| Samuel de Pufendorf est un juriste et historien né près de Chemnitz, en Saxe, le 8 janvier 1632, mort à Berlin le 26 octobre 1694. Il était fils d'un pasteur qui le fit étudier à l'école de Grimma, puis aux Universités de Leipzig et d'Iéna. C'est à Iéna que Pufendorf subit l'influence du jurisconsulte Weigel qui décida de sa vocation. Il était précepteur du fils du ministre de Suède à Copenhague, quand, à la suite de la rupture des deux royaumes scandinaves, il fut retenu prisonnier pendant huit mois. C'est pendant les loisirs forcés de cette captivité il étudia à fond Grotius, Hobbes et Cumberland et écrivit, sous cette influence combinée à celle de Descartes, les Eléments de Jurisprudence universelle sous forme d'axiomes, de théorèmes et de corollaires. Le succès de cet ouvrage fut tel que l'électeur palatin, Charles-Louis, créa pour l'offrir à Pufendorf une chaire de droit naturel et de droit des gens à l'Université de Heidelberg. De cet enseignement sortit un second ouvrage sur l'Etat de l'Empire germanique, publié à Paris en 1667, sous le pseudonyme de Severino Monzambano de Vérone. Pufendorf y critiquait vivement la formation de l'Empire germanique, assemblage bizarre, disait-il, de princes, de prélats, de souverains plus ou moins légitimes. Cet ouvrage causa scandale à Vienne où il fut mis à l'index. Aussi l'auteur crut-il prudent, malgré l'anonymat de son livre, d'accepter la chaire de droit naturel que lui offrait le roi de Suède Charles XI à l'Université de Lund. C'est là qu'il publia son principal ouvrage, le Traité du droit de la nature et des gens. Violemment attaqué par le professeur Beckmann et le pasteur Schwarz de Lund, Pufendorf fut heureusement défendu par le roi de Suède qui bientôt l'appela à Stockholm avec le titre de secrétaire d'État pour y écrire l'histoire de son règne. La réputation de l'historien ne tarda pas à égaler celle du juriste, et l'électeur de Brandebourg s'attacha à son tour Pufendorf comme historiographe (1686) et lui conféra une pension de deux mille écus. Pufendorf exerçait encore cette fonction quand il mourut à l'âge de soixante-deux ans. Voici la liste de ses principaux ouvrages : I. Droit. - Elementa jurisprud. universalis methodo mathematica (La Haye, 1660); De jure naturae et gentium (Lund, 1672, in-4; réédité avec un commentaire par G. Mascovius (Leipzig, 1744, 2 vol. in-4); traduction française par Barbeyrac (Amsterdam, 1720-40, 3 vol. in-4; 2e éd., 1754, 2 vol. in-4); De officio hominis ac civis, abrégé de l'ouvrage précédent (Lund, 1673, in-8, souvent réédité, notamment à Londres, 1735 et 1758), etc. II. Politique. - Severini Monzambani Veronensis de statu Imperii gerrnenici (Paris, 1660; traduction française, Amsterdam, 1669, in-12); Dissertatio de faederibus inter Sueciam et Galliam (La Haye, 1708, in-8; trad. franç., ibid., 1709), etc. III. Histoire. - Commentaris de rebus suecicis ab expeditione Gustavi-Adolphi usque ad abdicat. Christinae (Utrecht, 1686, in-fol.); De rebus gestis Caroli Gustavi Sueciae regis (Nuremberg, 1695, 2 vol-in-fol.); De rebus gestis Frederici III electoris postea regis commenter. libri III (Berlin, 1784); Einleitung zur Gesch. der europ. Staaten (Francfort, 1682,. in-8; traduit en français par Rouxel, 1710, 4 vol. in-12, et par La Martinière sous le titre d'Introduction à l'hist. génér, et polit. de l'Univers; Paris, 1753 et suiv., 8 vol. in-4), etc. Les oeuvres historiques de Pufendorf, écrites dans un style pesant et incolore, n'ont guère dû leur réputation qu'à la vanité des princes qui y trouvaient célébrée la gloire de leur maison. Quant à sa théorie du droit, elle n'a plus aujourd'hui qu'an intérêt historique. Il faut voir en Pufendorf un continuateur de Grotius et de Hobbes., Comme Grotius, il estime que la législation doit être absolument séparée de la théologie et ne doit reposer que sur un fondement rationnel; avec Hobbes, il admet qu'il n'y a point de justice antérieure aux institutions. La "sociabilité" est le principe naturel des droits et des devoirs. Mais au lieu de voir dans les liens sociaux un fait d'expérience constaté par l'histoire universelle, il aperçoit dans les rapports des hommes entre eux une réalité métaphysique. Ce sont les idées de ces rapports qu'il appelle entia moralia (êtres moraux). Ces êtres out été créés par Dieu afin d'introduire l'ordre et l'harmonie dans la vie humaine. Famille, paternité, obligations civiques sont autant d'êtres moraux, dont l'ensemble constitue ce que Pufendorf appelle l' «état de nature». De ces entités métaphysiques la raison peut descendre par voie de déduction aux applications particulières. En effet, les «êtres moraux» trouvent leurs interprètes dans des êtres réels, substantiels, dans des individus ou groupes d'individus humains qui prennent ainsi la qualification de personnes morales. C'est ainsi que le droit est une qualité morale par laquelle on a légitimement quelque autorité sur les personnes. En somme, Pufendorf n'a été qu'un heureux vulgarisateur de la théorie du droit naturel de Grotius, qu'il a seulement compliquée d'un fâcheux galimatias qui lui a valu les critiques très acerbes de Leibniz. (Th. Ruyssen). | |