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Philippe II d'Orléans

Philippe II, duc d'Orléans, régent, né à Saint-Cloud le 2 août 1674, mort à Versailles le 2 décembre 1723, était le fils de Philippe de France, duc d'Orléans (1640-1701) et d'Élisabeth-Charlotte, princesse de Bavière. Il porta le titre de duc de Chartres jusqu'à la mort de son père. Il eut pour gouverneurs des hommes du plus haut mérite, les maréchaux de Navailles, d'Estrades, le duc de La Vieuxille (1683-1689), surtout le marquis d'Arcy (1689-1694), enfin Saint-Laurent, qui eut le tort de s'adjoindre l'abbé Dubois

A dix-sept ans, il fit ses premières armes au siège de Mons (15 mars 9 avril 1691), et son mariage (18 février 1692) avec Mlle de Blois, fille de Louis XIV et de Mme de Montespan, auquel il consentit par faiblesse, et à la grande colère de sa mère - elle le soufleta, dit-on - sembla d'abord lui rendre le roi très favorable. Pendant quatre ans, il fait brillamment campagne : il commande sous Luxembourg la cavalerie française à Steinkerque (3 août 1692), à Neerwinde (29 juillet 1693); en 1695, sous Villeroy qui ne put empêcher Namur de capituler. Les nouvelles défiances de Louis XIV à son égard le jetèrent dans des égarements de conduite qui arrêtèrent encore sa fortune. Cependant à la mort de son père (9 juin 1701), le roi parut lui rendre toutes ses faveurs. En 1706, il est mis à la tête de l'armée d'Italie, mais on lui adjoint les maréchaux de La Feuillade et de Marsin, dont les mauvaises dispositions lui font perdre la bataille de Turin (7 septembre), où il reçut deux graves blessures qui le forcèrent à quitter l'armée. 

En 1707, envoyé en Espagne, s'il arrive trop tard pour combattre avec Berwick à Almanza (25 avril), il sait tirer parti de cette victoire, envahit les royaumes de Valence et d'Aragon, où il s'empare de Xativa (26 mai) et d'Alcaraz, pénètre en Catalogne et emporte Lérida (13 octobre).

Dans la campagne suivante, avec d'Asfeld sous lui, il prend Denia, Alicante (12 novembre 1708), Tortosa. C'est au milieu de ces succès qu'il est rappelé en France, sous le soupçon, qui paraît justifié, d'avoir ourdi des intrigues avec le général anglais pour se substituer à Philippe V comme roi d'Espagne. Cette politique fit tradition chez ses descendants, car en 1810 Louis-Philippe la suivit aussi en Espagne. Le bruit courut qu'on allait lui faire son procès, mais le roi prit soin de le démentir, et s'il n'employa plus le duc d'Orléans à la guerre, il consentit en 1710 au mariage de la fille de celui-ci avec son petit-fils, le duc de Berry (6 juillet 1710) : il est vrai qu'auparavant il avait exigé que le duc renvoyât sa maîtresse, Mme d'Argentan, et se rapprochât de la duchesse. Mais les morts soudaines du duc et de la duchesse de Bourgogne (février 1712), du duc de Berry (4 mai 1714), sa passion pour la chimie qu'il étudiait avec Hombert, firent courir sur lui des bruits sinistres, que plus tard sa conduite à l'égard de Louis XV devait hautement démentir. 

En novembre 1712, pour faciliter la paix, il avait renoncé à ses droits éventuels à la couronne d'Espagne, comme Philippe V avait renoncé aux siens sur la couronne de France. La mort du roi (1er septembre 1715) ouvrait une régence; le duc d'Orléans y était appelé, mais un testament de Louis XIV lui enlevait la garde du roi et limitait sa puissance. Le 2 septembre, il se rendit au Parlement qui, gagné, sauf le premier président, de Mesmes, par ses promesses, cassa le testament et lui conféra la plénitude du pouvoir. Le 12, un lit de justice confirma cet arrêt. Ce n'était pas l'intelligence qui manquait au régent, c'était la moralité et la justesse des idées. En gouvernement, en finances, il ne tarda pas à s'éprendre d'idées chimériques, et presque toutes ses réformes avortèrent.

Le 15, il rendit le droit de remontrances au Parlement, qui en usa bientôt contre lui et qu'il fit exiler (21 juillet 1720). Le même jour, à la place des ministères, il créa six conseils : de conscience, des affaires étrangères, de la guerre, de la marine, des finances, du dedans, et bientôt un septième, du commerce (14 décembre); mais dès 1748 (18 octobre), il fut obligé d'en revenir au régime des sous-secrétaires d'Etat. Une chambre de justice fut établie contre les financiers (1er mars 1716), mais on la supprima brusquement le 20 mars de l'année suivante, et l'on réhabilita ses victimes.
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Philippe d'Orléans.
Philippe d'Orléans. Buste (copie d'une oeuvre de Lemoyne),
dans la crypte de la basilique Saint-Denis. . © Photo : Serge. Jodra.

Les princes légitimés, contre lesquels les ducs et pairs étaient exaspérés, se virent enlever le droit de succession à la couronne ainsi que leur qualité de princes du sang (8 juillet 1717), mais cela ne fit que jeter le duc du Maine et sa femme dans des intrigues avec le roi Philippe V, dont le régent s'était fait un ennemi en concluant, en vue de la sécurité de son pouvoir plus encore qu'en considération de la France intéressée à entretenir de bons rapports avec l'Espagne, une triple alliance avec l'Angleterre et la Hollande (14 janvier 1717). Ce changement de front dans la politique extérieure était l'oeuvre surtout de l'abbé Dubois, et a été beaucoup louée; elle pourrait être tout autant critiquée, car elle aboutit à un commencement de guerre avec l'Espagne, retarda de cinquante ans le Pacte de famille, arrêtant le développement de toute la politique de Louis XIV. 

Le maréchal de Noailles, président du conseil des finances, aurait voulu combler le déficit par de sages économies et le développement graduel du commerce et de l'industrie, le régent préféra les idées aventureuses de Law appelé dès le 25 octobre 1715. Le 2 mai 1716, il lui accorde le privilège d'une banque générale, au capital de 6 millions, et le chancelier d'Aguesseau, qui lui est hostile, est exilé (28 janvier 1748); le 4 décembre 1718, elle est déclarée banque royale, et le 24 février 1720 réunie à la Compagnie des Indes nouvellement créée par la fusion, en mai 1719, de la Compagnie des Indes occidentales et de la Compagnie d'Occident. Dans les questions religieuses, il se montra d'abord favorable aux adversaires de la bulle Unigenitus qui, le 5 mars 1717, avaient renouvelé leur appel au futur concile, mais il dut bientôt imposer la loi du silence sur ces matières (7 octobre), même enfin il laissa enregistrer la bulle par le grand Conseil et par le Parlement ensuite (23 septembre, 4 décembre 1720).

Peu après la visite du tsar à Paris (avril-juin 1717), il avait signé un traité d'alliance avec la Russie et le Prusse (4 août 1717), et, l'année suivante, une quadruple alliance avec l'Angleterre, la Hollande, et l'Empire venait d'être signée (2 août 1718), lorsque fut découverte la conspiration de Cellamare (9 décembre), ce qui amena l'emprisonnement du duc et de la duchesse du Maine (29 décembre) et la déclaration de guerre à l'Espagne au commencement de 1719. L'énergie de Berwick qui franchit les Pyrénées, prit Saint-Sébastien et Urgel; la répression vigoureuse d'une révolte en Bretagne, décidèrent bientôt Philippe V à accepter une suspension d'armes (septembre) et à accéder même à la quadruple alliance (17 février 1720).

Ce fut le côté glorieux de le régence du duc d'Orléans, ternie malheureusement par les excès d'abord de l'agiotage, la réduction des rentes de 5 à 2% (17 avril), le sacre de Dubois comme archevêque de Cambrai et les débauches publiques de ce prince. Le rappel de d'Aguesseau (17 juillet), l'exil du Parlement (21 juillet), ne purent prévenir la chute du système. Menacé par l'émeute, Law prit la fuite; le régent rappela alors le Parlement (14-16 décembre). Un traité d'alliance et de mariage entre le jeune roi et une princesse espagnole (27 mai 1721), un autre avec l'Angleterre, l'arrivée de la jeune infante (2 mars 1722), rendirent le régent un instant populaire.

Le 22 août, la nomination de Dubois comme premier ministre fut un singulier prologue au sacre da roi qui eut lieu le 25. Le régent semblait vouloir se retirer de la vie politique, lorsque la mort du cardinal Dubois (10 août 1723) l'y rappela; mais ce ne fut que pour quelques mois ; il avait accepté le titre et les fonctions de premier ministre lorsqu'il fut frappé d'apoplexie dans un entretien avec Mme de Parabère. Il avait quarante-neuf ans. 

Il eut de son mariage un fils, qui vécut, et sept filles, dites Mlle de Chartres (1695-1719), mariée au duc de Berry; Mlle d'Orléans (1698-1743), abbesse de Chelles; Mlle de Valois (1700-1761), femme du duc de Modène; Mlle de Montpensier (1709-1742), mariée au prince des Asturies, plus tard Ferdinand VI, roi d'Espagne; Mlle de Beaujolais (1714-1734); Mlle de Chartres (1716-1736), femme du prince de Conti. Il eut aussi plusieurs enfants naturels : Charles de Saint-Albin (1698-1764), abbé d'Orléans, archevêque de Cambrai. fils de la danseuse Florence; Jean-Philippe, chevalier d'Orléans (1702-1748), fils de la comtesse d'Argenton; Angélique de Froissy (1702-1785), fille de la tragédienne Desmares, et femme du comte de Ségur. (E. Asse).

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Dictionnaire biographique
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