| Jean-François de Saint-Lambert est un poète français, né à Nancy et non à Vézelise le 26 décembre 1716, mort à Paris le 9 février 1803. D'une famille noble, mais pauvre, élevé chez les jésuites de Pont-à-Mousson, il entra très jeune dans la carrière militaire, devint, à l'avènement de Stanislas comme souverain de la Lorraine (3 avril 1737), exempt de ses gardes du corps, puis grand maître de sa garde-robe. Très bien accueilli à la petite cour de Lunéville, lié avec la marquise de Boufflers, maîtresse du roi, qu'il célébrait dans des vers sous le nom de Doris et de Thémire, et à son frère le prince de Beauvais, il venait de publier une Epître à Chloé, très remarquée, lorsque Voltaire vint s'établir en 1748 à Lunéville avec son amie la marquise du Châtelet. Si les vers de Saint-Lambert plurent à Voltaire, qui les loua avec exagération, leur auteur plut encore davantage à Mme du Châtelet, et quand Voltaire, le 15 septembre 1748, revint de Paris, où il était allé assister à la première représentation de Sémiramis (29 août), il trouva sa place prise dans le coeur de son amie par Saint-Lambert, dont les trente-deux ans avaient plu victorieusement aux quarante-deux ans de la marquise. L'aventure qui eut une suite fatale, la mort en couche de Mme du Châtelet (10 septembre 1749), ne nuisit pas d'ailleurs à ses succès futurs comme poète et comme homme. Six ans plus tard, à trente-huit ans, il inspira à Mme d'Houdetot une grande passion, qui dura autant que sa vie. Après avoir pris part, dans l'armée du maréchal de Contades, à la campagne de Hanovre (1756-1757), il renonça au service, et se consacra exclusivement aux lettres. Ses premiers vers avaient été très religieux, Ode sur l'Eucharistie (1732); mais désormais ils seront très philosophiques, quand ils ne seront pas didactiques. Après avoir donné les Fêtes de l'amour et de l'Hymen, comédie-ballet (1756), froidement accueillies, il publia un Recueil de poésies, peut-être son oeuvre la meilleure. Un Essai sur le luxe (1764), écrit pour l'Encyclopédie, ne réussit pas, mais il, trouva la même année un vrai succès avec le Matin et le Soir (1764), que confirma Sara Th..., (1765, in-8), malgré l'étrangeté du sujet. Les Saisons (Paris, 1769, in-8, avec fig.), poème didactique en quatre chants, précédé d'un Discours sur la poésie, qu'il revit et augmenta dans l'édition de 1771, in-8, le rendit tout à fait célèbre, malgré les critiques de Fréron, de Clément et de Palissot, et le fit entrer à l'Académie, en remplacement de l'abbé Trublet (23 juin 1770). Abenaki et Ziméo, contes en prose (1769, in-8), et des Fables orientales (Paris, 1772, in-8), soutinrent sa réputation. Fixé exclusivement à Paris, après la mort de Stanislas (13 février 1766), il habita pendant la Révolution à Eaux-Bonnes près de la propriété de Mme d'Houdetot, qui lui survecut jusqu'en 1813. Saint-Lambert, qui avait fait des vers et des nouvelles philosophiques, aspira aussi à devenir un philosophe doctrinal. Il aurait, a-t-il dit lui-même, travaillé quarante-cinq ans à développer le plan d'une grande oeuvre philosophique conçus par lui dès 1755, par conséquent contemporaine de son poème des Saisons, sinon même antérieure. D'Alembert, dans ses Eléments de philosophie (1753), avait exprimé le désir qu'il existât un « catéchisme de morale pour les enfants ». C'est ce qu'aujourd'hui ou appelle la « morale laïque ». La Troisième République appliquera ce programme dans les écoles primaires. Mais c'est Saint-Lambert qui, le premier réalisa, cette idée dans cet ouvrage qui parut sous le titre de Principes des moeurs chez toutes les nations ou Catéchisme universel (Paris, 1798, 3 vol. in-8). Ce catéchisme, composé de 6 dialogues et de 11 chapitres sur les préceptes, et d'un douzième, De l'examen de soi-même, ne forme que 120 p.; mais il est suivi d'un Commentaire qui n'a pas moins de 471 p.: l'accessoire est plus volumineux que le principal. C'est là un grand défaut; quant au fond, Saint-Lambert reproduit les doctrines sensualistes d'Helvétius et d'Holbach. Il enseigne aux enfants que « l'homme est une masse organisée et sensible qui reçoit de tout ce qui l'environne et de ses besoins cet esprit dont il est si fier ». Son activité, née de la sensation, prend les deux formes de l'idée et de la passion: son but unique est le bonheur, « qui tient à la satisfaction des trois sens, le goût, le toucher, et le sixième sens ». Il voudrait qu'on créât « des officiers de morale », ayant pour mission d'expliquer la morale et d'éveiller la conscience. Contre l'excès de l'infortune et de la souffrance, il admet le suicide. Deux ans avant sa mort, il réunit tout ce qu''il avait écrit en ce genre sous le titre d'Oeuvres philosophiques de Saint-Lambert (Paris, an IX [1801], 5 vol. in-8). Elles se répartissent ainsi : t. ler, Analyse de l'homme et de la femme; De la Raison ou Ponthiamas; II, Catéchisme universel et Commentaire; III, suite du Commentaire; Analyse de la Société; IV, fin de l'Analyse; V, Essais sur la vie de Bolingbroke et sur celle d'Helvétius; les Deux Amis, conte iroquois. (E. Asse). | |