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Nicolas-Edme Restif
ou Rétif [dit de la Bretonne] est un écrivain
français né à Sacy, près d'Auxerre,
le 22 novembre 1734, mort à Paris le 3 février 1806. Fils
de cultivateurs, il mena paître les troupeaux pendant son enfance.
De santé très délicate il fut destiné à
l'Église. Un de ses frères, Thomas, était précepteur
chez les jansénistes de Bicêtre. Le jeune Nicolas fut placé
auprès de lui et commença à apprendre le latin. Après
l'expulsion des jansénistes, il fut recueilli par un autre de ses
frères, curé de Courgis, qui le renvoya après une
aventure assez scabreuse avec sa gouvernante. Restif fut mis en apprentissage
dans une imprimerie d'Auxerre; puis il vint à Paris où il
entra chez l'imprimeur André Knapen. Il débuta dans les lettres
par des romans ou il introduisait les épisodes plus ou moins arrangées
de son existence fort aventureuse. Par exemple, il s'était marié,
avait été trompé et contait son cas dans la Femme
infidèle (1786, 4 vol. in-12) et le plus célèbre
de ses écrits Monsieur Nicolas ou le Coeur humain dévoilé
(1796-97, 16 vol. in-12) n'est que le journal de sa vie.
Il connut l'extrême misère,
eut des aventures galantes nombreuses et des intrigues comme celles qui
sont contées dans Faublas, fit plusieurs mariages des plus
singuliers et qui semblent avoir été des spéculations
qui tournèrent d'ailleurs très mal. Il continuait à
travailler, par intervalles, tantôt à l'imprimerie royale
sous Anisson-Duperron, tantôt comme prote
de Guillau. Quand la célébrité lui vint, elle le grisa
tout à fait. Il se croyait l'égal de Rousseau,
son maître, et supérieur à Voltaire.
Il stupéfia Sieyès par ses théories philosophiques;
il prétendit dépasser Newton et
offrit ses conseils à Mirabeau. Tout
de même il avait des protecteurs, Mercier,
Carnot, Mme de Beauharnais
: leur assistance lui permit de passer les plus mauvaises années
de la Révolution, lorsque l'avilissement des assignats l'eut complètement
ruiné, et leur protection lui procura une petite place dans l'administration
qu'il garda jusqu'à sa mort. Restif a publié plus de 200
volumes. Il écrivait avec une facilité déplorable
dont il était orgueilleux.
Admirateur passionné de Rousseau,
il en avait pris - comme on l'a dit fort justement - tout le mauvais, sans
en garder le bon. Mais la critique a été trop sévère
pour ses ouvrages, et sans doute son jugement a écarté les
lecteurs d'un auteur original, dont le nom est presque tombé dans
l'oubli. Si déclamatoires, si fades, si remplis de sentimentalisme
écoeurant que soient ses écrits, si lâché que
soit son style, et si fâcheusement porté qu'il soit pour les
anecdotes scandaleuses et les descriptions scabreuses, Restif a fait preuve
d'un naturalisme vrai, sincère qui tranche sur les déclamations
à la mode et sur la facticité des sentiments, l'insupportable
hypocrisie des écrivains de la fin du XVIIIe
siècle, de Rousseau tout le premier. D'autre
part, on trouve chez lui les détails les plus curieux sur certaines
classes de la société, au début de la Révolution
française.
Citons de lui : le Pied de Fanchette
ou le Soulier couleur de rose (Paris, 1768, 3 vol. in-12); le Pornographe
ou Idées d'un honnête homme sur un projet de règlement
pour les prostituées (Londres, 1769, in-8) qui eut un succès
européen et inspira à Joseph II d'Autriche les règlements
sur la prostitution qu'il appliqua dans ses États; Lettres d'une
fille à son père (1772, 5 vol. in-12); la Femme dans
les trois états de fille, d'épouse et de mère
(1773, 3 vol. in-12); le Ménage parisien (1773, 2 vol. in-12);
le Paysan perverti ou les Dangers de la ville (1776, 14 vol. in-12);
et la Paysanne pervertie (1779, 4 vol. in-12), les plus célèbres
de ses romans et où il donne libre carrière à ses
visées de réformateur et à des tendances de moraliste
qui sont chez lui assez bizarres; la Vie de mon père (1788,
2 vol. in-12); la Découverte australe ou les Antipodes (1781,
4 vol. in-12), oeuvre curieuse, à la manière de Swift
(Le Voyage
de Gulliver à Laputa); les Contemporaines ou Aventures
des plus jolies femmes de l'âge présent (1780 et suiv.,
42 vol. in-12), immense recueil d'historiettes amoureuses où l'auteur
ne craignit pas d'insérer, toutes vives, les complaisances que des
femmes connues avaient eues pour lui; les Nuits de Paris ou le Spectateur
nocturne (1788-91, 15 vol. in-12); les Provinciales ou Histoire
des filles et femmes des provinces de France (1797,12 vol. in-12);
le Drame de la vie (1793, 5 vol. in-8); la Philosophie de M. Nicolas
(1796, 3 vol. in-12); l'Andrographe, le Gynographe et le Thesmographe
(1790, 5 vol. in-8); Histoire des campagnes de Marie (1811, 3 vol.
in-12); Ingénue Saxancourt (1785, 3 vol. in-8); le Quadragénaire
(1797, 2 vol. in-12), Tableau des moeurs d'un siècle philosophe
(1787, 2 vol. in-12); les Veillées du Marais (1786, 4 vol.
in-12), etc., sans compter un certain nombre de pièces de théâtre
qui n'ont jamais été jouées sur une scène sérieuse.
(R. S.).
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En
librairie - Oeuvres de Restif de
la Bretonne, Robert Laffont (Bouquins), 2002, 2 vol. : I -
Le Pied de Fanchette - Le paysan perverti - Les contemporaines du commun,
II - La Vie de mon père - La Femme de laboureur - La femme
infidèle - Ingénue Saxancour - L'épouse d'homme veuf,
La dernière aventure d'un homme de quarante-cinq ans - La fille
de mon hôtesse. - Le pornographe ou La prostitution
réformée, Mille et une nuits, 2003. - Les Nuits de
Paris, Gallimard, 1986. - Le curé patriote, Le Castor
astral, 1991. - Sara, Stock, 1984.
Maurice
Blanchot, Sade et Restif de la Bretonne, Complexe, 2002. Daniel
Baruch, Nicolas Edme Restif de la Bretonne, Fayard, 1996. - Claude
Klein, Restif de la Bretonne et ses doubles, Presses universitaires
de strasbourg, 1995. |
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