Sur la mort d'un moineau Ce poème est un Souvenir de Catulle : In morte passeris Lesbiae : Lugete o Veneres cupidinesque, etc « Demandez vous, Amis, d'où viennent taut de larmes Que me voyez rouler sur ces funebres carmes [ = vers (carmina)]? Mon Passereau est mort, qui fut si bien appris Hélas, c'est faict de luy, une Chate l'a pris. Je ne le verray plus en sautelant me suivre Or [ = maintenant], le jour me desplaist; or, je suis las de vivre. Plus donc je ne l'orray chanter son pilleri [onomatopée du chant du moineau]? Et n'ai-je pas raison d'en estre bien marri? Il estoit passé maistre à croquer une mousche Il n'estoit point gourmand, cholere ny farouche, Si on ne l'attaquoif pour sa queüe outrager Lors il pinçoit les doigts, ardent à se vanger. Adonc vous l'eussiez veu crouller [ = agiter vivement] la rouge creste Attachee au sommet de sa petite teste, Tel que l'on veit Hector, mur [ = rempart] de ses citoyens, Dedans les Grecques naufs [ = nefs, navires] lancer les feux Troyens. Toutesfois une Chate, espiant ceste proye, D'un sault, à gueule bée [ = geule ouverte. Cf bégueule], engloutit notre joye. Le pauvret pour certain [ = certainement] fut pris en trahison, Autrement de la Chate il eut eu sa raison [8]. Le pasteur Phrygien [ = le troyen Pâris] ainsi vainquit Achille, Et le vain Genevois [**] la vaillante Camille. Ainsi le grand cheval, que Pallas charpenta [***] Contre le vieil Priam des soldats enfanta. Toy [il s'adresse à la chatte] qui en as le coeur enflé de vaine gloire; Bien peu te durera l'honneur de ta victoire. Si quelque sentiment reste apres le trespas Aux espris des oiseaux qui trebuschent [ = qui tombent, descendent] là-bas, L'ame de mon mignon se sentira vengee Sur le sang ennemy de la Chate enragee. Je ne rencontreray ny Chate ny Chaton Que je n'envoye apres miauler chez Pluton. Vous qui volez par l'air entendant les nouvelles De ceste digne mort tournez icy vos aelles; Venez, piteux [ = tristes] oiseaux, accompagner mes pleurs; Portons à son idole [ = image] une moisson de fleurs. Qu'il reçoive de nous une agreable offrande De vin doux et de laict, d'encens et de viande : Puis engravons [ = gravons] ces mots sur son vuide tombeau PASSANT, le petit corps d'un gentil Passereau Gist au ventre goulu d'une Chate inhumaine, Aux champs Elysiens son Ombre se proumeine [ = promène]. » - (Élégies, liv. I, 11 ; Recueil des oeuvres poétiques de Jean Passerat; Paris, 1606, p. 63.). Notes : * On dit encore avoir raison de quelqu'un. Cf. Corneille : Mourir sans tirer ma raison. (Cid, I, 7.). ** Le vain Genois (Genevois, ancienne forme de genois, de l'italien genovese). Traduction littérale des paroles que Camille adresse au fils d'Aunus : Vane Ligus " Ligurien trompeur " (Virgile, Enéide, XI, 715). Gênes est situé dans l'ancienne Ligurie. - Remarquons que Passerat confond ici le fils d'Aunus qui a voulu tromper Camille et a été victime de sa ruse avec l'Etrusque Arans qui la tua par surprise. - *** Le cheval de Troie, construit par l'ordre de Pallas |