| Evariste-Désiré de Forges, chevalier et ensuite vicomte de Parny, est un poète français, né en 1753, mort en 1814. Parny a vu le jour sous le ciel des tropiques, à l'île Bourbon (île de la Réunion); mais, de très bonne heure, il fut envoyé en France; il fit ses études au collège de Rennes et revint au pays natal où il séjourna seulement deux années, de 1773 à 1775. C'est là que se déclara son goût passionné pour la poésie; il composa des élégies amoureuses, inspirées par un sentiment vrai, par un amour profond pour une jeune fille que son père ne lui laissa pas épouser et qui devint la femme d'un autre. Publiées peu de temps après le retour de Parny en France, ces Poésies érotiques furent très goûtées; on y admira la grâce voluptueuse, le négligé coquet, la mélancolie aimable, et, plus que tout le reste, une aisance, une facilité à manier le vers vraiment extraordinaires. Voltaire appela Parny son cher Tibulle, et les contemporains souscrivirent au jugement du vieux maître. Avant et après les Poésies érotiques, le jeune poète publia successivement un Voyage de Bourgogne, imité de Chapelle et Bachaumont (Le Voyage), et fait en collaboration avec son ami Antoine Bertin (1777), une Epître aux insurgents de Boston (1777), des Opuscules poétiques (1779). Il s'adonnait au plaisir dans sa belle résidence de Feuillancout, près de Saint-Germain-en-Laye, et ne faisait des vers qu'à ses moments perdus, surtout après 1786, quand il donna sa démission d'officier à la suite d'une compagnie aux Indes. La Révolution ne lui inspira ni enthousiasme ni crainte, et il vécut paisiblement jusqu'au jour où le discrédit des assignats le ruina et le contraignit à solliciter un emploi dans l'administration. C'est alors qu'il composa un ouvrage très différent de ceux qu'il avait publiés jusqu'alors, mi poème où le cynisme et l'impiété se donnent libre carrière, la Guerre des dieux (1799). Parny fut élu à l'Académie française en 1803 et continua à composer des oeuvres d'une nature très particulière, entre autres le Paradis perdu (1805), où il « traitait gaiment, dit Marie-Joseph Chénier, un sujet délicat et singulier que Milton avait osé traiter d'une autre manière ». L'auteur de ces poèmes n'en reçut pas moins de Napoléon, en 1813, une pension de 3000 F, et J. Chénier « écartant avec respect des questions épineuses qui dépassent la littérature », se crut obligé « de reconnaître en M. de Parny l'un des talents les plus purs, les plus brillants et les plus flexibles dont puisse aujourd'hui s'honorer la poésie française ». - Sur la mort d'une jeune fille d'Evariste de Parny « Son âge échappait à l'enfance; Riante comme l'innocence, Elle avait les traits de l'amour. Quelques mois, quelques jours encore, Dans ce coeur pur et sans détour, Le sentiment allait éclore. Mais le ciel avait au trépas Condamné ses jeunes appas. Au ciel elle a rendu la vie Et doucement s'est endormie Sans murmurer contre ses lois. Ainsi le sourire s'efface; Ainsi meurt, sans laisser de trace, Le chant d'un oiseau dans les bois. » (Parny). | La gloire de Parny est loin d'être de nos jours ce qu'elle était alors; ses élégies elles-mêmes semblent avoir beaucoup perdu de leur valeur. Ce poète si admiré de ses contemporains semble destiné à ne plus figurer qu'à l'état fragmentaire dans les anthologies. Et pourtant il lui fut donné d'exercer une influence considérable sur les hommes de son temps. Chateaubriand commença par se mettre à son école, et avant de publier les Méditations, Lamartine passa dix ans de sa vie à composer des vers à la Parny; lui-même a déclaré qu'il en avait jeté au feu tout un volume. Béranger, enfin, s'est beaucoup inspiré du poète dont il a chanté la mort, et ses imitations ne lui ont pas toujours porté bonheur. L'apparition de la poésie romantique en 1820 a nui plus que toute autre chose à la gloire de Parny, parce qu'alors le lyrisme véritable a succédé au lyrisme de cabinet, dont le poète des Poésies érotiques était peut-être le plus célèbre représentant. (A. Gazier). | |