| Straton, philosophe grec, né à Lampsaque entre 340 et 330 av. J.-C., mort à Athènes en 269. L'un des Péripatéticiens les plus célèbres dans l'Antiquité, il suivit à Athènes les leçons de Théophraste, se rendit ensuite à Alexandrie appelé, peut-être, par Ptolémée Soter qui le donna pour précepteur à son fils Philadelphe. Vers 285, Straton revint à Athènes, où il succéda à Théophraste comme chef du Lycée. En donnant à Straton le surnom de Physicien, les Anciens avaient fait preuve de perspicacité. C'étaient, en effet, ses idées sur l'objet et la méthode de la physique qui méritaient d'attirer l'attention, et qui font regretter la perte de ses nombreux ouvrages. Sorti de l'école dynamiste d'Aristote, Straton a compris, probablement sous l'influence de l'enseignement d'Epicure, les avantages scientifiques du mécanisme, tout en reconnaissant que la synthèse mécanique est impuissante à constituer les qualités et, par suite, à exclure définitivement le dynamisme. Aussi continue-t-il à spéculer sur les qualités, mais celle qui l'occupe le plus et qu'il prend, autant que possible, pour substitut des autres, est la plus mathématique de toutes, la pesanteur. C'est cette attitude, non sans analogie avec celle de la physique moderne, qui fait l'originalité et l'importance historique de Straton. Rejetant, à la fois, le finalisme d'Aristote et l'atomisme, qu'il considérait comme un rêve de Démocrite, il enseignait que tout ce qui est et tout ce qui se fait est le résultat de poids et de mouvements naturels. Le peu que nous savons des détails de sa physique montre qu'il y apportait la même préoccupation des intérêts de la science proprement dite, laissant de coté, délibérément peut-être, la spéculation métaphysique : il admettait l'existence du vide, l'éternité du monde dans le temps et l'infinité dans la division; soutenait la mutabilité des formes; ramenait, semble-t-il, le chaud et le froid à la raréfaction et à la condensation; expliquait la diversité des sons par l'inégalité des vibrations de l'air qui les produisent; rendait compte, par l'influence des milieux et la sélection naturelle, de la formation des êtres vivants, et repoussait la théorie aristotélicienne du cinquième élément et de l'origine de l'âme. Ses idées sur le mécanisme de la sensation et le rôle qu'y joue le pneuma ne sont pas sans intérêt. On y trouve le germe des théories développées, plus tard, par Erasistrate, que quelques anciens considéraient, avec raison peut-être, comme un disciple de Straton. Enfin, fidèle à l'esprit de son système, Straton pensait que tous les états de l'âme, même la pensée, résultent des sensations, c.-à-d. des mouvements imprimés à la matière psychique qu'il localisait dans le cerveau. Il ne retenait des idées d'Aristote sur l'intellect que la théorie de la formation machinale des universaux; qu'il considérait comme des empreintes matérielles dans l'âme, pensant ainsi échapper au nominalisme. Il semble aussi, autant qu'on peut en juger par une indication assez obscure, avoir expliqué le rêve par la tendance des états faibles à prendre la place des états forts en l'absence de ceux-ci. Les objections que Straton formulait contre les arguments employés par Platon pour établir l'immortalité de l'âme faisaient peut-être partie d'un ensemble de critiques dirigées contre la spéculation métaphysique. Il paraît, en somme, avoir renoncé à tout ce qu'il y avait de métaphysique dans la doctrine péripatéticienne et essayé de développer, en employant une méthode plus rigoureuse, la physique empirique d'Aristote. L'influence d'Epicure, l'essor rapide, mais de courte durée, pris par les sciences, spécialement par les mathématiques, au début du IIIe siècle, et surtout à Alexandrie, expliquent, en partie, la tentative de Straton. Bien que les causes qui détournèrent bientôt les penseurs des recherches spéculatives, pour les diriger exclusivement vers les problèmes d'ordre pratique et moral, l'aient rendue stérile, elle n'en a pas moins été le premier effort pour constituer une physique scientifique, et c'est à ce titre qu'elle offre quelque intérêt. (G. Rodier). | |