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Le Nyâya |
Nyâya est le nom d'un des six systèmes ou Darsanas de la La philosophie indienne, et celui dont l'étude forme la meilleure introduction à celle des cinq autres, à cause de l'importance qu'il donne à la logique : aussi a-t-on pu l'appeler « la colonne vertébrale de la philosophie indienne ». Il a des rapports particulièrement étroits avec le système Vaiçéshika : on peut dire d'une façon; générale que ce dernier complète par ses vues métaphysiques la dialectique du Nyâya, mais, en fait, aucun des deux systèmes ne s'interdit les digressions qui lui semblent utiles à son objet, à savoir, comme pour tous les Darçanas, l'obtention du salut par la science. Les sûtras de Gotama sont la base de l'étude du Nyâya, comme ceux de Kanâda, le « mangeur d'atomes », le sont du Vaiçéshika : on ignore la date exacte de la composition de ces sûtras qui devaient résumer un long développement spéculatif plus ancien, mais nous ne voyons aucune raison pour ne pas les croire antérieurs, comme on l'admet quelquefois, de trois à quatre siècles à notre ère. Disons toutefois que le commentateur le plus ancien dont l'ouvrage ait été conservé, Vàtsyâyana, dut vivre vers la fin du Ve siècle ap. J.-C.: Udyotakàra le suivit de près. A partir du Xe siècle, nous trouvons une suite ininterrompue d'écrivains Naiyâyikas : citons notamment Çridhara, auteur de la Nyâya-Kandalî (Xe siècle) et Vachaspati, qui commenta Udyotakâra et fut à son tour commenté par Udayana, l'auteur de la Kiranâvali ( XIIe siècle). A la fin du XIVe siècle, Gangeça écrivait la Tattva-Cintâmani et fondait l'école dite nouvelle du Nyâya qui fleurit encore aujourd'hui dans les « tols » ou collèges de Nadia (anc. Navadvipa) au Bengale et d'où sortit au XVIe siècle le grand réformateur bengali Chaitanva. Ce fut une période de subtilités et de distinctions scolastiques amoncelées à plaisir et même de polémiques entre sectateurs du Nyâya et du Vaiçéshika. Elle amena, par une réaction naturelle, la confection au XVIIe siècle de manuels extrêmement simplifiés et combinant tant bien que mal les deux systèmes : le plus célèbre de ces manuels est le Tarkasangraha ou Résumé des notions philosophiques, ouvrage du pandit Annambhatta et qui est resté le livre classique élémentaire. C'est de ce petit traité que nous nous servons pour donner un aperçu sommaire des deux systèmes Nyâya et Vaiçéshika. | ||
Les
catégories
Tout ce qui existe se répartit sous sept chefs principaux ou catégories (padârtha) qui sont: 1° la substance (dravya); 2° la qualité (guna); 3° l'activité (karma); 4° la généralité (sâmânya); 5° la spécificité (viçesha); 6° la coexistence (samavâya) et 7° l'inexistence (abhâva). Nous les examinerons tour à tour. I. Substances.
II. Qualités.
Théorie
de la cause.
1° la cause coessentielle (ou, comme nous dirions, matérielle), qui ne peut être qu'une substance;Par exemple, dans la production d'une étoffe, les fils sont la cause coessentielle, le contact des fils est la cause non-coessentielle, le métier et la navette sont la cause instrumentale. Théorie
de la connaissance.
La connaissance vraie (pramâ) est de quatre sortes la perception (pratyaksha), la déduction par syllogisme (anumiti), l'induction par analogie (upamiti) et la parole (çabda). Analysons-les tour à tour. a. La perception est une connaissance primitive, non dérivée d'une connaissance antérieure. Elle est de deux sortes : 1° indéterminée, quand elle n'a pas de prédicat (attribut), comme quand on dit : «-voilà, quelque chose »;b. La déduction suppose : 1° la connaissance acquise par expérience, d'une concomitance invariable (vyâpti) entre une raison (hetu ou linga = moyen terme) et ce dont il faut démontrer l'existence (sâdhya = petit terme). Ex. partout où il y a de la fumée, il y a du feu; 2° la considération (parâmarça) que le sujet (paksha = le grand terme) possède justement le moyen terme, lequel entraîne l'existence du petit terme; ex. : sur cette montagne il y a de la fumée, laquelle implique du feu. En fait, cette « considération » contient le raisonnement tout entier et c'est en ce sens qu'on peut dire qu'elle est la déduction même et la cause de la connaissance déduite, à savoir, dans ce cas particulier : donc sur cette montagne il y a du feu. Mais il faut distinguer deux cas, selon que l'on fait le raisonnement pour soi-même ou pour le bénéfice d'autrui : dans le premier cas, la démarche de la pensée est à peu près celle que nous venons d'esquisser : mais le syllogisme didactique procède autrement et comporte cinq membres : 1° la proposition (il y a du feu sur la montagne); 2° la raison (car il y a de la fimée); 3° l'exemple (partout où il y a de la fumée, il y a du feu; comme par exemple dans une cuisine); 4° l'application (il en est de même pour cette montagne); 5° la conclusion (donc il en est ainsi). Les raisons (ou moyens termes) sont de trois sortes; à leur tour les fautes de syllogisme sont de six espèces, qui elles-mêmes comportent plusieurs subdivisions, etc. Il serait trop long d'entrer ici dans tous ces détails.c. L'induction par analogie est proprement le fait de mettre un nom sur un objet. L'opération est ainsi décrite : quelqu'un qui ne sait pas ce que c'est qu'un rhinocéros a entendu dire à un chasseur que c'était un animal de la taille d'un petit éléphant avec une corne sur le nez : cette description lui est restée dans la mémoire, et un jour, dans la forêt, apercevant un animal qui y correspond, il commit : « c'est là ce qu'on appelle un rhinocéros »; cette connaissance est une upamiti. d. La parole est la sentence d'une personne digne de foi; une personne digne de foi est celle qui dit la vérité; une sentence est une collection de mots; un mot, c'est un son articulé qui a un sens; le rapport des mots et de leur sens respectif est d'institution divine. Pour qu'une sentence soit compréhensible, il faut que les mots qui la composent soient : 1° subordonnés l'un à l'autre; 2° compatibles entre eux et 3° énoncés à intervalles rapprochés. Il y a deux sortes de parole : la sacrée ou védique et la mondaine ou profane; la première fait toute autorité; pour la seconde, cela dépend de celui qui l'énonce.Telles sont les quatre espèces de connaissance vraie. De son côté, la connaissance fausse est de trois sortes : 1° le doute, comme quand on dit : « c'est un tronc d'arbre ou un homme »; 2° la méprise, comme quand on prend de la nacre pour de l'argent; 3° l'absurdité logique, comme quand on dit : « voilà de la fumée sans feu, » proposition qui peut être immédiatement « réduite à l'absurde ».
IV. Généralité.
V. Spécificité.
VI. Coexistence.
VII. Inexistence.
Tel est, d'après Annambhatta, le résumé ou plutôt le squelette de cette philosophie : il y manque, il va de soi, dans les limites qui nous sont imposées ici, sans parler de plus d'une théorie importante, comme par exemple celle de la définition, toute la richesse des détails, tous les raffinements des commentaires, toute la saveur particulière des discussions d'école, c.-à-d. tout ce qui en fait la vie, la substance et l'intérêt. (A. Foucher). |
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