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Roberval

Gilles Persone ou Personne de Roberval est un mathématicien né à Roberval, dans le Beauvaisis, le 8 août 1602, mort à Paris le 27 octobre 1675. De parents pauvres et obscurs, il s'appelait en réalité Persone (ou Personier), mais il ajouta à ce nom celui de son village natal. 

En 1627, il vint à Paris, où il s'appliqua à l'étude des sciences exactes, et, dès cette époque, commença à se lier avec le P. Mersenne, Mydorge, Etienne Pascal et quelques autres savants. En 1618, il eut la curiosité, comme Descartes, d'aller voir les préparatifs du siège de La Rochelle. En 1631, il fut nommé professeur de philosophie au collège de maître Gervais. En 1633, il obtint, au Collège de France, une chaire de mathématiques mise tous les trois ans au concours; successivement réélu, il la conserva jusqu'à sa mort. En 1666, lors de la fondation de l'Académie des sciences, il fut désigné pour en faire partie.

Mathématicien d'une valeur indéniable et d'un réel savoir, il gâtait malheureusement ces qualités par une vanité extravagante et par une irritabilité plus excessive encore, qui l'engagèrent dans une suite ininterrompue de querelles, presque toujours mal fondées, avec la plupart des grands esprits de son temps. 

Dès 1627 ou 1628, il avait imaginé, pour la solution des problèmes difficiles, une méthode nouvelle qui contenait en germe le calcul des infiniment petits; mais il la tint jalousement secrète, et lorsqu'en 1635 Cavalieri publia sa méthode des indivisibles, analogue à la sienne, il revendiqua violemment la priorité. Roberval imagina le premier d'appliquer le mouvement à la résolution du problème des tangentes (ou « touchantes  ») des courbes. Voici en quels termes il énonce son principe : 

« Règle générale. Par les propriétés spécifiques de la ligne courbe (qui vous seront don nées), examinez les divers mouvements qu'a le point qui la décrit à l'endroit où vous voulez mener la touchante : de tous ces mouvements composés en un seul, tirez la ligne de direction du mouvement composé, vous aurez la touchante de la ligne courbe. »
Roberval : Observations sur la composition des mouvements et sur les touchantes.
Début des Observations sur la composition des mouvements
et sur le moyen de trouver les touchantes
des lignes courbes, de Roberval.

Toutefois, comme elle était inférieure à celles données par Fermat et par Descartes, il prit vivement à parti les deux illustres géomètres, Descartes, surtout, qu'il ne cessa plus de poursuivre de ses attaques. C'est lui également qui inventa les lignes courbes dites robervaliennes.  C'est lui, enfin, qui, le premier, détermina l'aire de la cycloïde, puis la mesure des volumes qu'elle engendre en tournant autour de son axe ou de sa base. A cette occasion encore, il eut de violents démêlés, cette fois avec Torricelli.

Torricelli, de fait, avait eu une idée semblable; mais Roberval a bien ici la priorité, à en juger par une de ses lettres, adressée (en 1640) à Fermat, de quatre ans antérieure à la publication des Oeuvres de Torricelli. La méthode de Roberval repose sur la doctrine du parallélogramme des forces. On sait que, si un corps est poussé par deux forces qui agissent suivant les côtés d'un angle, ce corps prendra la direction de la diagonale du parallélogramme construit sur ces côtés. Imaginons un point se mouvoir sur l'ordonnée suivant une certaine loi, pendant que cette ordonnée se mouvra parallèlement à elle-même ou circulairement, ou même d'un mouvement composé du circulaire et du parallèle, ce point décrira une courbe dont la nature dépendra du rapport de ces mouvements. La courbe décrite sera la parabole ordinaire, si, pendant que l'ordonnée se meut parallèlement à elle-même et d'un mouvement uniforme, le point décrivant s'éloigne de l'axe, de manière que les carrés de sa distance croissent uniformément en temps égaux. On peut aussi concevoir, le point décrivant s'éloigner, suivant une certaine loi, de deux ou plusieurs points à la fois, ou d'un point et d'une ligne droite. C'est ainsi que se décrivent, à l'égard de leurs foyers, l'ellipse, l'hyperbole et la parabole : dans l'ellipse, le point décrivant s'éloigne de l'un des foyers autant qu'il s'approche de l'autre; dans l'hyperbole, il s'approche ou s'éloigne également de l'un et de l'autre; dans la parabole, il s'éloigne à la fois de son foyer unique et, d'une égale quantité, d'une certaine ligne droite, nommée la directrice. 

Suivant Roberval, la tangente à une courbe n'est autre chose que la direction du mobile qui décrit cette courbe à chacun de ses points. Ce principe, presque évident, découle de cette vérité mécanique qu'un corps soumis à un mouvement curviligne, s'il était abandonné à lui-même, s'échapperait par la tangente à ce point.

Pour résoudre les problèmes que Fermat avait proposés sur la quadrature de la parabole et de l'hyperbole, Roberval out recours à la méthode des indivisibles. 

« Pour tirer des conclusions par le moyen des indivisibles, il faut, dit-il (Traité des indivisibles), supposer que toute ligne, soit droite ou courbe, se peut diviser en une infinité de parties ou petites lignes, toutes égales entre elles, ou qui suivent entre elles telle progression que l'on voudra, comme de carré à carré, de cube à cube, de carré-carré à carré-carré, ou selon quelque autre puissance. Or, d'autant que toute ligne se termine par des points, et puis, au lieu de dire que toutes les petites lignes sont à telle chose en certaine raison, on dira que tous ces points sont à telle chose en ladite raison [...]. Par tout ce discours on peut comprendre que la multitude infinie de points se prend pour une infinité de petites lignes et compose la ligne entière; l'infinité de petites lignes représente l'infinité de petites superficies qui composent la superficie totale; l'infinité de superficies représente l'infinité de petits solides qui composent ensemble le solide total. »
Il s'occupa également de physique ainsi que de mécanique, et chacun connaît la balance qui porte son nom et qu'il proposa en problème aux physiciens en 1670. Roberval travailla par ailleurs à l'étude des périodes d'oscillation des pendules.

Quant à ses incursions dans le domaine de l'astronomie, elles sont demeurées assez obscures, les persécutions toutes récentes de Galilée le portant à beaucoup de prudence. Sa contribution dans ce domaine se trouve dans son Aristarchi Samii de mundi systemate , partibus et motibus ejusdem, liber singularis. Adjectaee sunt AE. P. de Roberval, notae in eundem libellum. Ce livre, imprimé pour la première fois en 1644, a paru depuis avec des corrections, en 1647, dans le troisième volume des Observations physico-mathématiques de Mersenne. L'épître dédicatoire est de 1643.

Il est hors de doute que ce livre n'est pas d'Aristarque, les opinions sur l'attraction universelle dont il semble, à première vue, faire endosser la paternité au célèbre philosophe de Samos, sont, en réalité, les siennes propres. Roberval ne se donned'ailleurs pas beaucoup de peine pour en établir l'authenticité. Il ne dit pas même qu'il ait vu l'original grec. Lalande, dans sa Bibliographie, parle d'une traduction arabe, qui aurait servi à la version latine. Roberval ne parle que d'un manuscrit d'un style barbare et presque inintelligible; et si l'on compare cet opuscule au livre des grandeurs et des distances, qui est vraiment d'Aristarque, on ne reconnaîtra la même manière pas plus que les mêmes opinions. On ne trouve, dans l'écrit pseudonyme, aucun des passages cités par Archimède dans son Arénaire; pas la moindre réfutation des idées des astrologues, pas la moindre mention du rayon du cercle décrit par la Terre autour du Soleil, ni du rapport qui existe entre la Terre et la sphère des fixes, rapport que , selon Archimède, Aristarque aurait supposé le même qui existe entre le centre et la circonférence.

Il est donc visible que Roberval n'a pas voulu réellement nous induire en erreur, que son intention a été uniquement d'exposer, sous le nom d'un ancien, pour ne pas se compromettre, ses idées, ou plutôt ses rêveries sur le système du monde. On voit qu'il a fait son livre avec ceux de Copernic, de Képler et de Descartes. Il a pris à Képler l'idée de l'attraction universelle, qui fait que tous les astres sont de forme sphérique et s'attirent mutuellement. Il a pris à Descartes l'idée de son fluide d'inégale densité qui remplit tout l'espace, et dans lequel tous les corps se placent dans la couche dont la densité est égale à leur densité propre. Il a pris à Kepler l'idée de faire dépendre tous les mouvements des planètes en longitude du mouvement de rotation du Soleil. Enfin, il a pris à Copernic son explication des saisons et du mouvement de précession.

Dans la préface il nous dit, on ne sait d'après quelle autorité, que Cléanthe avait cité Aristarque devant l'aréopage, comme coupable de sacrilège, pour avoir imaginé de faire tourner la Terre. Jusqu'ici il ne fait guère que corriger un passage du traité de Plutarque, sur la figure de la Lune, mais il ajoute qu'Aristarque avait été absous et comblé d'éloges, et que l'accusateur n'avait recueilli que le mépris et les risées du public.

Ce qui paraît lui appartenir, c'est l'idée qui fait du Soleil un corps spongieux propre à attirer, recevoir, absorber pour la rendre et la vomir ensuite toute la chaleur disséminée dans l'espace. Cette émanation venant à frapper la Terre, dont la surface est inégale et raboteuse, y produit un mouvement de rotation qui, à l'origine, a dû être très lent, et qui, au fil du temps, est devenu très rapide. Par un effet de réaction, le Soleil recevrait lui-même ce mouvement de rotation qu'il donne à la Terre; effet que, dans une note, Roberval veut rendre sensible par l'exemple de ces fusées qu'on appelle des soleils.

Cet échantillon nous doit suffire, et l'on nous dispensera d'exposer comment il en déduit les mouvements des planètes et des comètes, ainsi que le flux et le reflux de la mer. Ce système, un peu moins extravagant que celui des tourbillons, a fait moins de bruit, peut-être pour cette raison même, ou peut-être encore parce qu'il venait trop tard. Descartes régnait alors dans les écoles et dans quelques académies, et Roberval n'était pas un antagoniste assez redoutable pour le géomètre qu'on a trop longtemps opposé à Newton.

Notons pour finir que Roberval écrivit peu, ayant toujours éprouvé quelque difficulté à s'exprimer. Après sa mort, l'abbé Gallois, son ami, rassembla ses autres productions et les publia, en 1693, dans le Recueil des mémoires de l'Académie des sciences. Elles ont pour titres : Sur la composition des mouvements; De recognitione aequationum; De geometrica planarum et cubicarum aequationurn solutione; Traité des indivisibles; De trochoide ejusque spatio. De son côté, le P. Mersenne donna, à la suite de son Traité de l'harmonie, un Traité de mécanique des poids, également dû à Roberval.(L. S. / F. Hoefer / Delambre).

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