| Nicolas Ier, troisième fils de Paul Ier, né en 1796, succéda en 1825, comme tsar de Russie, à son frère aîné Alexandre Ier, à la place de son frère Constantin, qui avait renoncé au trône. Il joignait une volonté inflexible et un coeur impitoyable à la taille gigantesque d'un dominateur. La politique russe, léguée par Pierre Ier à ses successeurs, n'a jamais été mieux représentée que par ce souverain ambitieux et habite, dont le caractère était un mélange de force et de ruse. Invariablement fidèle à l'idée qu'il avait adoptée pour programme de son règne, il tendit con stamment à réaliser l'unité religieuse et sociale de tous le Slaves, réunie sous le sceptre des tsars, pour imposer la dictature de la Russie à l'Europe. "Il aurait voulu posséder la jouissance de tous les avantages de la civilisation européenne, sans renoncer en rien aux énormités de son pouvoir asiatique", a dit le prince P. Dolgoroukov, dans un ouvrage remarquable, la Vérité sur la Russie. Il inaugura son règne par la répression énergique d'une formidable insurrection militaire. Il fit à la Perse une guerre que le traité de Tourkmantchaï termina en 1828, et qui ajouta à l'empire russe la majeure partie de l'Arménie; il favorisa l'affranchissement de la Grèce, pour affaiblir la Turquie, dont la France et l'Angleterre l'aidèrent à détruire la flotte à Navarin, en 1827. Afin de contraindre la Porte à exécuter le traité qu'il lui avait imposé à Akerman en 1826, il envahit les principautés danubiennes en 1828, passa les Balkans, et dicta à la Turquie la paix humiliante d'Edirne en 1829. Il se prononça fortement contre la révolution qui opéra un changement de dynastie en France en 1830, et se posa en protecteur de l'ordre monarchique ébranlé en Europe. Il profita de la victoire remportée par ses troupes, en 1831, sur les Polonais révoltés contre son autorité, pour les dépouiller de leur nationalité, et fut pendant tout son règne le persécuteur de leur foi catholique. Nicolas Ier envoya en 1833 au secours de Constantinopte, menacé par les armes du pacha d'Egypte, une flotte qui ne se retira qu'après avoir obtenu de la Porte le traité d'Unkiar-Skélessi, qui la plaçait sous la suzeraineté de la Russie. Il trouva cependant chez les Circassiens une invincible résistance à son plan de domination universelle. Il incorpora en 1839 à l'Eglise schismatique, dont il était le chef, environ 2 millions et demi de catholiques du rit grec ruthène, trompés par leurs évêques, dont il avait acheté la prévarication. Il obligea ainsi le pape Grégoire XVI de dévoiler, par une allocution, en 1842, ses moyens de séduction, sa fourberie héréditaire (agita fraus) pour attirer dans le schisme ses sujets catholiques. Après avoir promis à ce même pontife, dans une entrevue qu'il eut avec lui à Rome, en 1845, de changer de conduite envers l'Eglise catholique, il promulgua en 1846 un code pénal de persécution religieuse. Il laissa sans exécution un concordat conclu avec le Saint-siège en 1847. Le tsar prit, comme adversaire de la révolution française et presque européenne de 1848, une attitude qui accrut sa prépondérance sur la Prusse et sur l'Autriche. Il prêta son appui militaire à cette dernière puissance pour vaincre l'insurrection de la Hongrie en 1849. Sûr de la Prusse, comptant que la reconnaissance empêcherait l'Autriche de le contrarier, et croyant la France, où l'empire venait d'être rétabli, incapable de s'opposer à ses entreprises, il proposa à l'Angleterre de s'entendre avec lui pour le partage de la Turquie, qui, disait-il, menaçait. ruine. Après avoir fait droit en partie, en 1852, aux réclamations de la France en faveur des religieux catholiques dans les lieux-saints, dont cette puissance est la protectrice reconnue par des capitulations, la Porte ottomane avait assuré à tous les chrétiens de son empire les garanties demandées pour eux par la Russie. La question soulevée à l'occasion des lieux-saints n'en servit pas moins de prétexte au tsar, en 1853, pour tenter d'obtenir du sultan le protectorat de tous les sujets de la Turquie professant le schisme grec. Démasquant alors ses desseins, il lança son armée vers Constantinople. Mais les Turcs l'arrêtèrent devant Silistrie, et l'alliance par laquelle la France et l'Angleterre s'unirent contre lui fut suivie en 1854 de la défaite de ses troupes à l'Alma et à lnkermann, et de la prise de Bomarsund par une expédi tion anglo-française. La vigueur avec laquelle se poursuivait le siège de Sébastopol, lorsqu'il mourut; en 1855, a dû achever de le convaincre qu'en précipitant sa marche vers le but qu'il avait cru atteindre, il avait détruit le prestige de la grande puissance de la Russie. | |