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Roscelin

Roscelin est un philosophe et théologien, né sans doute à Compiègne vers 1050. Il fut élevé et instruit dans les églises de Soissons et de Reims, enseigna à Tours et à Locmenach, et devint chanoine de Compiègne. Disciple d'un Jean, qu'on ne peut confondre ni avec Jean Scot Erigène, ni avec Jean le Sourd, il enseigne, dès 1087, la dialectique en nominaliste et il a beaucoup d'auditeurs. Vers 1092, appelé, pour son opinion sur la Trinité, devant le concile de Soissons, il est menacé de lapidation par le peuple. On lui lit une formule où il est question de « trois dieux »; il la repousse ou jure qu'il ne pense pas ainsi (abjurasse). Non condamné, mais dépouillé par des méchants, de ce qu'il possède, écarté par les évêques qui craignent de se rendre suspects au peuple, il passe en Angleterre où il s'élève contre les fils de prêtres qu'on appelle aux dignités ecclésiastiques, où il reprend son ancienne opinion sur la Trinité. Le clergé et le primat, saint Anselme, l'en font chasser. Roscelin se rend alors à Rome on il est reçu avec bienveillance et réconcilié avec l'Église. Il devient chanoine de Besançon, de Loches, de Saint-Martin de Tours. Attaqué par Abélard, son ancien disciple, comme l'avaient été Anselme de Laon et Guillaume de Champeaux, il invoque, en faveur de son orthodoxie, les témoignages des églises de Besançon, de Loches, de Tours, même de Reims et de Soissons. 

En résumé, Roscelin fut un chrétien orthodoxe pour qui la morale est chose considérable, un libre esprit, sévère pour les autres comme pour lui-même, parfois grossier, mais sachant composer, raisonner, écrire, même, avec esprit. Dialecticien puissant, il use volontiers de la démonstration indirecte; il ramène à des mots (voces) les espèces et les genres, les parties d'un tout, et il a ainsi fondé, au Moyen âige, l'une des formes du nominalisme. Théologien, il n'est pas hérétique, mais il montre peutêtre, à propos de la Trinité, qu'un raisonnement rigoureux évite difficilement le sabellianisme ou l'arianisme; il use de sa raison, mais il s'appuie sur l'Écriture ou sur les Pères. Si Abélard affirme que la dialectique de Roscelin doit aboutir à l'hérésie, il n'établit pas que Roscelin ait fait sortir sa doctrine sur la Trinité de son nominalisme. Remarquable pour l'époque où il vécut, Roscelin est un des hommes dont la postérité retient le nom, sans le comparer à Jean Scot ou à Gerbert, à saint Anselme ou à Jean de Salisbury. (F. Picavet).



En bibliothèque - Cousin, Fragments philosophiques, Philosophie du Moyen âge. - Hauréau, Singularités historiques et littéraires; Histoire de la philosophie scolastique, I. Prandtl, Geschichte der Logik im Abendland, Il. - Les textes de saint Anselme, d'Yves de Chartres, d'Abélard, la lettre de Roscelin, découverte par Schmeller en 1851, l'Historia francica, sous sa forme complète, ont été mentionnés, examinés et utilisés dans le Roscelin, philosophe et théologien, d'après la légende et d'après l'histoire; Paris, 1896,  de F. Picavet, dont on a reproduit ici les conclusions.
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