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Taizong
(ou Tang Taizong) est un empereur de la Chine,
né le 23 janvier 599, mort le 10 juillet 649, qui fut le véritable
fondateur de la dynastie des Tang, était
le second fils de Li-Yuan, gouverneur de la province du Shangxi, et se
nommait Li-Shimin. Dès son enfance, il se distingua de ses frères
par son esprit, sa prudence et sa valeur. Prévoyant que la dynastie
des Sui touchait à sa fin, il osa concevoir
l'espérance de faire passer la couronne à son père;
mais, connaissant la faiblesse de ce prince, il lui cacha soigneusement
ses projets. Li-Shimin s'attacha d'abord à gagner l'estime des grands
et des lettrés par la sagesse de sa conduite. Sa bravoure et sa
libéralité lui concilièrent facilement l'affection
du peuple et des soldats. Dès qu'il crut le moment favorable, il
leva des troupes, sous le prétexte de rétablir la tranquillité
dans les provinces voisines. Tous les mécontents vinrent bientôt
en foule se ranger sous ses drapeaux; et se voyant à la tête
d'une armée puissante, il força son père à
se déclarer indépendant. La nouvelle de I'approche de Li-Shimin
jeta l'épouvante dans la cour du dernier empereur des Sui. Ce malheureux
prince fut égorgé par ses gardes; et son héritier
ayant refusé de s'asseoir sur un trône sanglant et environné
de dangers, Li-Yuan fut proclamé empereur sous le nom de Gaozu.
La valeur brillante
de Li-Shimin acheva bientôt de dissiper ou de soumettre les ennemis
de son père, et il s'attacha par ses bienfaits loua ceux qu'il avait
vaincus sur le champ de bataille. Gaozu reconnaissant qu'il devait le trône
à Li-Shimin, voulut le déclarer prince héritier; mais
il refusa ce titre, qu'il fit donner à son frère aîné,
et se contenta de celui de généralissime. Li-Shimin profita
des loisirs de la paix pour se perfectionner dans les sciences. Il obtint
de son père la permission de faire venir à la cour les savants
les plus distingués, et il y fonda une sorte d'académie qui
subsistera jusqu'à la fin de l'époque impériale dans
le tribunal des ministres. Les frères de Li-Shimin ne purent voir
sans jalousie la préférence marquée dont il était
l'objet. Après avoir tenté vainement d'inspirer à
l'empereur, leur père, des soupçons sur sa conduite, ils
conçurent l'odieux projet de l'assassiner. Averti des intentions
de ses frères, Li Shimin ne sortait plus sans armes et se faisait
accompagner de quelques-uns de ses serviteurs les plus dévoués.
Un jour qu'il se rendait au palais, il voit venir à lui ses deux
frères, portant leurs arcs, et aussitôt il entend le sifflement
d'une flèche. Irrité de tant de perfidie, il fait tomber
à ses pieds l'assassin; l'autre, en fuyant, est percé d'une
flèche. Li-Shimin court embrasser les genoux de son père.
L'empereur le relève, et s'étant fait rendre compte de ce
qui s'était passé, il lui dit :
"La méchanceté
de vos frères les rendait indignes de vivre; en leur ôtant
la vie, on n'a fait que ce que j'aurais dû faire il y a longtemps."
Li-Shimin fut reconnu,
dès le lendemain, prince héritier; et, un mois après,
Gaozu s'étant démis de l'empire, il fut proclamé son
successeur (4 août 626), sous le nom de Taizong. Quoique passionné
pour les femmes, son premier acte d'autorité fut d'en renvoyer trois
mille dans leurs familles. Il fit déclarer impératrice son
épouse Zhangsun, princesse aussi modeste qu'éclairée,
dont les conseils lui furent souvent utiles, et qui, dit-on, a laissé
des ouvrages estimés.
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L'empereur
Taizong.
Pendant les fêtes
du couronnement, les Turks orientaux (Tujue,
ou Turks bleus) pénétrèrent dans la Chine et s'avancèrent
près de Chang'an (Xi’an), la capitale des Tang,
avec une armée de plus de 100 000 hommes. L'empereur, sans se troubler,
fit armer ses troupes et marcha sur-le-champ contre les Turks. Sa contenance
assurée les intimida tellement, qu'ils s'estimèrent heureux
d'obtenir la paix aux conditions qu'il voulut leur imposer. Taizong connaissait
trop bien les ennemis auxquels il avait à faire pour se fier à
leurs serments. Aussi profita-t-il de la paix pour exercer ses soldats,
et bientôt il eut une armée aguerrie et disciplinée.
Il bâtit à Chang'an un collège qui pouvait contenir
plus de dix mille élèves, l'enrichit d'une bibliothèque
de deux cent mille volumes, et y fixa, par ses largesses, les maîtres
les plus habiles. Ses bienfaits allèrent chercher au loin les savants
et les lettrés. Il encouragea leurs travaux, récompensa leurs
découvertes et en attira plusieurs à sa cour. C'était
dans leur société qu'il passait les moments qu'il pouvait
dérober aux soins du gouvernement, et il les consultait souvent
dans des circonstances difficiles.
Taizong divisa l'empire
en dix dao ou grandes provinces, et en régla les bornes d'après
leurs limites naturelles. Il ne voulut pas, malgré l'avis de ses
conseillers, profiter de la guerre que les Turks
se faisaient entre eux pour achever de les détruire. Il se contenta
de leur donner un chef ou ko-kan; mais les Turks l'ayant prié
de garder ce titre pour lui-même, il y consentit. D'après
l'avis de l'impératrice, Taizong ordonna la révision du code
des lois, en prescrivant d'adoucir les châtiments et de diminuer
les charges et les impôts supportés par le peuple. Attentif
à tous les détails du gouvernement, il voulut un jour visiter
lui-même les prisons publiques : il y trouva trois cent quatre-vingt-dix
criminels condamnés à mort. Leur ayant permis de se rendre
chez eux, pour travailler à la récolte, ils revinrent tous
au temps prescrit et obtinrent leur grâce, Le prince héritier
ayant donné, par sa conduite, des sujets de mécontentement
à son père, il craignit que l'empereur ne lui substituât
un autre de ses enfants, et résolut de prévenir cette mesure.
La conspiration du prince héritier ayant été découverte,
Taizong se contenta de le dégrader; mais il fit punir de mort ses
complices.
Depuis qu'il était
monté sur le trône, Taizong n'avait fait la guerre que par
ses lieutenants, mais il résolut d'aller en personne châtier
les grands du royaume de Koguryo (un des trois royaumes de Corée
à cette époque), révoltés contre leur roi,
et qui, d'ailleurs, gênaient les communications de la Chine avec
ses voisins. Il s'empara, presque, sans obstacle, de plusieurs villes du
Koguryo, et vint mettre le siège devant la capitale de ce royaume.
Une victoire éclatante, qu'il remporta sur les Coréens, le
persuada que cette ville ne tarderait pas de tomber en son pouvoir; mais
le général qui la défendait montra de la vigueur;
et l'empereur, après avoir perdu beaucoup de monde, fut obligé
de se retirer, faute de vivres pour faire subsister son armée. En
le voyant s'éloigner, le commandant de la ville lui cria, du haut
des murailles, qu'il lui souhaitait un bon voyage. Ce revers inattendu
affligea vivement l'empereur; succombant à son chagrin, et persuadé
que sa fin approchait, il se hâta de recueillir, pour l'instruction
de son héritier (Li Zhi, qui règnera sous le nom de Gaozong),
les avis les plus propres à former un bon prince.
Outre le livre intitulé
Ti-fou,
il en avait déjà composé un autre sous le titre de
Précieux
miroir; dans ces deux ouvrages, dont le P. du Halde a donné
l'analyse, Taizong fait voir beaucoup de discernement et de goût,
et montre une connaissance approfondie de l'histoire. Ce prince mourut
le 10 juillet 649, à l'âge de 53 ans; il en avait passé
vingt-trois sur le trône. Peu d'empereurs ont eu plus d'heureuses
qualités que Taizong, l'histoire ne lui reproche qu'un amour excessif
pour les femmes et le désir immodéré de la gloire.
Curieux de connaître ce que la postérité penserait
de lui, le prince, un jour, interrogea le président du tribunal
de l'histoire.
"Les historiens,
lui répondit le président, écrivent les bonnes et
les mauvaises actions de Votre Majesté, ses paroles louables et
répréhensibles, et tout ce qui se passe de bien et de mal
dans le gouvernement; mais je ne sache pas qu'aucun empereur ait jamais
vu ce qu'on écrivait de lui. - Eh quoi! dit l'empereur, si je n'avais
rien fait de bon, est-ce que vous l'écririez aussi? - Je ne pourrais
m'en dispenser, reprit le président, et ce que vient de dire Votre
Majesté sera consigné dans mes mémoires."
(W-s.).
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Charles
P. Fitzgerald, Tang
Taizong, l'apogée de l'empire chinois, Payot (rééd.
2008). - Cofondateur de la dynastie Tang,
qui régna sur l’Empire chinois pendant
trois siècles, Tang Taizong (599-649), né Li Shimin, est
considéré comme un empereur modèle qui sut rendre
son unité et sa prospérité à un pays jusqu’alors
divisé en royaumes hostiles et menacé par les invasions barbares.
Jeune lieutenant ambitieux, il aide son père, Li Yuan, gouverneur
du Shanxi, à s’emparer par la force du trône vacillant des
Sui. Il mène alors plusieurs campagnes militaires victorieuses qui
lui assurent la domination des royaumes du centre et du sud de la Chine.
Devenu
empereur à son tour à vingt-sept ans, Taizong sécurise
les frontières de l’Empire par une politique de conquête agressive
vers le Nord, aux mains des Turcs orientaux
(les Tartares), le Tibet, qui reconnaît
sa suzeraineté, puis les cités du bassin du Tarim, ce qui
lui permet de rétablir durablement la mythique Route
de la Soie qui reliait Orient et Occident. C’est par elle que, pour
la première fois en Chine, pénètrent
et cohabitent sans heurts les grands courants religieux : islam,
christianisme
et bouddhisme.
Surnommé
« l’empereur très lettré », Tang Taizong fera
de la capitale impériale Chang’an (aujourd’hui Xi’an) une métropole
cosmopolite d’un million d’habitants au bouillonnement culturel intense
et de son règne une des plus belles périodes de paix sociale
et de liberté.
À
l’heure où la Chine est entrée
dans l’ère de la mondialisation, il convient de se pencher sur un
passé où elle ne redoutait pas de s’ouvrir au monde. (couv.). |
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