| Philibert De L'Orme ou Delorme est un architecte du XVIe siècle, un des plus grands maîtres en l'art de bâtir. La tradition, d'accord avec l'histoire, en a fait un type original et populaire. Bien qu'aujourd'hui presque entièrement détruit, son oeuvre reste vivant dans l'imagination, par les grands souvenirs historiques qui s'y rattachent. Aucune vie d'artiste ne fut plus active, ni plus féconde. Doué d'un tempérament vigoureux, d'un caractère énergique et d'une âme hautaine, Philibert de L'Orme se fit-le champion ardent du gallicanisme artistique, contre le panitalianisme en faveur à la cour de France. Il arbora, comme un symbole patriotique, son titre de « Lyonnais », tenant pour impérieux devoir d'affirmer hautement sa nationalité et de se faire gloire de sa province. Dans ses écrits, il trouve des accents d'une éloquence farouche, d'une ironie superbe, en même temps que du chauvinisme le plus étroit, lorsqu'il attaque furieusement ceux qui préfèrent aux oeuvres françaises les importations des autres pays. Dans ses travaux d'architecture, sur ses chantiers, aux Tuileries, à Anet, à Saint-Denis, il n'admit pour collaborateurs que des maîtres de province. - Philibert Delorme. Philibert de L'Orme naquit à Lyon, vers 1510, d'un vieux maître d'oeuvres, Jehan de L'Orme, qui lui fit apprendre son métier. Lorsque le jeune architecte fut en état de voyager, sa famille l'envoya en Italie, pour y étudier les éléments de l'art antique. Il y fit un long séjour et acquit rapidement assez de science et de pratique pour obtenir du pape Paul III une charge dans une église. Le cardinal du Bellay le ramena à Lyon, où il resta plusieurs années, exécutant des travaux pour les particuliers. Son protecteur l'appela ensuite à Paris pour lui confier la construction du château de Saint-Maur. Cette protection lui valut la faveur royale. Le 3 février 1545, François ler nommait Philibert de L'Orme « maistre architecte et conducteur général des bastiments et édifices, ouvraiges et fortifications » en Bretagne. Le jeune architecte dont cette mission mit le talent en relief, ne tarda pas à être nommé conseiller du roi, à recevoir de nombreuses abbayes qui lui valurent le titre d'aumônier. En 1548, Henri II lui donnait la charge d'inspecteur des bâtiments royaux de Fontainebleau, Saint-Germain, etc. A la mort de ce roi, et Diane de Poitiers éloignée de la cour, Philibert de L'Orme tomba en complète disgrâce. Catherine de Médicis ne lui pardonnait pas Anet et la protection de la favorite. Le 22 juillet 1559, des lettres patentes lui enlevaient sa charge officielle, qui fut donnée à son mortel ennemi, au chef de la coterie ultramontaine de Fontainebleau, le Primatice. Le grand architecte mourut le 8 janvier 1570, à Paris, dans sa maison du cloître de Notre-Dame; il laissait deux enfants naturels, un garçon et une fille. L'oeuvre d'architecture de Philibert de L'Orme est considérable. La construction du château d'Anet pour Diane de Poitiers y occupe la première place. Le maître consacra à Anet le meilleur de son génie et de longues années d'études et de travaux. Jacques Androuet du Cerceau en a conservé les plans dans ses Plus Excellons Bastimens de France. Il ne reste plus aujourd'hui du château que la chapelle et l'aile gauche; malheureusement, les modifications nombreuses qu'à diverses époques on a fait subir à ces vestiges en ont altéré profondément la physionomie primitive. Du Cerceau nous a également transmis un plan du projet grandiose que Philibert de L'Orme avait imaginé pour les Tuileries et dont Catherine de Médicis poursuivit ardemment la réalisation, avec l'ambition d'en faire un palais incomparable. La construction devait former un immense rectangle, avec une grande cour centrale carrée et quatre petites cours latérales, séparées par un bâtiment elliptique; les grands côtés de l'édifice étaient perpendiculaires à la Seine. L'illustre architecte ne put qu'élever une partie de la façade sur les jardins, façade de la plus belle ordonnance et d'une grâce majestueuse, que bouleversèrent complètement Levau et d'Orbay, quand Louis XIV leur ordonna de terminer le palais. Après Anet et les Tuileries, le travail le plus important de Philibert de L'Orme fut le château de Saint-Maur-les-Fossés, dont il reçut la commande du cardinal du Bellay. Ce château a été détruit avant la Révolution. Le tombeau de François Ier, à Saint-Denis, est la seule création de Philibert de L'Orme, qui nous soit parvenue dans un état complet de conservation; les historiens sont unanimes à le considérer comme une des productions les plus parfaites de l'art français. Les « Comptes des bastiments du roy » ne permettent plus aujourd'hui de contestations sur l'attribution de ce chef-d'oeuvre. Plusieurs auteurs ont donné à Philibert de L'Orme la chapelle des Valois, dans la même abbaye. Palustre, l'auteur de la Renaissance en France, soutenait, au contraire, qu'elle est de Pierre Lescot. Philibert de L'Orme a collaboré à Saint-Germain-en-Laye et à Fontainebleau. A Chenonceau, il fit le pont et la galerie; à Vincennes, les voûtes et le couronnement de la chapelle du château. L'illustre architecte exécuta des travaux importants au château de Limours, près de Rambouillet; à Saint-Léger, dans la forêt de Montfort-l'Amaury; au château de la Muette, près de Saint-Germain; au château de Madrid, dans la bois de Boulogne; à Villers-Cotterets. - | | La galerie due à Philibert Delorme, à Chenonceau. A droite, l'intérieur du premier niveau. | © Photos : Serge Jodra, 2013 - 2014. A Paris, il bâtit l'hôtel du banquier Patoillet, rue de la Savaterie; une maison, rue de la Cerisaie; les écuries des Tournelles, avec « l'arsenal et magasin de l'artillerie ». Il avait, en outre, donné les dessins du château de Valençay, de la principale façade du château d'Uzès, du château de Meudon; rebâti Saint-Eloi de Noyon et refait la voûte et la façade de la chapelle de Compiègne, du côté de la ville. On lui attribue également, mais sans preuves, la clôture extérieure de l'église de Nogent-sur-Seine, la façade de Saint Nizier à Lyon et la chapelle des Orfèvres, rue des Orfèvres, à Paris; il entreprit, sans l'achever, la construction de l'Hôtel-Dieu de Saint-Jacques-du-haut-Pas. Philibert de L'Orme a écrit deux ouvrages didactiques sur l'architecture. Le premier en date (1561, in-fol.), dédié à Charles IX, a pour titre : Nouvelles Inventions pour bien bastir et a petitz fraiz. Dans ce volume, l'auteur annonçait que ce n'était là qu'une petite partie d'un « grandissime et excellentissime corps d'architecture ». Le premier tome de cet ouvrage paraissait, en 1567, sous ce titre : Le premier tome de l'Architecture de Philibert de L'Orme. Le volume est dédié à Catherine de Médicis. Si les grandes constructions de Philibert de L'Orme ont disparu, si nous ne pouvons en avoir le souvenir que par des plans obscurs ou par des débris et des vestiges mutilés, la mémoire de l'illustre architecte est restée intacte. Il est une des plus grandes figures de la Renaissance. Son frère, Jean de l'Orme, qui figure dans les « Comptes des bastiments du roy », fut employé par lui aux Tuileries. (Marius Vachon). | |