| Madeleine de Scudéry est une écrivaine née au Havre, le 15 novembre 1607, morte à Paris le 2 juin 1701. Restée orpheline à six ans, elle reçut chez son oncle une excellente éducation, apprit en perfection les lettres, le dessin, la danse, non sans lire aussi beaucoup de romans. S'il n'est pas certain qu'elle ait en 1620 accompagné son frère Georges (V. ci-dessous), également auteur de renom, dans un voyage à Apt, berceau de la famille, elle vint du moins en 1630 le rejoindre à Paris, et mena avec lui une vie commune jusqu'en 1655, l'aidant non seulement dans la tenue de leur modeste demeure; mais bientôt de sa plume dans la composition de ses romans (l'Illustre Bassa). Elle était déjà très appréciée à l'hôtel de Rambouillet (Catherine de Rambouillet), lorsque, après un court séjour à Rouen en 1644 elle accompagna son frère à Marseille (novembre). Rentrée à Paris en 1647, elle faillit être donnée pour gouvernante aux nièces de Mazarin. Les hôtels de Nevers et de Créqui remplacèrent alors pour elle celui de Rambouillet dont la société s'était dispersée. - Madeleine de Scudéry (1607-1701). Passionnée de conversations, ne manquant aucune de ces réunions, elle trouvait encore le temps de composer les dix énormes volumes du Grand Cyrus (Paris, in-8), qui, avec un énorme succès, parurent de 1649 à 1653, sous le nom de son frère, et où le prince de Condé et la société du temps étaient peints sous des noms supposés. Restée fidèle à Condé pendant la Fronde; c'est presque à cette époque que, dans son modeste logis, d'abord Vieille-Rue-du-Temple, puis rue de Beauce (1675), elle institua, de 2 heures à 5 heures, ces Samedis devenus si célèbres. A cette date aussi remonte l'étroite amitié qui se forma entre elle et Pellisson, qu'elle avait d'abord rencontré chez Conrart, et dont Georges de Scudéry se montra assez jaloux. Cette amitié ne cessa que par la mort de Pellisson (1693). Le mariage de son frère (1654) ne changea rien à ses habitudes de réception et d'activité littéraire. Celle-ci semble même s'être accrue. C'est ainsi qu'elle publia, de 1654 à 1661, Clélie (Paris, 10 vol. in-8), où, sous des noms romains, sont peints bien des contemporains (ainsi : Pellisson, Herminius; Mme Scarron et son mari, Lyriane et Scaurus; Mmes de Maure et de Sablé, etc.); Almahide ou l'Esclave reine (Paris, 1661-63, 8 vol. in-8), que Chapelain cependant considérait comme l'oeuvre du frère, dont ce roman porte le nom; Mathilde d'Aquilar (Paris, 1667, in-8); Célanire ou la Promenade de Versailles (Paris, 1669, in-8). Mlle de Scudéry était poète autant que romancière, ce sont d'elle les beaux vers si connus sur la captivité de Condé. Un 1674, l'Académie française lui décerna le prix d'éloquence pour son Discours sur la Gloire. Ses dernières oeuvres sont surtout des oeuvres morales : Conversations sur divers sujets (Amsterdam, 1680, 2 vol. in-12), auxquelles s'ajoutèrent : Conversations nouvelles (Paris, 1684, 2 vol, in-12); Conversations morales (Paris, 1686, 2 vol. in-12); Nouvelles Conversations morales (Paris, 1688, 2 vol. in-12); Entretiens de morale (1692, 2 vol. in-12). « Ces 10 volumes sont comme une suite, a dit Cousin, de sermons laïques, une véritable école de morale, tirée de l'expérience de la meilleure compagnie ». Le jour de sa mort, atteinte d'un gros rhume, elle se fit encore lever et habiller. Étant debout, elle se sentit défaillir et dit, selon la légende : il faut mourir; et elle expira en embrassant le crucifix qu'on lui avait donné. Elle fut inhumée à Saint-Nicolas des Champs, sa paroisse. (E. Asse). | |
| Georges de Scudéry est un écrivain français, né au Havre le 22 août 1601, mort à Paris le 14 mai 1667, frère de la précédente. Il était fils d'un lieutenant du Havre, dont l'amiral de Villars, qui fut son parrain, était gouverneur. Resté orphelin en 1613, il fut élevé par un oncle riche, suivit d'abord, comme son père, la carrière des armes, où, si on l'en croit, il fut remarqué, fit en 1628-1629 la campagne d'Italie, après quoi, en 1630, il quitta le service pour se fixer à Paris et se consacrer aux lettres. On peut dire qu'il y entra d'assaut, car, dès l'année suivante, il aborda le théâtre par Lygdamon et Lydias, tragi-comédie (Paris, 1631, 2 vol, in-12), dont la préface est un chef-d'oeuvre de rodomontade et de fatuité. Il portait sur la scène le ton soldatesque qu'il avait contracté dans les camps et un air avantageux, qui gâtait ses meilleures qualités. La même année, il donna un recueil de ses Oeuvres (Paris, 1631, in-12) et des Poésies (Paris, 1631, 2 vol. in-12). Au théâtre, il fit représenter successivement Annibal, tragédie (1631); le Trompeur puni ou l'Histoire septentrionale, comédie (1633), tirée de l'Astrée; l'Amour caché par l'amour, tragi-comédie précédée de la Comédie des Comédiens (novembre 1634) ; le Prince déguisé, tragi-comédie (1635); Orante, tragi-comédie (1635); le Vassal généreux, tragi-comédie (1632); le Fils supposé, comédie (1635); la Mort de César, tragédie (1636); Didon, tragédie (1636); l'Amant libéral, comédie (1636), d'après Cervantes; l'Amour tyrannique, tragi-comédie (1638); Eudoxe, tragi-comédie (1639); Andromire, tragi-comédie (1641), Arminius ou les Frères ennemis, tragédie (1642); l'Illustre Bassa ou Ibrahim, tragédie (1642); Axiane, tragi-comédie (1643), tirée de l'Illustre Bassa, roman. On lui attribue encore : la Mort de Mithridate (1640) et Lucidan ou le Héraut d'armes (1639). Blessé dans son intérêt et dans sa vanité par le grand succès du Cid (décembre 1636), il attaqua cette pièce de Corneille - qui cependant avait écrit pour Lygdamon des vers louangeurs - dans sa conduite et dans son style, lui reprochant, dans ses Observations sur le Cid (Paris, 1637, in-8), « de parler français en allemand », puis, dans la Lettre de Scudéry à l'illustre Académie, sollicita de cette compagnie qui venait d'être fondée de rendre un jugement dans ce qui était devenu la Grande Querelle sur le Cid. Ce jugement, qui fut rendu à la fin de 1637, donnait en partie raison à Corneille. Presque au même moment, Scudéry faisait jouer son Amour tyrannique que Richelieu patronna en haine du Cid, et que son auteur estimait très supérieur à Corneille. Mais il eut la faveur du cardinal, qui, en 1643, le nomma gouverneur du fort de Notre-Dame de La Garde, ce qui le conduisit à passer trois ans à Marseille (1644-1647). Il se piquait aussi d'être ce qu'on appelait un curieux, et publia même le Cabinet de M. Scudéry (Paris, 1646, in-4), puis les Discours politiques des rois (1648, in-4). Reçu à l'Académie française en 1650 à la place de Vaugelas, partisan de Condé pendant la Fronde, il fut en 1654 exilé en Normandie, mais y épousa une riche héritière, Mlle de Martin-Vast, parente du duc de Saint-Aignan, qui fit sa fortune. Cette année même, il donna son poème épique Alaric ou Rome vaincue (Paris, 1654, in-fol. et 1656, in-12). Rentré à Paris en 1660, et présenté à Louis XIV, il cessa dès lors à peu près d'écrire. On a encore de lui des Poésies diverses (1649, in-4). Quant aux romans, qui portent son nom, ils sont de sa soeur, si ce n'est peut-être pour ce qui est de l'invention du sujet et de leurs nombreux incidents. (E. Asse). - Ode A don Joseph de Illescas, envoyé espagnol de l'archiduc Léopold « Espagnols, mes bons amis, (Au moins si l'on vous veut croire) Ce que vous avez promis, Est-il fable, est-il histoire? Vous nous aimez, dites-vous; Donc les brebis et les loups Sont en paix dans la campagne. Mais on sait de toutes parts Que les fiers lions d'Espagne Ne sont plus que des renards. O fourbes! l'on voit au jour Le motif de vos grimaces; Quoi! les huissiers de la cour Ont-ils la clef de vos places? Vous le dirai-je en un mot? L'Espagnol n'est pas si sot Que de passer la frontière, Et s'il cherche le cercueil, La France est un cimetière Bien digne de son orgueil. Mais pour vous ouvrir mon coeur Sans pourtant qu'il vous déplaise, Je vous crois fils d'un ligueur A grand busc et grande fraise. Vous êtes mal déguisé, Français espagnolisé, Et malgré votre impudence, Cette belle invention De la lettre de crédence N'a fait nulle impression. Or, Espagnol ou François, Où tous deux, vaille que vaille, Vous êtes tout d'une voix Sifflé jusqu'à la canaille; L'écharpe d'incarnadin Ne pare en vous qu'un badin, Qu'un homme à timbre malade, Et de loin comme de près, Le peuple fait pétarade, Dès qu'il voit Monsieur l'Exprès. Vantez moins superbement La puissance de Castille; D'Espagne on veut seulement Des gants et de la pastille. La France la connaît bien, L'on sait qu'elle ne peut rien Car sa faiblesse est extrême. Sans la mort de Richelieu, Votre monarque lui-même N'aurait plus ni feu ni lieu. » (G. de Scudéry). | |