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Jules Vallès

Jules Vallès est un écrivain français, né au Puy-en-Velay le 10 juin 1832, mort à Paris le 14 février 1885. Fils d'un professeur, il fit ses études au collège de Saint-Etienne, puis de Nantes. Envoyé à Paris en 1849 pour se présenter à l'Ecole normale, il s'abandonna à son goût pour la vie d'aventures et resta pauvre et isolé sur le pavé de Paris : un complot chimérique pour enlever le président Louis-Bonaparte lui valut quelques jours de Mazas. Il retourna à Nantes auprès de ses parents, puis revint à Paris où Gustave Planche le prit pour secrétaire : il lui a conservé un affectueux souvenir. 

Après la mort du critique, Vallès fut un moment professeur libre, puis alla à Nantes écrire l'Argent, livre violent, original, d'une couleur littéraire un peu forcée, où se marquait déjà son talent. Il entra alors comme chroniqueur de la Bourse au Figaro (alors bihebdomadaire) et vécut plusieurs années de bohème littéraire au quartier Latin. Pendant les quatre années suivantes, il vécut en la qualité modeste d'expéditionnaire à la mairie de Vaugirard. En 1860, un article au Figaro (le Dimanche d'un Jeune homme pauvre) le fit remarquer et lui ouvrit la Revue européenne, la Presse, la Liberté, l'Epoque; il réunit ses divers articles en 1866 dans les Réfractaires, véritable roman des déclassés de la vie parisienne. Le succès de ce livre le fit engager à l'Evénement de Villemessant dans de brillantes conditions.

Vallès continua ses articles pittoresques et paradoxaux, se faisant l'historiographe des saltimbanques, des forains, des banquistes; il en fit un volume, la Rue, terminé par une cinquantaine de pages de souvenirs champêtres et rustiques : son talent de description, son goût pour l'effet, en font un artiste plus qu'un écrivain, et sa philosophie est pauvre. Ayant quitté l'Evénement, Vallès retomba dans la vie de hasard et fonda un journal d'une verve extraordinaire dans son brutal réalisme : la Rue (1867), qui fut supprimée au bout de six mois. En 1868, Vallès rentra au Figaro; en 1869, il se porta contre Jules Simon comme « candidat de la misère » et fonda le Peuple, journal éphémère; il échoua complètement et se vit reprocher très vivement d'avoir servi d'instrument inconscient à une manoeuvre électorale. Pendant la guerre de 1870, Vallès, mêlé aux troubles qui suivirent les premières défaites, fut enfermé à Mazas (août 1870) : le 4 septembre l'en fit sortir; il s'affilia aussitôt à l'Internationale et joua un rôle dans toutes les agitations pendant le siège de Paris. 

Après la capitulation, il fonda son célèbre journal, le Cri du Peuple; membre de la Commune, il émit des idées pacifiques, espérant réconcilier la bourgeoisie et le peuple son journal fut un des moniteurs de l'insurrection. Vallès fut un des derniers combattants sur les barricades du XIe arrondissement et parvint à s'échapper. Il resta à Londres, écrivant anonymement à l'Evénement (des chroniques réunies sous le titre : la Rue à Londres), au Voltaire (Chroniques de l'Homme masqué). En 1878, il commença en feuilleton dans le Siècle la publication d'un roman autobiographique en trois parties qui est son oeuvre principale : Jacques Vingtras (l'Enfant, 1879; le Bachelier, 1881; l'Insurgé, 1886). 

Rentré en France après l'amnistie, Jules Vallès fit reparaître le Cri du Peuple, plus révolutionnaire que jamais. Le socialisme de Vallès est simpliste et ses idées philosophiques très courtes. Son talent littéraire même, dont l'outrance fait le pittoresque, est bien souvent d'une rhétorique paradoxale et forcenée. L'enterrement de Jules Vallès, auquel son journal avait convié, sous les plis du drapeau rouge, tous les malheureux, fut une sorte d'émeute. (GE).
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La Révolution française

« J'étais entré dans l'histoire de la Révolution.

On venait d'ouvrir devant moi un livre où il était question de la misère et de la faim, où je voyais passer des figures qui me rappelaient mon oncle Jjoseph ou l'oncle Chadenas, des menuisiers avec leurs compas écartés comme une arme, et des paysans dont les fourches avaient du sang au bout des dents.

Il y avait des femmes qui marchaient sur Versailles, en criant que madame Veto affamait le peuple; et la pique à laquelle était embrochée la miche de pain noir - un drapeau - trouait les pages et me crevait les yeux.

C'était de voir qu'ils étaient de pauvres gens comme mes grands-parents, et qu'ils avaient les mains couturées comme mes oncles; c'était de voir les femmes qui ressemblaient aux pauvresses à qui nous donnions un sou dans la rue, et d'apercevoir avec elles des enfants qu'elles traînaient par le poignet; c'était de les entendre parler comme tout le monde, comme le père Fabre, comme la mère Vincent, comme moi; c'était cela qui me faisait quelque chose et me remuait de la plante des pieds à la racine des cheveux.

Ce n'était plus du latin, cette fois. Ils disaient : « Nous avons faim! Nous voulons être libres!

J'avais mangé du pain trop amer chez nous, j'avais été trop martyr à la maison pour que le bruit de ces cris ne me surprit pas le coeur.

Puis je déchirais, en idée, les habits si mal bâtis que j'avais toujours portés et qui avaient toujours fait rire; je les remplaçais par l'uniforme des bleus, je me glissais dans les haillons de Sambre-et-Meuse.

On n'était plus fouetté par sa mère, ni par son père, on était fusillé par l'ennemi, et l'on mourait comme Bara. Vive le
peuple!

C'étaient des gens en tablier de cuir, en veste d'ouvriers, et en culottes rapiécées, qui étaient le peuple dans ces livres qu'on venait de me donner à lire, et je n'aimais que ces gens-là, parce que, seuls, les pauvres avaient été bons, pour moi, quand j'étais petit.

Je me rappelais maintenant des mots que j'avais entendus dans les veillées, des chansons que j'avais entendues dans les champs, les noms de Robespierre ou de Bonaparte au bout de refrains en patois; et un vieux, tout vieux, avec des cheveux blancs, qui vivait seul au bout du village, et qu'on appelait le fou. Il mettait quelquefois sur ses cheveux blancs un bonnet rouge et regardait les cendres d'un oeil fixe.

Je me rappelais celui qu'on appelait le sans-culotte et qui ne tolérait pas les prêtres. Il était sorti de la maison le jour où sa femme, avant de mourir, avait demandé le bon Dieu.
Je me souvenais aussi des gestes qu'on avait faits, devant moi, en tapant sur la crosse d'un fusil, ou en allongeant le canon, avec un regard de colère, du côté du château.

Et tout mon sang de fils de paysanne, de neveu d'ouvriers, bondissait dans mes veines de savant malgré moi!

Il me prenait des envies d'écrire à l'oncle joseph et à l'oncle Chadenas... « Soyez sûrs que je ne vous ai pas oubliés, que j'aurais mieux aimé être avec vous à la charrue ou à l'étable qu'être dans la maison au latin. Mais si vous marchez contre les aristocrates, appelez-moi! »

« Tu as l'air tout exalté depuis quelque temps », dit ma mère.

C'est vrai - j'ai sauté d'un monde mort dans un monde vivant. - Cette histoire que je dévore, ce n'est pas l'histoire des dieux, des rois, des saints, - c'est l'histoire de Pierre et de jean, de Mathurine et de Florimond, l'histoire de mon pays, l'histoire de mon village; il y a des pleurs de pauvre, du sang de révolté, de la douleur des miens dans ces annales-là, qui ont été écrites avec une encre qui était à peine séchée.

Comme je profite avec passion de la liberté que me laisse ma mère! J'arrive tous les jours rue Jacob pour mettre le coeur dans les livres qui sont là, ou pour entendre le journaliste parler du drapeau républicain engagé sur les ponts, et défendu par les
brigades au cri de : « Vive la nation! - A bas les rois!- La liberté ou la mort. »

Etre libre? Je ne sais pas ce que c'est, mais je sais ce que c'est d'être victime, je le sais, tout jeune que je suis.

Nous nous imaginons quelquefois avec Matoussaint que nous sommes en campagne, et chacun fait ses rêves.

Il voudrait, lui, le chapeau de Saint-Just aux armées, les épaulettes d'or et la grande ceinture tricolore.

Moi, je me vois sergent, je dis : Allons-y! Eh! mes enfants! On est tous du même pays, autour du même feu du bivouac, et l'on parle de la Haute-Loire.

Je rêve l'épaulette de laine, le baudrier en ficelle.

Je voudrais être du bataillon de la Moselle. Avec des paysans et des ouvriers. L'oncle joseph serait capitaine et l'oncle Chadenas, lieutenant.

Nous retournerions faire de la menuiserie ou moissonner les champs « après la victoire. »
 

(J. Vallès, extrait de Jacques Vingtras : l'Enfant).
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Dictionnaire biographique
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