| Pacte de famille est le nom authentique du traité conclu à Paris, le 15 août 1761, entre le roi de France Louis XV et le roi d'Espagne Charles III, comme appartenant l'un et l'autre à la maison de Bourbon. Le préambule fait allusion aux « liens du sang qui unissent les deux monarques, » aux « devoirs qui sont une suite naturelle de leur parenté, » à leur intention « de perpétuer dans leur postérité les sentiments de Louis XIV de glorieuse mémoire, leur commun auguste bisaïeul ». L'article 21 dit formellement : « Le présent traité devant être regardé comme un pacte de famille entre toutes les branches de l'auguste maison de Bourbon, nulle autre puissance que celles qui seront de cette maison ne pourrait être invitée ni admise à y accéder. » L'article 27, concernant les préséances, dit que les discussions à ce propos « étaient naturelles quand les deux couronnes appartenaient à deux princes de deux différentes maisons; mais actuellement, et pour tout le temps pendant lequel la Providence a déterminé de maintenir sur les deux trônes des souverains de la même maison, il n'est pas convenable qu'il subsiste entre eux une occasion continuelle d'altercation et de mécontentement. » En conséquence, sauf dans les cours de famille comme étaient alors celles de Naples et de Parme (l'une avant pour roi le fils, l'autre pour duc le frère de Charles III) et dans lesquelles la préséance était naturellement affectée au ministre du monarque chef de la maison, « dans toutes les autres cours, le ministre soit de France ou d'Espagne qui sera arrivé le dernier ou dont la résidence sera plus récente cédera le pas au ministre de l'autre couronne et de même caractère qui sera arrivé le premier ou dont la résidence sera plus ancienne ». Abolition du droit d'aubaine en France à l'égard des Espagnols, en Espagne à l'égard des Français, égalité réciproque de traitement pour l'importation, l'exportation des marchandises, les droits et prérogatives des pavillons, communication obligatoire de toutes les alliances ou négociations à venir, telles sont les clauses qui marquent le caractère général et familial du traité. Mais c'était avant tout, dans la pensée des deux négociateurs, le comte de Choiseul et le marquis de Grimaldi, la préface d'une alliance offensive et défensive contre l'Angleterre. Par l'article 1, les deux rois regarderont « à l'avenir comme leurs ennemis toute puissance qui le deviendra de l'une ou de l'autre couronne ». Par l'article 2, elles se garantissent mutuellement leurs possessions « suivant l'état actuel où elles seront au premier moment où l'une et l'autre couronne se trouveront en paix avec toutes les autres puissances ». Mais les articles 5 à 18 précisent les conditions des secours réciproques. Le premier secours sera de douze vaisseaux de ligne et de six frégates armées à la disposition de la cour requérante. Le second secours, en troupes, sera de 18,000 hommes d'infanterie et de 6000 de cavalerie si la France est requise; de 10,000 d'infanterie et de 2000 de cavalerie, si c'est l'Espagne. Ces secours ne seront qu'un minimum. Si les deux puissances ont les mêmes ennemis déclarés, elles feront la guerre et la paix en commun, et les avantages de l'une, si le cas se présente, seront compensées avec les pertes de l'autre. La garantie de leurs Etats était également assurée (article 3) à l'infant don Philippe, duc de Parme, et au roi des Deux-Siciles. Le roi d'Espagne s'engageait même (article 7) à les défendre de toutes ses forces. Il répondait (article 19) de l'acceptation du traité par son fils le roi des Deux-Siciles, C'est pourquoi, d'avance, l'article 20 pouvait être ainsi conçu : « L.L.L. M.M.M. T. C. et C. et Sicilienne s'engagent non seulement à concourir au maintien et à la splendeur de leurs royaumes dans l'état où ils se trouvent actuellement, mais encore à soutenir sur tous les objets sans exception la dignité et les droits de leur maison, de sorte que chaque prince qui aura l'honneur d'être issu du même sang pourrait être assuré en toute occasion de la protection et de l'assistance des trois couronnes. » Rien dans la teneur publique du traité ne s'appliquait à la guerre qui avait alors lieu entre la France et l'Autriche d'une part, la Prusse et l'Angleterre de l'autre (guerre de Sept ans). Mais une convention secrète signée le même jour obligeait l'Espagne à déclarer la guerre à l'Angleterre ennemie de la France, le 1er mai 1762, si à cette date la paix n'était pas conclue. Cette déclaration de guerre eut lieu effectivement; mais l'Espagne y perdit la Floride, et (en vertu de l'article 18 du pacte de famille) Louis XV lui céda en compensation la Louisiane (traité de Paris). Sous Louis XVI, le pacte de famille eut de plus utiles conséquences. Il assura à la France l'alliance de l'Espagne contre l'Angleterre en faveur des Etats-Unis d'Amérique, et elle recouvra la Louisiane. Pendant la Révolution, l'Espagne invoqua le pacte de famille, sinon pour défendre la tête de Louis XVI, du moins pour venger sa mort; mais elle fut une des premières à traiter avec la République (1795). L'intervention de Louis XVIII pour Ferdinand VII contre les Cortès espagnoles, en 1823, eut encore lieu au nom de ce même pacte, qui n'a peut-être pas été sans influence sur les sentiments réciproques d'amitié et d'estime des deux nations au nom desquelles il avait été contracté. (H. Monin). | |