| George Monk (ou Monck), premier duc d'Albemarle, est un général anglais, né à Potheridge, près de Torrington (Devonshire), le 6 décembre 1608, mort le 3 janvier 1670. A dix-sept ans, il s'engagea, comme volontaire, dans l'expédition de Cadix, afin d'échapper aux poursuites qu'il eût encourues pour avoir bâtonné un sous-shérif, auteur de l'arrestation de son père. Il passa ensuite au service de la Hollande, participa au siège de Bréda (1637) et démissionna à la suite d'une querelle avec la municipalité de Dort. Il revenait en Angleterre au début de la rébellion de l'Ecosse. Bon officier, ayant fait ses preuves en Hollande, qui était alors la meilleure école de guerre, il fut nommé lieutenant-colonel. La campagne fut courte. Monk, avec le grade de colonel, combattit brillamment en Irlande (1642). Très populaire dans l'armée, adoré des soldats placés sous ses ordres, il était devenu une puissance : royalistes et parlementaires rivalisaient d'instances pour le gagner. Monk hésitait, louvoyait. Mécontent de ses tergiversations, le roi l'envoya à la Tour de Londres sous l'inculpation de haute trahison. Au bout de deux ans d'emprisonnement, Monk se déclarait pour le Parlement (1646). Il fut employé en Irlande avec le grade de major général. Il y débuta par des succès. Mais ses troupes, mal ou pas payées, passèrent tout d'un coup du côté du roi. Sous l'inspiration de d'Oliver Cromwell, il fit alors alliance avec les bandes catholiques d'Owen O'Neil qu'il venait de combattre. Encore cette palinodie qui souleva contre lui les fureurs de la populace de Londres ne put-elle l'empêcher d'aboutir à la capitulation de Dundalk (1649). Monk fut mandé devant le Parlement pour y entendre la désagréable lecture d'une motion désapprouvant formellement ses compromissions avec O'Neil. Cromwell qui estimait fort les talents militaires et administratifs de Monk et qui savait, par ailleurs, que ce général n'était pas de taille à lui disputer la première place, fit son possible pour adoucir les rigueurs d'un tel blâme. II l'emmena avec lui en Ecosse (1650), le nomma lieutenant général, après la victoire de Dunbar, et lui confia le commandement général lors de son départ à la poursuite du roi Charles. Monk réussit dans l'oeuvre de soumission et de pacification du pays; il gouverna l'Ecosse en dictateur; les Highlands même se soumirent. Il fut mis ensuite à la tête de la flotte anglaise et livra aux Hollandais, commandés par Tromp, trois grandes batailles navales qui mirent fin à la guerre. Cromwell, devenu protecteur, sur ces entrefaites, eut encore recours à Monk pour réprimer la nouvelle rébellion d'Ecosse (1654). Monk s'acquitta de cette lourde tâche avec ses talents ordinaires. Administrateur habile, il rétablit l'ordre dans la justice, réprima dans l'armée des complots sans cesse renaissants et finit par se créer une situation si prépondérante et si indépendante que Cromwell en prit ombrage, mais sans oser manifester trop haut son mécontentement. Aussi, dès la mort du protecteur, les royalistes considéraient-ils Monk comme un instrument indispensable au rétablissement de la royauté. Ils redoublèrent d'avances. Monk, toujours prudent, ne se hâta pas d'y répondre. Il attendit que la faiblesse de Richard Cromwell et les divisions de l'armée eussent lassé la nation jusqu'au dégoût. Lorsque Lambert (John) eut chassé le Parlement de Westminster, Monk se décida enfin à marcher vers l'Angleterre. Il convoqua à Edimbourg un Parlement-Convention et, après une rapide avance sur Coldstream, entra sans difficulté à Londres le 3 septembre 1639, aux cris répétés de : Un parlement libre! Un parlement libre!. Les troupes de Lambert s'étaient comme fondues à son approche. Alors commence une oeuvre assez ténébreuse de négociations, Monk traite avec les royalistes tout en feignant le plus grand dévouement au Parlement. Sans bruit, il disperse les soldats partisans de la « bonne cause » sur tous les points du territoire, de manière à rendre impossible leur concentration rapide et à annihiler par avance le seul obstacle qui pût être opposé à ses vues secrètes. Puis il obtient de l'assemblée la restauration du roi, sans conditions. Le 25 mai 1660, il allait à la rencontre de Charles II. débarqué à Douvres. Le roi l'embrassa avec effusion et fit avec lui dans Londres une entrée triomphale. Ce qui restait de l'armée mit bas les armes. Monk reçut d'amples récompenses : le titre de duc d'AIbemarle, les fonctions de conseiller privé, de gouverneur de Devon et Middlesex, d'autres encore, des pensions considérables. Il jouit d'abord d'une influence prépondérante, nomma des secrétaires d'Etat, distribua des titres et des faveurs. Mais il eut peu d'action sur la politique intérieure et extérieure; très strict dans l'accomplissement de ses devoirs de capitaine général, il maintenait l'ordre à Londres et il témoigna d'un grand courage pendant la peste de 1665 qui fit cent mille victimes. Cela le fit aimer. Vint la guerre avec la Hollande. Monk prit la mer avec le prince Rupert les succès qu'ils remportèrent furent chèrement achetés. Rappelé à Londres par la nouvelle du grand incendie de 1666, il dépensa toute son énergie à rétablir l'ordre gravement troublé. Mais le Trésor était vide, la flotte dispersée ou hors d'état de, servir et il ne put empêcher que les Hollandais ne poussassent une pointe audacieuse jusque dans la Tamise. Dès lors son rôle est terminé. Il est bien nommé premier lord de la Trésorerie (1667), mais il s'in-téresse à peine à ses fonctions. Il se retire à New Hall et il meurt dans son fauteuil, trois ans après, des suites d'une hydropisie. On lui fit des funérailles pompeuses à Westminster, où le roi promit de faire ériger un monument à sa mémoire, promesse qu'il ne tint pas d'ailleurs. Monk petit, gros, sans grand esprit, très prudent, très froid, courageux sans jactance, fut un général plus correct que génial et il dut ses succès à ses facultés d'organisateur plutôt qu'à des vues de tacticien. Il eut toujours, en une époque d'extrêmes divisions, ses soldats dans la main et il gagnait leur confiance en observant une scrupuleuse discipline et en s'occupant passionnément de leur bien-être : qualités assez rares chez les capitaines du temps. C'était en somme, écrit Guizot, son meilleur biographe, « un homme capable de grandes choses quoiqu'il n'eût pas de grandeur dans l'âme ». Il avait épousé, en 1653, Anne Clarges, fille d'un maréchal ferrant, femme séparée d'un autre maréchal ferrant et qui avait été longtemps sa maîtresse. Il courut sur son compte les bruits les plus scandaleux : tous ne sont pas justifiés. On peut se contenter, à ce point de vue, de cette malignité de Clarendon : « Elle avait plus souci de son âme que de son corps ». Elle eut une influence marquée sur Monk et le poussa dans le parti royaliste. Comme elle était d'une avarice insatiable, elle battit monnaie avec le crédit de son mari. Monk, de son côté, ne dédaignait pas l'argent. Ainsi secondé par sa femme, il laissa une fortune énorme. Leur fils Christopher, second duc d'Albemarle, né en 1653, mort en 1687, porta le nom de comte de Torrington de 1660 à 1670. Colonel du régiment de cavalerie de la reine (1678), colonel de la garde du roi, chancelier de l'Université de Cambridge (1682), etc., il ne joua aucun rôle. De moeurs crapuleuses, il s'enivrait fréquemment et il mourut à trente-quatre ans, peu après avoir pris possession du poste de gouverneur général de la Jamaïque. (R. S.). | |