| Vacherot (Etienne), philosophe et homme politique né à Torcenay, près de Langres, le 29 juillet 1809, mort à Paris le 28 juillet 1897. Entré en 1827 à l'École normale, où il subit l'influence de Michelet et surtout celle de Cousin, il en sortit, en 1829, pour enseigner successivement dans les collèges de Châlons-sur-Marne, Cahors, Angers et Versailles. Agrégé de philosophie dès 1833; il se fit recevoir docteur en 1836. Le 4 janvier 1838, il fut nommé directeur des études à l'École normale. Des conférences qu'il fit à l'École sortit un mémoire sur la philosophie des alexandrins; qui fut couronné par l'Institut en 1844. Ce mémoire devint un livre et donna lieu à une controverse fameuse avec l'abbé Gratry, aumônier de l'École, en raison de certaines interprétations des Pères jugées inexactes par ce dernier. La démission de Gratry et la mise en disponibilité de Vacherot (29 juin 1851) s'ensuivirent. La protestation du philosophe contre le coup d'État de Louis Bonaparte entraîna sa destitution. En 1859, un procès lui fut intenté en raison d'un ouvrage sur la Démocratie, et il fut condamné à la prison. Maire du Ve arrondissement durant le siège et la Commune, il fut ensuite député à l'Assemblée nationale et sénateur inamovible. Ses convictions politiques se modifièrent, et il en vint à considérer la monarchie comme l'unique salut pour la France (la Démocratie libérale, 1892). Mais il ne semble pas que ses négations à l'égard de la religion positive se soient jamais modifiées. Ses Papiers inédits paraissent décisifs à cet égard. La doctrine de Vacherot, en ce qu'elle a d'essentiel, se trouve exposée dans la Métaphysique et la Science (1858). Le sous-titre de cet ouvrage : Principes de métaphysique positive, exprime très bien le caractère que Vacherot voulut toujours donner à sa métaphysique, qu'il prétendait incorporer à la science; il la distinguait, d'ailleurs, de la philosophie, dont il se faisait une idée analogue, à certains égards, à celle d'Auguste Comte. Procédant de l'éclectisme par ses origines, il s'en séparait nettement par, sa doctrine, et se rapprochait tout ensemble du positivisme et du kantisme. Il parle en criticiste, lorsqu'il définit ainsi le but de la spéculation : Remonter en toute recherche aux vérités premières, analyser chacune de nos facultés, afin d'en bien connaître la nature et l'office propre. et par là même nous mettre en état de la critiquer, c.-à-d. d'en délimiter la portée et d'en mesurer la valeur (Mét. et Sc., VIIIe entret.). A la suite de Kant, il distingue trois facultés essentielles à la connaissance, la sensibilité, l'entendement, la raison. Les sens et la perception n'atteignent pas la réalité (exception faite pour la conscience qui atteint le moi réel); les notions a priori de l'entendement, expression de l'unité synthétique de l'esprit, donnent seules à la connaissance scientifique un caractère objectif. Mais les lois ainsi déterminées ne portent pas sur des êtres et des substances. La faculté métaphysique est la raison, qui atteint l'être en soi et absolu, au delà des abstractions. Cet être. absolu est la substance du inonde, essentiellement intelligible : «Le vrai noumène réside dans la pensée». Mais cet être universel et nécessaire (qui, d'ailleurs, n'exclut point les êtres individuels et la liberté) n'est point parfait. Le parfait n'a d'existence que dans l'esprit qui le conçoit à titre d'idéal. Cet être purement idéal, seule garantie de la conscience morale, est Dieu. «La théologie n'est qu'une psychologie supérieure.» (Papiers inédits). Quant à la morale, intimement apparentée à la psychologie, «elle commence et finit à la conscience». Au reste, l'évolution cosmique obéit à une finalité progressive (la nature est un dynamisme inconscient), qui semble provenir de l'attrait exercé par la perfection. (J. Segond).
| En bibliothèque - Theorie d'Aristote sur les premiers principes (thèse de doctorat, 1836); Histoire critique de l'école d'Alexandrie (1846-54); la Métaphysique et la Science (1858); Mémoire sur la psychologie; la Démocratie (1859); la Religion (1869); la Science et la Conscience (1870); Essais de philosophie critique; le Nouveau Spiritualisme (1884); la Démocratie libérale (1892). | | |