| Nicolas Fernandez de Moratin est un poète et auteur dramatique espagnol né à Madrid le 20 juillet 1737, mort à Madrid le 14 mai 1780. Il appartenait à la vieille noblesse de Biscaye et reçut une éducation soignée. Disciple littéraire d'Ignacio de Luzan, il prit une part active au mouvement qui avait pour but la réforme, dans le sens classique franco-italien, du théâtre et de la poésie espagnols. Il était secondé en cela par la cour et par quelques personnages de la haute aristocratie, non moins que par son enseignement comme professeur de poétique au collège impérial et par un cercle littéraire qu'il avait fondé et qui réunissait les hommes de lettres les plus distingués de la capitale. Sa première tentative à cet égard, dans le domaine du théâtre, fut la Petimetra ( = la Coquette), comedia nueva, composée sur les modèles français, mais coulée, au point de vue de la forme, dans le moule de la vieille école dramatique espagnole (Madrid, 1762). Ce singulier compromis ne satisfit personne, de même que l'effort analogue pour la tragédie, dans sa Lucrecia (1763), malgré les beautés de la versification. Ni l'une ni l'autre n'eurent les honneurs de la scène. En même temps que sa première oeuvre dramatique, Moratin publia, sous le titre de Desengaño al teatro espanol, trois articles de critique contre le vieux théâtre national. Il obtint plus de succès avec ses poésies légères, réunies dans le volume El Poeta (1764) et avec son poème didactique la Diana, o arte de la caza (1765). Il réussit enfin à faire représenter, en 1770, sa tragédie Hormesinda, fondée sur les exploits de Pélage et composée sur les modèles des pièces de Corneille et de Racine. Sa troisième tragédie, qui a pour héros Guzman et Bueno, guerrier célèbre et ancêtre du duc de Medina Sidonia, protecteur dévoué de Moratin, marque le point culminant de la puissance poétique de l'auteur (1770). Car il fut surtout poète, élégant, correct et harmonieux. Son « chant épique » à la gloire de Cortez brûlant ses vaisseaux (Las Naves de Cortès destruidas, canto épico, oeuvre posthume, publiée par son fils en 1785) est regardé comme le plus beau poème de ce genre dont la littérature espagnole du XVIIIe siècle puisse s'enorgueillir (L'Espagne au XVIIIe siècle). Ses Obras postumas (Barcelone, 1821, pet. in-4; Londres, 1825, petit in-8) sont précédées d'une touchante biographie de l'auteur par son fils. Ses principales oeuvres sont comprises dans le t. Il de la Biblioteca Rivadeneyra (1846), et le poème sur Cortez figure au t. XXIX (1854) de la même collection. (G. P-I). | |
| Leandro Fernandez de Moratin est un célèbre poète dramatique né à Madrid le 10 mars 1760, mort à Paris le 21 juin 1828. Fils du précédent, il lui dut presque toute son éducation littéraire et morale. Dès l'âge de sept ans, il composa ses premiers vers. Jeune homme, il eut à un moment l'idée de se faire peintre, puis il entra dans l'atelier d'orfèvrerie de son oncle paternel. En 1779, il prit part, sous un nom supposé, au concours de poésie ouvert par l'Académie espagnole et dont le sujet était la Prise de Grenade. L'accessit fut décerné à son poème héroïque, et il l'emporta encore au concours de 1782 avec sa Leccion poética, satire contre les abus qui s'étaient introduits dans la poésie castillane. Grâce à la recommandation du poète Jovellanos, il fut emmené, en qualité de secrétaire, par le comte de Cabarrus, chargé d'une mission auprès de la cour de Versailles. A Paris, où il passa l'année 1787, il entra en relations suivies avec le poète Goldoni, réformateur du théâtre italien. Déjà en 1786, il avait écrit sa première comédie, El Viejo y la Niña, qu'il ne réussit à faire représenter qu'en 1790. Il la publia sous le pseudonyme d'Inarco Celenio, dont il se servit pendant longtemps. L'année précédente, il avait fait paraître, sous le voile de l'anonymat, la Derrota de los pedantes, pamphlet en prose, dirigé contre les mauvais poètes et auteurs dramatiques qui inondaient alors l'Espagne de leurs productions ridicules. Une ode sur l'avènement de Charles IV valut à Moratin, par la protection du grand ministre, comte de Florida-Blanca, une rente ecclésiastique de 300 ducats, qui fut plus tard portée à 3900 ducats, grâce au ministre Godoy. Mis ainsi à l'abri du besoin, il put se vouer entièrement à la réforme du théâtre national. Sa seconde comédis, en prose, la Comedia nueva (1792), une nouvelle satire du mauvais goût d'alors, est une merveille d'esprit. Ensuite il voulut voyager et visita la France, l'Angleterre, l'Allemagne et l'Italie. Rentré dans son pays en 1796, il fut pourvu d'un poste avantageux. En 1798, il publia sa traduction, en prose, de l'Hamlet de Shakespeare, tentative peu heureuse. Ce n'est qu'en 1803 qu'il aborda de nouveau le théâtre avec sa comédie en vers, El Baron, qui fut suivie de la Mojigata ou la Fausse Dévote, en vers (1804) et du Si de las niñas, en prose (1806). Cette dernière pièce est considérée comme son chef-d'oeuvre et marque l'apogée de sa gloire. En butte à la jalousie, écoeuré de basses intrigues, il prit sa carrière en dégoût et resta muet pendant longtemps. L'invasion française lui ayant paru devoir régénérer l'Espagne, il s'y rallia et devint premier bibliothécaire du roi Joseph, qu'il suivit jusqu'au triomphe de la cause nationale. Il ne donna plus à la scène aucune oeuvre originale et se borna à faire représenter, en 1812, sa traduction de l'École des maris de Molière, et, en 1814, El Médico a palos, imitation du Médecin malgré lui. Après avoir longtemps résidé à Barcelone, il se rendit à Bordeaux, puis à Paris, où il languit pendant quatorze mois. Sa dépouille mortelle ne fut transportée en Espagne que par décret de la reine Isabelle II du 15 juillet 1853. Les dernières années de sa vie avaient été consacrées à son grand travail sur les Origenes del teatro español (jusqu'à Lope de Vega), ouvrage qui fut édité par l'Académie de l'histoire avec ses autres oeuvres (Obras; Madrid, 1830-31, 4 t. en 6 vol. in-8). Disciple ingénieux de Molière, Moratin est le père de la comédie moderne en Espagne, sans avoir été un génie dramatique. Ses oeuvres sont réimprimées à la suite de celles de son père dans la Biblioteca Rivadeneyra. Ses cinq comédies originales ont été traduites en français par E. Hollander (Paris, 1855, in-8). (G. P-i). | |