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Sarasin

Jean-François Sarrazin ou mieux Sarasin est un écrivain français, né à Hermanville, près de Caen, en 1605, mort à Pézenas en 1654. Il était, dit-on, fils naturel de Fauconnier, trésorier de France à Caen. Protégé à Paris par le secrétaire d'Etat Chauvigny, il voyagea en Allemagne, où il gagna la faveur de la princesse Sophie, fille du roi de Bohème. Il entra, en 1648, avec le titre pompeux de secrétaire des commandements dans la maison du prince de Conti, dont il devint le bouffon et parfois le soufre-douleur. Il fit partie de la petite société qui avait pour centre Mlle de Scudéry et pour principaux représentants Pellisson, Ménage, Conrart, Scarron.

Il mourut, dit-on, d'un coup de pincettes dont le prince de Conti l'aurait frappé à la tempe. Après Voiture, Sarasin fut le plus brillant des écrivains de salon du XVIIe siècle. La plupart de ses oeuvres en vers sont de spirituelles improvisations sur des riens : ainsi le Testament de Goulu (portrait satirique du parasite Montmaur); Dulot vaincu ou la Défaite des bouts-rimés, poème héroï-comique; la Pompe funèbre de Voiture, Glose en faveur de l'Uranie de Voiture contre le Job de Benserade, Ballades, épigrammes, madrigaux, rondeaux, etc.

« Il faisait, dit Segrais, de son esprit tout ce qu'il voulait. » 
II sut écrire, en effet, non seulement des églogues et des odes fort convenables, mais deux petits chefs-d'oeuvre de style historique : La Relation du siège de Dunkerque (1649) et la Conspiration de Wallenstein (restée inachevée). 

Sarasin n'avait rien imprimé; ce fut Ménage qui publia ses principaux ouvrages (Paris, 1656). (GE)
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Ode à Monseigneur
le Duc d'Enghien

« Grand duc, qui d'Amour et de Mars 
Portes le coeur et le visage, 
Digne qu'au trône des Césars
T'élève ton noble courage;

Enghien, délices de la cour,
Sur ton chef éclatant de gloire 
Viens mêler le myrte d'amour 
A la palme de la victoire.

Ayant fait triompher les Lis
Et dompté l'orgueil d'Allemagne, 
Viens commencer, pour ta Philis, 
Une autre sorte de campagne.

Ne crains point de montrer au jour 
L'excès de l'ardeur qui te brûle; 
Ne sais-tu pas bien que l'amour 
A fait un des travaux d'Hercule?

Toujours les héros et les dieux 
Ont eu quelques amours en tête; 
Et Jupiter, en mille lieux, 
En a fait plaisamment la bête.

Achille, beau comme le jour,
Et vaillant comme son épée, 
Pleura neuf mois pour son amour, 
Comme un enfant pour sa poupée.

O Dieux! que Renaud me plaisait! 
Dieux! qu'Armide avait bonne grâce! 
Le Tasse s'en scandalisait, 
Mais je suis serviteur au Tasse.

Et nos seigneurs les Amadis, 
Dont la cour fut si triomphante 
Et qui tant joutèrent jadis, 
Furent-ils jamais sans infante?

Grand duc, il n'y va rien du leur, 
Et, je le dis sans flatterie, 
Tu les surpasses en valeur, 
Passe-les en galanterie.

Viens donc hardiment attaquer 
Philis, comme tu fis Bavière; 
Tu la prendras sans y manquer, 
Fût-elle mille fois plus fière.

Nous t'en verrons le possesseur, 
Pour le moins selon l'apparence, 
Car je crois que ton confesseur 
Sera seul de ta confidence.

Cependant fais qu'en de beaux vers 
La plus galante renommée 
Débite, par tout l'univers, 
Les grâces de ta bien-aimée.

Choisis quelque excellente main 
Pour une si belle aventure; 
Prends la lyre de Chapelain 
Ou la guitare de Voiture.

A chanter ces fameux exploits,
J'emploierais volontiers ma vie; 
Mais je n'ai qu'un filet de voix, 
Et ne chante que pour Sylvie. »
 

(J.-F. Sarasin).
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Dictionnaire biographique
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