| François-Joseph Talma est un acteur tragique, né à Paris le 15 janvier 1763, mort à Paris le 19 octobre 1826. Son père, chirurgien dentiste à Paris, puis à Londres, fit donner à son fils une bonne éducation dans cette ville; Talma se fit recevoir dentiste à Paris et exerça pendant dix-huit mois, mais son goût pour le théâtre l'entraînait et, en 1787 sur la recommandation de Molé, il débuta au Théâtre-Français; il ne tarda pas à attirer l'attention sur lui, tant par son talent que par une réforme qui fit d'abord rire : on jouait alors sur le théâtre en costume de ville. Talma, qui toute sa vie attacha une grande importance à l'exactitude du costume, parut un jour sur la scène, dans un rôle du Brutus de Voltaire, revêtu d'une toge et tout habillé à la romaine. Dans l'ordre de la diction, on lui doit une réforme analogue : il supprima l'exagération et l'enflure du ton tragique pour le remplacer par un ton juste correspondant à chaque phrase et dégagé de toute convention. En 1789, il fut nommé sociétaire du Théâtre-Français; il adopta les idées de la Révolution dès le début et remporta- dans le Charles IX de Joseph Chénier un de ses plus éclatants triomphes. Ses opinions politiques le firent mettre en interdit par les acteurs de son théâtre et il dut se résigner à jouer dans de petites pièces : il aborda même le comique et se fit la figure vivante de J.-J. Rousseau dans une pièce où il jouait son personnage (le Journaliste des ombres, 1790). A la même époque, Talma épousa une jolie femme riche, intelligente et passionnée, qui s'était éprise de lui, Mlle Julie Carreau; le clergé refusa de le marier en tant que comédien, mais il put se marier civilement; sa femme sut composer un salon très couru où fréquentaient tous les grands orateurs girondins; c'est chez elle, dit-on, que se passa une scène singulière Marat venant poursuivre Dumouriez qu'il accusait alors. Dégoûté des luttes qu'il avait à soutenir à la Comédie-Française, Talma fonda le théâtre de la Nation au Palais-Royal (sur l'emplacement du Théâtre-Français actuel) et y joua pendant la Terreur avec un talent incomparable les tragédies de Chénier, Ducis, Arnault et Lemercier. Après le 9 Thermidor, Talma dut se défendre contre les cabales de ses ennemis qui l'accusaient d'avoir partagé les crimes de ceux qui l'avaient proscrit. C'est le temps où il se lia avec le général Bonaparte, alors peu fortuné; Napoléon lui témoigna toujours une grande bienveillance, même quand il revint de l'île d'Elbe, après que Talma eut joué devant Louis XVIII; en 1808, l'empereur avait emmené Talma à Erfurt, et s'amusa à lui faire jouer devant un parterre de rois la Mort de César; en 1813, il l'emmena aussi à Dresde. En 1801, le grand acteur, qui jouissait d'une gloire incontestée, avait divorcé et épousé (16 juin 1802) Charlotte Vanhove, actrice de la Comédie-Française. Les réformes opérées par Talma dans le costume et la diction, l'admirable puissance de son jeu, de sa voix et de son accent ont excité l'enthousiasme de tous ceux qui l'ont vu; Mme de Staël le met sur le plan des plus grands artistes, des peintres, des sculpteurs, des poètes, qui tous, selon elle, trouveraient profit à l'entendre et à l'étudier. Le génie d'acteur de Talma dura jusqu'à sa dernière heure : il remportait des triomphes inouïs dans les plus plates tragédies d'auteur de troisième ordre. L'Eglise le revendiqua à son heure dernière, mais il refusa de recevoir l'archevêque de Paris qui s'était présenté à sa porte; ses funérailles réunirent un concours immense de peuple. Le génie de Talma était sombre et pathétique, bien qu'il ait joué parfois avec un certain succès la comédie. Il a laissé un volume intéressant sur son art : Réflexions sur Lekain et sur l'art théâtral (1825), qui précédaient les Mémoires de Lekain, son illustre prédécesseur. Les Mémoires de Talma ont été publiés par Moreau, en 1826, et par Alexandre Dumas en 1850 (4 vol.). Sa seconde femme, Charlotte Vanhove, a aussi publié des Etudes sur l'art théâtral (1835). | |