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Vésale

André Vésale est un anatomiste né à Bruxelles le 31 décembre 1514, mort le 15 octobre 1564 sur l'île de Zante.

C'est de la ville de Wesel, dans le duché de Clèves, que la famille Vésale, qui en était originaire, a tiré son nom. L'exercice de la médecine était comme héréditaire dans cette famille. Pierre Vésale, trisaïeul de celui qui fait le sujet de cette page, la pratiqua au XVe siècle et publia des commentaires sur Avicenne. Jean Vésale, son bisaïeul , fut médecin de Marie de Bourgogne, première femme de l'empereur Maximilien et professeur à l'université de Louvain. Everard Vésale, son aïeul, joignait aux connaissances médicales celle des mathématiques; outre quelques traités sur cette dernière science, on a de lui des commentaires sur les livres de Rhazès et sur les quatre premières sections des aphorismes d'Hippocrate. Enfin son père était apothicaire à  Bruxelles, en 1514, d'un apothicaire attaché au service de la princesse Marguerite, tante de Charles-Quint, et gouvernante des Pays-Bas.

Avant Vésale, l'anatomie humaine méritait à peine le nom de science, et c'est à bon droit qu'il en est regardé comme, le créateur. Chez les Anciens le contact ou même le seul aspect d'un cadavre imprimait une souillure que de nombreuses ablutions et une multitude d'autres pratiques expiatoires pouvaient à peine effacer. Au Moyen âge, la dissection d'une créature supposée faite à l'image de Dieu passait pour une impiété digne du dernier supplice. Vainement , au temps des républiques italiennes, Mundinus, professeur de médecine à Bologne , offrit, de 1315 à 1318, le spectacle nouveau de trois cadavres humains, publiquement disséqués; le scandale ne se répéta pas. Mundinus, lui-même, effrayé par l'édit encore récent du pape Boniface VII, ne tira pas de ces dissections tout l'avantage qu'elles semblaient lui promettre. 

Cependant l'obscurantisme que le religieux faisait peser sur les esprit devint par degrés moins actif. Les découvertes de la poudre à canon, de l'imprimerie et du Nouveau-Monde, faites en moins d'un siècle, imprimèrent un nouveau cours aux destinées de l'espèce humaine : les chefs de l'Église permirent, allèrent même jusqu'à favoriser l'étude de cette partie de l'anatomie, dont la connaissance est indispensable aux peintres ainsi qu'aux sculpteurs. Protégés par Jules Il et Léon X, Michel-Ange, Raphaël, Léonard de Vinci dessinèrent d'après nature les muscles que la peau seule recouvre; mais cette étude superficielle, suffisante aux beaux-arts, était d'un faible avantage pour la science. Au milieu de ce mouvement général des esprits, qui rend les premières années du XVIe siècle si remarquables pour l'observateur; lorsque la doctrine de l'examen venait relever l'esprit humain accablé depuis si longtemps sous le joug de l'autorité, Vésale naquit dans la contrée de l'Europe qui partageait alors avec l'Italie l'avantage d'être la plus riche et la plus éclairée. 
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Vésale.
André Vésale (1514-1564).

Destiné par ses parents à l'exercice de la médecine, il se prit d'une telle passion pour l'anatomie, qu'on le voit, à Louvain d'abord,  à Montpellier, puis à Paris, surmontant avec un courage admirable tous les dégoûts et même tous les dangers alors attachés à ce genre de travaux, disputer leur proie aux vautours, pour composer un squelette avec les os des individus condamnés au dernier supplice. Passant des jours entiers soit au cimetière des Innocents, soit à la butte de Montfaucon, au milieu des cadavres , il surpassa bientôt son maître Gonthier d'Andernach, qui n'hésita pas à confier la publication de ses ouvrages à Vésale, à peine âgé de vingt-cinq ans; c'était en 1538. 

Voyageant ensuite, et passant de Bâle en Italie, il y fut précédé d'une telle renommée, que les gouvernements de ce pays s'efforcèrent de l'y retenir par de grands avantages, et qu'il fut chargé d'enseigner publiquement l'anatomie, de 1540 à 1544, d'abord à Pavie, puis à Bologne, et enfin à Pise. C'est dans cet intervalle, en 1543, que parut à Bâle la première édition de sa grande anatomie, avec des planches attribuées dans le temps au Titien. Vésale était à peine âgé de vingt-huit ans, et, selon l'expression de Sénac, il avait découvert un nouveau monde. Pour la première fois en effet les organes de l'homme se trouvèrent décrits, tandis que jusque; là on s'était contenté de disséquer les singes, les porcs et d'autres animaux réputés semblables à l'humain; aussi l'admiration fut universelle : de toutes parts les élèves accouraient aux lieux où professait Vésale : les maîtres eux-mêmes descendaient de leurs chaires désertes, et venaient grossir la foule de ses auditeurs. Quelques-uns toutefois ne voyaient pas sans envie un tel succès : Sylvius, entre autres, sous prétexte de défendre Galien, poursuivit Vésale au milieu de ses triomphes, et soutenant, contre l'évidence, que le célèbre médecin de Pergame avait disséqué des cadavres humains, s'oublia jusqu'à ce misérable jeu de mots, heureusement intraduisible, Vesalium non esse, sed Vesanum

Charles-Quint, averti par la renommée, éleva Vésale au poste éminent de son premier médecin, et l'appela près de lui. Enlevé à la science, Vésale quitta l'Italie, et traversant Bâle, gratifia l'école de médecine de cette ville d'un squelette, don alors précieux, conservé depuis avec une vénération religieuse. L'écorce de kina, nouvellement découverte, avait rendu la santé au puissant monarque; Vésale célébra les vertus du nouveau remède dans une lettre publiée à Ratisbonne (1546), ouvrage de critique bien plus que de matière médicale; car les observations relatives à l'écorce de kina, regardée comme une racine, y tiennent moins de place que sa défense contre ses adversaires, auxquels il prouve sans réplique que les descriptions de Galien ont été faites d'après des singes, et, non sur les organes de l'humain. Compagnon de Charles-Quint dans tous ses voyages, Vésale passa au service de Philippe II, lorsque, dégoûté des affaires et du monde, son maître abdiqua l'empire pour finir ses jours dans la solitude. 

Homme de cour, devenu à-peu-près étranger à l'anatomie, il sortit momentanément d'un trop long sommeil pour répondre à Fallope, dont l'anatomie, publiée en 1551, renfermait un grand nombre de découvertes, et indiquait plusieurs corrections à faire dans celle de Vésale. Disciple de ce grand maître, Fallope ne s'était pas écarté du respect qu'il lui devait. Vésale, en publiant sa défense, parut, il faut l'avouer, au-dessous de lui-même; c'est le jugement qu'en portent en ces termes ses deux illustres éditeurs, Boërhaave et Albinus : Aulicis obnoxius, totus obsequiis, haeret cerebro, vera negat, saepè minus proba asserit, etc. Cependant riche, puissant et considéré à cette cour de Madrid où affluaient les trésors du Nouveau-Monde, et qui, à cette époque, exerçait sur les autres Etats de l'Europe une si grande influence, Vésale jouissait de sa gloire et favorisait de tout son crédit l'étude de l'anatomie, autant du moins que cela était possible en Espagne  à côté de l'Inquisition, et sous un prince tel que Philippe II, lorsqu'une accusation singulière vint le précipiter dans l'abîme du malheur. 

On prétendit qu'ouvrant le cadavre d'un gentilhomme, dans le but de découvrir les causes de la mort, le coeur avait palpité sous le tranchant du scalpel , crime invraisemblable, que la mort devait expier; et, chose inouïe, la postérité, comme les contemporains, n'a élevé aucun doute sur la réalité du fait qui donna lieu à cette accusation. Quels témoins en déposèrent? Pour mettre le coeur à découvert, il faut ouvrir la poitrine, couper les cartilages , scier les côtes, enlever le sternum, faire, en un mot, des incisions longues, profondes, et bien capables de ranimer la vie avant que le coeur puisse être aperçu, par la division du péricarde. Afin de donner quelque vraisemblance à l'accusation, on peut supposer que l'un des spectateurs penché, et s'appuyant sur le cadavre, aura fait refluer le sang veineux dans les oreillettes; un frémissement obscur, un mouvement ondulatoire en résultant, on aura vu dans cet effet mécanique quelque signe de vie, et jeté un cri d'effroi, répété par les ennemis de Vésale, trop heureux de cette occasion de le perdre.

Bientôt l'ignorance, l'envie et la mauvaise foi dénaturèrent le fait en l'exagérant; l'Inquisition demanda la mort du coupable, et les prières de Philippe II obtinrent difficilement, dit-on, que la peine fût commuée en un pèlerinage en Terre-Sainte. Vésale s'achemina donc vers Jérusalem de compagnie avec un Malatesta, général des troupes de Venise. Ballotté par des fortunes diverses durant ce périlleux voyage, il fut, à son retour, jeté par la tempête sur les côtes de l'île de Zante, où il mourut de faim, le 15 octobre 1564. 
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Vésale.
Un cours d'anatomie d'André Vésale.

La république de Venise l'appelait à l'université de Padoue, veuve cette même année de Gabriel Fallope , ravi par une mort prématurée; en sorte que s'il fût revenu de son pélerinage Vésale aurait succédé à son élève dans la chaire d'anatomie de l'université de Padoue, que ces deux grands hommes ont tant illustrée. S'il faut en croire Albinus et Boërhaave, auteurs de l'excellente biographie de Vésale, renfermée dans la préface de la collection complète de ses Oeuvres, les moines espagnols lui firent cruellement expier ses éternelles plaisanteries sur leur ignorance, leur costume et leurs moeurs. Les inquisiteurs saisirent avec avidité l'occasion offerte pour se débarrasser d'un savant incommode. Comme Socrate chez les Anciens, et tant d'hommes illustres parmi les modernes, Vésale mourut donc victime de cette guerre tantôt sourde et tantôt déclarée, que les apôtres de l'erreur et du mensonge firent de tout temps - et aujourd'hui encore - aux scrutateurs de la nature et de la vérité. (B.-C.D.).



Henriette Chardak, Andréas Vesalius, chirurgien des rois, (roman), Presses de la Renaissance, 2008. - Lors du retour d'un pèlerinage à Jérusalem, un illustre chirurgien est victime d'un naufrage face au golfe de Lépante (Corfou). Abandonné sur l'île de Zante, il voit défiler sa vie et revient sur son parcours hors du commun. Cet homme, c'est Andreas Vesalius, chirurgien à 18 ans, qui soigna Charles Quint, Philippe II et Don Carlos! Il se souvient de son enfance, ruelle de l'Enfer à Bruxelles, face aux gibets... C'est pour cette raison qu'il voulut devenir anatomiste, pour pouvoir tromper la mort par la connaissance de ce continent ignoré : le corps humain. Après des études à Paris et à Padoue, Vesalius vécut auprès des peintres et des rois. Son étude des morts au service des vivants contre toute superstition en fit un dieu pour certains, le diable pour d'autres. Cet étrange personnage rencontra de nombreux scientifiques, et notamment le génial mais rigide Ambroise Paré. Ce dernier jalousa le talent et les résultats extraordinaires d'Andreas Vesalius jusqu'à sa mort. Ce roman historique expose le destin des chirurgiens dont les médecins se moquaient, car ils osaient charcuter des cadavres au risque de «-massacrer leur âme ». Passeurs de médecines anciennes, mais aussi véritables pionniers, ils soignaient rois et empereurs. Vesalius les incarne tous à lui seul. Il sauva des vies, et Philippe II le sauva de l'Inquisition. Son oeuvre reste magistrale et les originaux de sa Fabrica valent aujourd'hui des fortunes. Mais qui était-il, quelles étaient les pensées de cet homme qui choqua son siècle par son avant-gardisme? Écrit comme un roman à suspense, Andreas Vesalius, chirurgien des rois nous plonge dans une époque fascinante : la Renaissance. (couv.).

Editions anciennes. - La grande anatomie de Vésale, De corporis humani fabrica, libri VII, parut à Bâle, pour la première fois, en 1543, in-folio. Une seconde édition augmentée, corrigée par l'auteur, également avec figures, fut publiée aussi à Bâle, en 1555. Depuis lors, cet ouvrage a été plusieurs fois réimprimé : à Venise, en 1604, à Lyon , en 1652, à Francfort, en 1604 et en 1632, avec les planches originales , réduites, et d'autres fois sans planches; un grand nombre de traductions en a été fait dans toutes les langues de l'Europe. Mais de toutes les éditions des ouvrages de Vésale, aucune n'est plus exacte et plus complète que celle qui a été publiée à Leyde, en 1725, par Herman Boërhaave et Bernard Sigefred Albinus; là se trouvent rassemblés tous les ouvrages de l'auteur. Cette collection, en deux volumes in-folio avec figures, est surtout précieuse par la préface dont les illustres éditeurs l'ont ornée; outre l'anatomie, elle renferme la Lettre publiée à Ratisbonne, en 1546 , sous ce titre : E'pistola ad Joachimum Roëlants, etc., rationem modumque propinandi radicis chynae, decocti, quo nuper invictissimus Carolus V imperator usus est, pertractans , et praeter alia quaedam, etc.; la Réponse à Fallope, écrite en 1561, et qui parut à Venise, en 1564, sous ce titre : Anatomicarum Gabrielis Fallopii observationum examen, et enfin sa grande Chirurgie, Chirurgia magna, libri VII, compilation qu'un Vénitien, Prosper Bogarucci, publia à Venise, en 1565, quatre ans après la mort de Vésale.

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