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Alain
Robbe-Grillet
est un scénariste, réalisateur et écrivain français, né le 18 août
1922 à Brest et mort le 18 février 2008 à Caen. Il est considéré comme
une figure majeure du Nouveau Roman, un
mouvement littéraire des années 1950 et 1960 qui cherchait à renouveler
les formes narratives traditionnelles exprimant de nouvelles façons de
percevoir et de raconter le monde.
Robbe-Grillet est
né dans une famille bourgeoise. Son père était ingénieur et sa mère
professeur de mathématiques. Il fait des études d'ingénieur agronome
Ă l'Institut national agronomique Ă Paris, oĂą il obtient son diplĂ´me
en 1945. Après ses études, il a travaillé comme ingénieur agronome
en Martinique et en Guyane. Il a également participé à des travaux de
recherche en Bulgarie. Il Ă©pousera en 1957 Catherine Rstakian, qui deviendra
une figure importante de la scène artistique et une collaboratrice sur
certains de ses projets.
Déjà dè la fin
des années 1940, Robbe-Grillet se consacre à l'écriture. Son premier
roman, Les Gommes, est publié en 1953. Ce roman pose les bases
de son style caractéristique et annonce son appartenance au Nouveau Roman,
un mouvement littéraire qui rejette les conventions narratives traditionnelles.
Aux côtés d'autres auteurs comme Nathalie Sarraute,
Claude
Simon et Michel Butor, il devient rapidement une figure centrale de
ce couran, et l'un de ses principaux théoriciens. En 1958, il publie Pour
un Nouveau Roman, un recueil d'essais où il expose ses idées sur
la littérature et la narration.
• Les
Gommes (1953), premier roman d'Alain Robbe-Grillet, se présente comme
une parodie du roman policier. L'intrigue tourne autour de l'enquête menée
par l'inspecteur Wallas sur le meurtre supposé d'un certain Daniel Dupont.
Cependant, au fur et Ă mesure que l'histoire progresse, il devient clair
que les événements ne sont pas ce qu'ils semblent être. Le roman travaille
sur la notion de temps cyclique et met en évidence l'absurdité de la
quête de la vérité absolue. Le titre fait référence aux gommes
que Wallas utilise constamment, symbolisant l'effacement et la reconstruction
continuels des faits et des souvenirs.
• Pour un Nouveau
Roman (1963) est une réflexion théorique sur la littérature et l'évolution
du roman. Robbe-Grillet, en tant que figure clé du Nouveau Roman, prône
un renouvellement radical des formes narratives et s'oppose aux conventions
traditionnelles du roman réaliste. Il plaide pour une approche littéraire
fondée sur l'objectivité et la description minutieuse des détails sensoriels,
s'Ă©loignant ainsi de la psychologie des personnages et de la narration
linéaire.
Pendant cette période,
il
publie aussi plusieurs romans importants, dont Le Voyeur (1955),
La Jalousie (1957) et Dans le labyrinthe (1959). Dans ces
oeuvres, les intrigues sont souvent non linéaires, fragmentées et subjectives.
Les descriptions précises et répétitives des objets, des lieux et des
actions sont omniprésentes. Les récits remettent en question la distinction
entre réalité et illusion, vérité et fiction. Les personnages sont
souvent en quête de sens dans un monde déconcertant et ambigu.
• Le
Voyeur (1955) raconte l'histoire de Mathias, un représentant de commerce
en montres, qui retourne sur une île où il a grandi. Le roman est centré
sur ses obsessions et ses fantasmes, notamment son voyeurisme et son désir
de dominer les autres. Le récit devient particulièrement troublant lorsqu'une
jeune fille est retrouvée morte, et le lecteur est invité à se demander
si Mathias est le coupable. Robbe-Grillet joue avec les perceptions du
lecteur, brouillant les frontières entre réalité et imagination, culpabilité
et innocence
• La Jalousie
(1957) est peut-être l'oeuvre la plus célèbre de Robbe-Grillet.
Le roman, un exemple classique du Nouveau Roman, est écrit à la troisième
personne et adopte le point de vue d'un mari jaloux qui observe les interactions
entre sa femme (connue simplement comme « A... ») et leur voisin Franck.
L'intrigue est minimaliste, se concentrant sur les observations minutieuses
et répétitives des gestes et des conversations banales. La jalousie du
narrateur est reflétée dans son regard obsessionnel et son analyse détaillée
de chaque mouvement et parole. Le style clinique et détaché de la narration
fait ressortir l'angoisse intérieure et la paranoïa du narrateur sans
jamais entrer directement dans ses pensées ou émotions.
• Dans le labyrinthe
(1959) est un roman qui se déroule dans une ville européenne non
spécifiée pendant une période de guerre. Le récit suit un soldat anonyme
qui erre dans les rues désertes de la ville, portant une lettre qu'il
doit remettre à un homme mourant. Le roman est caractérisé par une structure
fragmentée et une narration qui mêle le présent et les souvenirs du
soldat. Les descriptions détaillées des objets et des lieux, ainsi que
l'ambiguïté temporelle, créent une atmosphère de désorientation et
de confusion, Ă©voquant le sentiment de perte et d'errance du protagoniste.
Le labyrinthe du titre symbolise à la fois la ville et l'esprit torturé
du soldat.
Au début des années
1960, Robbe-Grillet commence une carrière cinématophique. Il écrit le
scénario du film L'Année dernière à Marienbad (1961),
réalisé par Alain Resnais. Le film, salué pour son style visuel unique
et son récit énigmatique, remporte le Lion d'or à la Mostra de Venise.
• L'Année
dernière à Marienbad (1961), d'Alain Resnais et écrit (scénario
et dialogues) par Alain Robbe-Grillet, est un film Ă©nigmatique qui se
déroule dans un somptueux hôtel baroque. L'histoire, ou plutôt l'absence
d'une histoire claire, se concentre sur un homme (X) (Giorgio Albertazzi)
qui tente de convaincre une femme (A) (Delphine Seyrig) qu'ils se
sont rencontrés l'année précédente à Marienbad et ont eu une liaison.
La femme, cependant, ne se souvient pas de lui. Le film joue avec le temps,
la mémoire et la réalité, utilisant des répétitions et des variations
de scènes pour créer une atmosphère de rêve et de mystère. La narration
non linéaire et les dialogues répétitifs soulignent l'ambiguïté de
la mémoire et de l'expérience subjective.
Robbe-Grillet passe
ensuite à la réalisation avec L'Immortelle (1963), suivi de films
tels que Trans-Europ-Express (1966), L'Homme qui ment (1968),
et Glissements progressifs du plaisir (1974). Autant de films
qui se signalent par leur exploration des thèmes de la mémoire, de la
perception et du désir, ainsi que par leur structure narrative non conventionnelle.
Ces films utilisent des structures narratives fragmentées et répétitives.
Les frontières entre la réalité, le rêve et la fiction sont constamment
brouillées. Les films se caractérisent par une attention minutieuse aux
détails visuels et une atmosphère souvent surréaliste. Les personnages
sont souvent motivés par des désirs irrationnels et des obsessions, créant
une tension psychologique constante.
• L'Immortelle
(1963), premier film réalisé par Robbe-Grillet lui-même, se déroule
à Istanbul et raconte l'histoire d'un homme (joué par Jacques Doniol-Valcroze)
obsédé par une femme mystérieuse (Françoise Brion) qu'il rencontre
dans la ville. La femme disparaît soudainement, et l'homme entreprend
une quĂŞte pour la retrouver, une recherche qui le conduit Ă des rencontres
étranges et à des situations énigmatiques. Le film aborde des thèmes
de désir, de possession et de mystère, utilisant des techniques de montage
non conventionnelles et des répétitions de scènes pour créer une atmosphère
onirique et surréaliste.
• Trans-Europ-Express
(1966) est un film métanarratif qui mêle plusieurs niveaux de réalité.
Il commence avec Robbe-Grillet lui-même, jouant le rôle d'un réalisateur
et discutant d'une idée de scénario avec deux collaborateurs dans un
train. Le scénario en question concerne un trafiquant de drogue nommé
Elias, interprété par Jean-Louis Trintignant. À mesure que le film avance,
les frontières entre le film imaginé et la réalité deviennent
floues, avec des scènes se répétant et se modifiant au fur et à mesure
des discussions. Ce jeu sur la structure narrative et la mise en abyme
questionne la nature de la fiction et de la réalité.
• Glissements
progressifs du plaisir (1974) est un film provocateur et Ă©rotique
autour des thèmes de la culpabilité, du désir et de la manipulation.
Le film suit une jeune femme, Alice (Anicée Alvina), accusée du meurtre
de sa colocataire. Tout au long de l'enquête, la réalité et la fiction
se mélangent, avec des séquences répétitives et des jeux de miroirs
qui soulignent l'instabilité de la vérité et de l'identité. Le film
utilise une esthétique baroque et des motifs symboliques pour créer une
atmosphère hallucinatoire et dérangeante.
Il n'abandonne pas pour
autant le roman, et l'on notera encore les titres suivants, qui encore
continuent d'expérimenter des structures narratives innovantes, au travers
de thèmes de manipulation et de perception.:
• La
Maison de rendez-vous (1965) se déroule dans une ville exotique et
fictive d'Extrême-Orient. Le roman tourne autour d'une série d'événements
mystérieux et interconnectés qui prennent place dans une maison de rendez-vous
oĂą se mĂŞlent le crime, l'Ă©rotisme et l'espionnage. La narration est
délibérément fragmentée et non linéaire, reflétant les récits entremêlés
des personnages. L'oeuvre joue avec les thèmes de l'illusion et de la
réalité, créant une atmosphère onirique et surréaliste. Les personnages
et les événements semblent se transformer et se reconfigurer, reflétant
les thèmes de la manipulation et de la mise en scène.
• Projet pour
une révolution à New York (1970) est un roman qui combine des éléments
de fiction et de théorie politique. L'intrigue se déroule à New York
et met en scène un groupe de conspirateurs anarchistes planifiant une
révolution. La narration est complexe et multi-strates, intégrant des
descriptions détaillées, des digressions théoriques et des réflexions
sur la nature de la révolution et du pouvoir. Le roman reflète les préoccupations
politiques et sociales de l'époque, tout en maintenant l'expérimentation
stylistique caractéristique de Robbe-Grillet.
Ajoutons qu'Alain Robbe-Grillet
a été directeur littéraire aux Éditions de Minuit, où il a contribué
Ă la publication et Ă la promotion des oeuvres des auteurs du Nouveau
Roman. Il été à l'Académie française en 2004. Son élection
a été marquée par des controverses en raison de son style et de ses
opinions littéraires. Il est mort quatre ans plus tard, à l'âge de 85
ans. |
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