| Louis René Edouard, prince de Rohan est un cardinal, né à Paris le 26 septembre 1734, mort à Ettenheim le 17 février 1803. Elevé a collège du Plessis et au séminaire de Saint-Magloire, coadjuteur de son oncle l'évêque de Strasbourg (1760), évêque in partibus de Canope (18 mai 1760), membre de l'Académie française sans autre titre que sa naissance en 1761, c'est lui qui, en 1770, reçut et complimenta, lors de son entrée en France, la future reine de France, alors dauphine, Marie-Antoinette. Il fut nommé presque aussitôt ambassadeur extraordinaire près la cour de Vienne, éblouit tout le monde par sa magnificence, mais se fit rappeler, sur les instances de Marie-Thérèse, à cause des scandales de sa vie privée et même publique. L'abbé Georgel, son apologiste, est le seul à lui reconnaître un talent diplomatique quelconque-: c'est à son insu que se trama le partage de la Pologne : c'est après l'événement, et pour se venger de sa disgrâce, qu'il laissa circuler une lettre où il représentait Marie-Thérèse « tenant d'une main un mouchoir pour essuyer ses pleurs, et de l'autre saisissant le glaive » pour prendre sa part. Louis XVI le nomma grand aumônier (1177) et par suite directeur des Quinze-Vingts. En 1778, il est cardinal, abbé de Saint-Waast, proviseur de Sorbonne; en 1779, évêque de Strasbourg; aussi insatiable que prodigue, il lui fallut encore les abbayes de Noirmoutiers et de La Chaise-Dieu. On évaluait à 2,5 millions le total de ses revenus. Il se faisait appeler Altesse Sérénissime; le luxe du château de Saverne et du Palais-Cardinal, la continuité d'une vie de débauches, l'extraordinaire crédulité dont il faisait preuve dans ses relations avec l'aventurier Cagliostro, finirent par compromettre sa fortune. Pour la relever et pour apaiser ses créanciers, il obtint de Louis XVI Ie transfert, rue de Charenton, de l'enclos des Quinze-Vingts (lettres patentes de décembre 1779): c'était une portion du domaine royal (plus de 5000 habitants) qui obstruait le rue Saint-Honoré et les abords du Palais-Royal. La dépossession des « privilégiés » fut brutale, les droits acquis furent méprisés : les enquêtes du Parlement firent la lumière la plus complète sur les rapines et les concussions du cardinal, et quatre fois des remontrances précises furent apportées « au pied du trône ». Mais l'État partageait les bénéfices de cette spéculation, et Louis XVI répondit constamment que son grand-aumônier n'avait agi que par ses ordres. Grâce à la protection royale, Rohan ne pouvait douter de l'issue favorable de l'affaire, lorsqu'éclata le scandale du Collier. Cette fois, c'est malgré le roi, et aux applaudissements d'un public qui détestait surtout « l'Autrichienne », que le cardinal fut déchargé de toute accusation sans même un blâme du Parlement pour sa crédulité et pour la téméraire opinion qu'il s'était faite de la reine de France. Toutefois, il reçut l'ordre du roi de résider à l'avenir dans son abbaye de La Chaise-Dieu, et fut privé de le grande aumônerie. Le procès des Quinze-Vingts avait repris son cours. Le chapitre de Strasbourg accusait l'évêque de dilapidation des revenus de son diocèse. Ces plaintes furent étouffées, sans doute par politique et par crainte, de renouveler le scandale, et Rohan, soutenu par l'opinion hostile à la cour, put même regagner son siège épiscopal et se faire nommer, à l'unanimité, député du clergé aux Etats généraux pour le bailliage de Haguenau et Wissembourg. Il ne se disposa d'ailleurs à siéger que lorsque le député suppléant, l'abbé du Bourg, fut appelé par la Constituante à prendre sa place. Sur le rapport de l'abbé Gouttes, Rohan fut admis (23 juillet 1789), et vint, le 12 septembre, remercier la Constituante. Il ne siégea guère. Il revint à Strasbourg intriguer avec l'Empire d'AlIemagne en faveur des princes allemands possessionnés en Alsace, comme lui-même l'était d'ailleurs au delà du Rhin. Montmorin le dénonça, il refusa de comparaître (31 août 1790), alléguant qu'il s'occupait uniquement de payer ses dettes. La constitution civile du clergé, contre laquelle il protesta, lui donna un successeur; Brendel, comme « évêque constitutionnel. » de Strasbourg, il se joignit aux émigrés. La Constituante avait renvoyé aux tribunaux civils les contestations relatives à la vente de l'enclos des Quinze-Vingts (7 avril 1791) dont elle avait été saisie par une pétition. Jamais d'ailleurs on ne put tirer au clair, contre lui, une spéculation dont l'État s'était fait le trop complaisant collaborateur. Prince d'Empire, le cardinal put, sans encourir une mise en accusation, renier sa qualité de Français, et lever des soldats dans ses terres d'outre-Rhin, pour l'armée du prince de Condé : malgré Carnot et Rühl, le comité diplomatique de la Convention le considéra comme belligérant plutôt que comme traître. Après le traité de Lunéville et le licenciement du corps de Condé, il reçut à Ettenheim, à une vingtaine de kilomètres de Strasbourg, le duc d'Enghien, lequel vécut dans cette résidence avec Mlle de Rohan-Rochetort. C'est là qu'il mourut, treize mois avant la tragédie du fossé de Vincennes. (GE). | |