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Suso

Henri Suso, Henri de Berg, de l'ordre des frères prêcheurs, est né à Uberlingen, près du lac de Constance, en 1295 selon Preger (Geschichte der deutschen Mystik im Mittelalter, Il, 348), en 1300 selon Henri Murer (Helvetia sacra, 315) , mort au couvent d'Ulm en 1366. Son père était un rude chevalier de la famille de Berg, sa mère une pieuse et douce femme de la famille de Seuse; c'est le nom de sa mère qu'il prit plus tard par attachement pour elle. A l'âge de treize ans, il entra comme novice au cloître dominicain de Constance; la discipline y était relâchée, et la dissipation mondaine y avait pénétré; Suso céda quelque temps à cette influence; ces années d'oubli laissèrent en lui un repentir amer, et il essaya de les racheter par de dures mortifications, par une vie de macération et d'ascétisme. Venu à Cologne (vers 1325) pour y achever ses études théologiques (Studiumgenerale), il y connut maître Eckhart, dont la doctrine eut sur son esprit une action puissante. Lecteur et prieur de son ordre à Constance (1329-36), il paraît y avoir écrit une partie de ses ouvrages. Il dut quitter son cloître, persécuté par Louis de Bavière, et il erra quelques années; rentré à Constance, il dut en partir de nouveau, calomnié par ses ennemis.

Les principaux ouvrages de Suso sont : 

l'histoire de sa vie;

le livre de la Sagesse éternelle (repris en latin - avec des modifications importantes - sous le titre de Horologium sapientiae);

le Livre de la Vérité

le Livre des Lettres. 

Il semble que Suso lui-même ait revu en 1362 la rédaction de ces quatre ouvrages. Ils ont été imprimés en 1482 et en 1512 à Augsbourg, par Antoine Sorg, et par Hans Othmar; la deuxième édition n'est qu'une répétition de la première. Le chartreux Surius les traduisit en latin (Cologne, 1555); le chartreux Le Cerf, en français (Paris, 1586), etc.; Au XIXe siècle, Diepenbrock a donné une édition nouvelle en allemand moderne de ces quatre ouvrages (Heinrich Susos Leben und Schriften; Regensburg, 1884, 4e édit.); il a le tort d'y comprendre, en l'attribuant à Suso, le livre des Neuf Rochers, qui est de Rulman Merswin ; enfin nous devons mentionner l'excellente édition du R. P. Denifle : Die deutschen Schriften des sel. H. Seuse (Munich, 1876-78-80). - L'Horologium sapientiaea été édité à part à Paris en 1470 et 1480, à Venise, en 1492 et 1539.

La doctrine de Suso est, au fond, celle de son maître, Eckhart de Hocheim. Au Dieu Acte pur de la scolastique thomiste se substitue l'Etre identique au non-Etre, qui, par la plasticité de son devenir, engendre toutes ses manières d'être et toutes les réalités. La Divinité sans origine et sans détermination devient Dieu d'abord en se rétractant sur soi et en se faisant apparaître sa propre image. Le Père est le sujet de cette contemplation; le Fils, qui enferme la multiplicité des formes idéales, la diversité du connaître, en est l'Objet; l'Esprit est l'Unité de l'Un et de l'Autre. L'Univers est compris dans le Fils et se développe selon le mouvement naturel de l'intelligence divine; la créature, née de Dieu, tend à retourner à Dieu et à rentrer dans l'Unité de l'Etre. 

Ce système, qui provient en dernière analyse de la philosophie alexandrine, est développé tout au long par Eckhart dans ses écrits latins et dans ses sermons allemands ; il constitue ce qu'on a appelé le mysticisme allemand, opposé à la scolastique et au thomisme ; il a été repris par ses disciples, Tauler et Suso, mais chacun d'eux y ajoute ses idées personnelles et surtout sa façon de voir et de sentir. Suso est plutôt un imaginatif et un sentimental qu'un philosophe abstrait; il donne aux idées de Eckhart une forme visible; à la notion pure de l'Etre, comme principe, il substitue celle de la Sagesse éternelle « la plus belle, la plus aimable des amantes », et il lui voue un culte passionné; il se fait le chevalier, le chanteur d'amour de cette céleste dame. « Sans amour, à la longue mon coeur n'aurait pu vivre », dit-il de lui-même dans le récit de sa vie. En même temps il a toujours devant les yeux l'image des souffrances du Christ: « Veux-tu me connaître dans ma divinité hors le devenir, apprends à me connaître dans mon humanité souffrante, c'est la voie la plus rapide vers la félicité » (Buch der ewigen Weisheit). Or la souffrance seule connaît la souffrance. A la réflexion philosophique comme moyen de connaître la réalité suprême, Suso substitue l'ascétisme pratique. (H. Delacroix).

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Dictionnaire biographique
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