.
-

Sandeau

Léonard Sylvain Jules'Sandeau est un romancier et auteur dramatique français, né à Aubusson (Creuse) le 19 février 1811, mort à Paris le 4 avril 1883. Fils d'un modeste employé aux droits réunis, il fut envoyé à Paris pour y suivre les cours de l'École de droit. 

Pendant les vacances, le jeune homme visita le château de Nohant et se lia avec la jeune baronne Dudevant (George Sand). En 1831, tous deux vinrent se fixer à Paris pour y tenter la fortune des lettres. Leur liaison devint tout à fait intime et ils se mirent à travailler ensemble. Henri de Latouche favorisa les débuts des deux jeunes gens en insérant leurs articles dans le Figaro, dont il était alors rédacteur en chef; puis il leur conseilla d'écrire des romans. Un seul ouvrage, Rose et Blanche, signé Jules Sand (1831), fut le fruit de cette collaboration. Jules Sandeau donna encore, dit-on, à George Sand le plan d'Indiana, qu'elle écrivit à elle seule, et, tout en continuant de vivre ensemble, ils travaillèrent chacun de son côté. 

En 1833, Jules Sandeau partit pour l'Italie. Leur liaison, qui devait être éternelle, avait duré deux ans! George Sand a écrit elle-même l'oraison funèbre de cet amour dans les Lettres d'un voyageur; c'est une de ses plus belles pages :

"Il m'importe peu de vieillir, il m'importerait beaucoup de ne pas vieillir seule. Mais je n'ai pas rencontré l'être avec lequel j'aurais voulu vivre et mourir, ou, si je l'ai rencontré, je n'ai pas su le garder. Ecoute une histoire et pleure. Il y avait un bon artiste qu'on appelait Watelet, qui gravait à l'eau-forte mieux qu'aucun homme de son temps. Il aima Marguerite Leconte et lui apprit à graver à l'eau-forte aussi bien que lui. Elle quitta son mari, ses biens et son pays pour aller vivre avec Watelet. Le monde les maudit; puis, comme ils étaient pauvres et modestes, le monde les oublia. Quarante ans après, ou découvrit aux environs de Paris, dans une maisonnette appelée Moulin-Joli, un vieil homme qui gravait à l'eau-forte et une vieille femme qu'il appelait sa meunière et qui gravait à l'eau-forte, assise à la même table. Le premier oisif qui découvrit cette merveille l'annonça aux autres, et le beau monde courut en foule à Moulin-Joli pour voir le phénomène : un amour de quarante ans, un travail toujours assidu et toujours aimé; deux beaux talents jumeaux, Philémon et Baucis du vivant de Mmes de Pompadour et Du Barry! Cela fit époque, et le couple miraculeux eut ses flatteurs, ses amis, ses admirateurs, ses poètes. Heureusement le couple mourut de vieillesse peu de jours après, car le monde aurait tout gâté. Le dernier dessin qu'ils gravèrent rcpresentait le Moulin-Joli, la maison de Marguerite, avec cette devise :
Cur valle permutem Sabina, 
Divitias operosiores?
Il est encadré dans ma chambre, au-dessus d'un portrait dont personne ici n'a vu l'original. Pendant un an, l'être qui m'a légué ce portrait s'est assis avec moi toutes les nuits à une petite table, et il a vécu du même travail que moi. Au lever du jour, nous nous consultions sur notre oeuvre et nous soupions à la même petite table, tout en causant d'art, de sentiment et d'avenir. L'aveux nous a manqué de parole. Priez pour moi, ô marguerite Leconte! "
De retour à Paris, Jules Sandeau publia son premier roman, Mme de Sommerville (1834, 2 volumes), puis successivement : les Revenants (1836, 2 vol.), Un jour sans lendemain (1836) et Marianna (1839, 2 vol.), délicate étude du coeur humain, dont le succès lui ouvrit la porte de la Revue des Deux-Mondes. C'est dans ce recueil que parurent la plupart des productions de l'auteur; elles furent ensuite réunies en volumes : le Docteur Herbeau (1841, 2 vol.; Vaillance et Richard (1843); Fernand (1844); Catherine (1845); Valcreuse (1846, 2 vol.); Mlle de La Seiglière (1845, 2 vol.); Madeleine (1848); la Chasse au roman (1849, 2 vol.); un Héritage (1849, 2 vol.); Sacs et parchemins (1851, 2 vol.); le Château de Montsabrey (1853, 2 vol.); Olivier (1854); la Maison de Penarvan (1858); Un début dans la magistrature ( 1862); la Roche aux Mouettes (1871).
-
Le marquis de la Seiglière

« Dans l'embrasure d'une fenêtre ouverte, devant un joli guéridon de porcelaine de vieux sèvres chargé de cristaux, de vermeil et des débris d'un déjeuner mignon, M. de la Seiglière, couché plutôt qu'assis dans un fauteuil à dos mobile et à fond élastique, jouissait en toilette du matin de cet état de bien-être et de béatitude, que procurent à coup sûr un égoïsme florissant, une santé robuste, une fortune bien assise, un caractère heureux et une facile digestion. Il s'était réveillé en belle humeur et ne s'était jamais senti si dispos. Enveloppé d'une robe de chambre de soie à grands ramages, le menton frais rasé, l'coeil vif, la bouche rose encore et souriante, le linge éblouissant, la jambe fine, le mollet rebondi, la main blanche et potelée, à demi cachée sous une dentelle de Valenciennes et jouant avec une tabatière d'or enrichie d'un portrait de femme, qui n'était pas celui de la marquise, le tout exhalant un doux parfum d'iris et de poudre à la maréchale, il était là, ne pensant à rien, respirant avec délices la verte senteur de ses bois, dont l'automne commençait à rouiller la cime, et suivant d'un regard distrait ses chevaux couverts de housses qu'on ramenait de la promenade, lorsqu'il aperçut sur le pont du Clain Mme de Vaubert, qui s'avançait dans la direction du château. Il se leva, tendit le jarret, s'examina des pieds à la tête, secoua du bout des doigts les grains de tabac éparpillés sur son jabot de point d'Angleterre; puis, s'étant penché sur le balcon, il regarda venir l'aimable visiteuse. »
 

(J. Sandeau, extrait de Mlle de la Seiglière).

Jules Sandeau a de plus donné au Théâtre-Français : Mlle de La Seiglière (1851) et, en collaboration avec Emile Augier; la Pierre de touche (1853), comédie tirée du roman intitulé l'Héritage; le Gendre de M. Poirier(théâtre du Gymnase, 1854); Ceinture dorée (théâtre du Gymnase, 1855); Jean de Thommeray (Théâtre-Français, 1873); Mlle de La Seiglière et le Gendre de M. Poirier comptent parmi les meilleures comédies de leur époque.

En 1853, Jules Sandeau fut nommé bibliothécaire à la bibliothèque Mazarine et conservateur en 1859; l'année précédente, il avait été nommé membre de l'Académie française, en remplacement de Briffant; Napoléon III le créa bibliothécaire lu château de Saint-Cloud (1860), aux appointements de 6000 francs par an. Cette sinécure fut naturellement supprimée par l'incendie du palais de Saint-Cloud et de sa bibliothèque, mais Jules Sandeau obtint, en compensation, une pension temporaire de 2000 F.  (PL).

On doit encore à  cet auteur, dont les productions n'ont jamais fait grand bruit : Mlle de Kerouare, roman (1840), et un recueil de Nouvelles (1859, 2 vol.). Il a été jugé très équitablement par Lataye : 

"Sa grâce ne manque pas d'une certaine ironie eu même temps que sa gaieté est comme tempérée par l'attendrissement. Avant tout c'est un écrivain. En s'appliquant exclusivement à l'analyse de la passion et à son développement, il a donné à ses romans une tour nure uniquement littéraire. Il a su produire à ses heures. Tandis que la littérature oublie trop souvent qu'elle doit être à elle-même son propre but et que suivre le goût du public c'est déchirer son contrat de liberté et abolir pur cela même la condition première de tout talent; tandis que pour arriver au succès, cette chose venale, cette fausse pierre de touche de l'art, elle suit les routes les plus bizarres, elle exploite systématique. ment les filons les plus singuliers en croyant peut-être y trouver cet absolu qui est le centre inconnu de toutes les manifestations humaines; tandis qu'enfin, soit par désespoir, soit par ignorance, elle initie Un public blasé et moqueur à ses luttes secrètes, à ses déchirements intérieurs, tandis qu'elle se raille elle-même et bat monnaie avec ce qu'elle a de plus sacré, ses misères et ses souffrances, la muse de M. Sandeau, jadis on eût dit ainsi, est toujours restée pure, jeune et fraîche. Celle-ci n'a pas brisé successivement ses diverses idoles; elle a toujours gardé sur sa tête les premières fleurs dont elle s'est couronnée; elle n'a touché qu'à une corde, peut-être, mais elle en a donné toutes les vibrations. Du dévouement et du devoir elle a fait plus qu'un exposé banal, elle en a fait une science complète et raisonnée. Avant tout idéale, elle ne s'est pourtant pas perdue dans ces régions extraterrestres ou, pour nos yeux prévenus, les fantômes de nos vagues aspirations, encore agrandis par la distance, semblent prendre corps, acquièrent un certain poids spécifique et finissent par nous apparaître avec des formes précises et des couleurs palpables. Douée de en sens, qui n'est pas si commun qu'il en a l'air, elle s'est attachée aux petits faits, aux choses réelles, non pour en raconter les détails puérils et éphémères, non pour en énumérer fastidieusement ces différences microscopiques qui constituent l'individualité de chaque atome, mais pour en abstraire ce que ces faits contiennent, dans leur humble sphère, d'immuable et d'éternel; pour nous donner, par la connaissance exacte de leur raison d'étre, la véritable intelligence de ces choses prétendues mesquines, ces obstacles presque insensibles, auxquels, dans notre ignorance, nous nous heurtons misérablement et que nous accusons de notre perte." 
.


Dictionnaire biographique
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
[Aide][Recherche sur Internet]

© Serge Jodra, 2019. - Reproduction interdite.