mais du conseil de guerre. Le procès recommença à Versailles le 18 juillet et eut le même résultat : Zola et le gérant de l'Aurore furent condamnés à un an de prison et 3 000 F d'amende (condamnation effacée par la loi d'amnistie de 1900). Il passa alors en Angleterre, mais revint à Paris, en juin 1899, quand la révision du procès de Dreyfus eut été décidée. (Ph. B.).



En librairie - Citons, parmi les plus récentes éditions des très nombreux ouvrages disponibles d'Emile Zola : Ecrits sur le roman, Le Livre de Poche, 2004. -  La fortune des Rougon, Le Livre de Poche, 2004. - Le roman expérimental, L'Harmattan, 2004. - La mort d'Olivier Bécaille, J'ai Lu, 2003. - L'Assommoir, Bordas (parascolaire), 2003. - Les Rougon-Maquart, Pocket Editions, 2003. - Germinal, Ed. La Seine, 2003, 2 vol.. - J'accuse, Gallimard, 2003. - Nana, Hurtubise HMH, 2003. - La Bête humaine, Hurtubise, 2003. - Le naturalisme au théâtre, Complexe, 2002. - Les Rougon-Macquart (coffret 6 vol), Robert Laffont, 2002. - Combats pour la vérité, Pocket, 2002. - Les mystères de Marseille, Parangon, 2002. - Le ventre de Paris, Gallimard (Folio), 2002. - Thérèse Raquin, Magnard, 2002. - La Divine Comédie, Larousse, 2001. - Pot Bouille, Pocket, 1999.

H. Dupic, Emile Zola, Hatier, 2003. - J. Borie, Zola et les mythes, Le Livre de Poche, 2003. - Evelyne Bloch-Dano et Alain Szczucyns, Chez Zola à Médan, Pirot, 2002. - Henri Mitterrand, Les manuscrits et les dessins de Zola, Textuel, 2002. - Du même,Zola et le Naturalisme, PUF (QSJ), 2002. - Denise Le Blond-Zola, Emile Zola raconté par sa fille, 2000. - Marie Scarpa, Le carnaval des Halles, une ethnocritique du Ventre de Paris de Zola, CNRS, 2000. - Van der Beken, Zola, le dessous des femmes, Le Cri, 2000. - Nelly Wolf, Le peuple dans le roman, de Zola à Céline, PUF, 2000. - C. Denis et D. Bourdin, Les figures du pouvoir (Platon, Racine, Zola), Bréal, 2000. - Chantal Bertrand-Jennings, L'Eros et la femme chez Zola, de la chute au paradis retrouvé, Klincksieck, 2000. - Henri Guillemin, Zola, Légende et vérité, Utovie, 2000. - Bertrand Tillier, Cochon de Zola! ou les infortunes d'un écrivain engagé, Séguier, 1998. - Henri Troyat, Zola, Le Livre de Poche, 1994. Collectif, Dictionnaire d'Emile Zola, Robert Laffont (Bouquins), 1993. - Marc Bernard, Zola, Le Seuil, 1988.

Collectif, J'accuse de Zola, J'ai Lu, 2003. - Jean Bedel, Zola assassiné, Flammarion, 2002. - Alain Pages, L'Affaire Dreyfus, lettres et entretiens inédits, Emile Zola, CNRS, 1998.

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