.
-

Molière, poète comique
Les pièces de Molière
Aperçu La vie de Molière Les pièces La portée de l'oeuvre Le jugement  de la postérité
La nomenclature complète des oeuvres de Molière comprend d'abord un certain nombre de petites comédies ou, pour mieux dire, de farces à l'italienne qu'on lui attribue avec plus ou moins de vraisemblance; telles sont : le Docteur amoureux, les Trois Docteurs rivaux, le Maître d'école, la Jalousie du Barbouillé, le Médecin volant. Les deux dernières seules ont été conservées, mais elles ne furent jamais imprimées du vivant de Molière. Viennent ensuite les pièces authentiques, au nombre de trente et une, imprimées toutes du vivant de leur auteur et par ses soins, à l'exception de six ou sept qui parurent en 1682. En voici la liste exacte, avec la date de la première représentation quand il a été possible de la déterminer d'une manière précise
-
Pièces de jeunesse
(ou supposées de Molière)

Le Docteur amoureux
Les Trois docteurs rivaux
Le Maître d'école
La Jalousie du Barbouillé*
Le Médecin volant*

Pièces authentiques

L'Étourdi* (1653 ou 1655)
Le Dépit amoureux* (1656?)
Les Précieuses ridicules* (1659)
Sganarelle (1660)
Don Garcie de Navarre (1661)
L'École des maris* (1661)
Les Fâcheux* (1661)
L'École des femmes* (1662)
La Critique de l'École des femmes (1663)

L'Impromptu de Versailles (1663)
Le Mariage forcé* (1664)
La princesse d'Elide* (1664)
Tartuffe* (1664)
Don Juan* (1665)
L'Amour médecin* (1665)
Le Misanthrope* (1666)
Le Médecin malgré lui* (1666)
Mélicerte, Pastorale, le Sicilien (1666-67)
Amphitryon* (1668)
George Dandin (1668)
L'Avare* (1668)
Monsieur de Pourceaugnac* (1669)
Les Amants magnifiques (1670)
Le Bourgeois gentilhomme* (1670)
Psyché (1671)
Les Fourberies de Scapin* (1671)
La Comtesse d'Escarbagnas* (1671)
Les Femmes savantes* (1672)
Le Malade imaginaire* (1673)
N. B. : L'astérisque (*) signale les pages proposant un ou plusieurs extraits de l'oeuvre.

On doit bien penser que toutes ces pièces ne sont pas d'égale valeur; il y a pourtant du génie même dans les plus grosses farces d'un Molière, et toutes les productions d'un si grand homme mériteraient d'être étudiées avec un soin particulier. Mais un volume n'y suffirait pas; par conséquent, nous devrons nous contenter de jeter sur le théâtre de Molière un coup d'oeil rapide et nous suivrons de préférence l'ordre des temps, sauf à rapprocher les unes des autres, afin d'en mieux faire comprendre le caractère et la portée, les oeuvres de même nature et celles qui ont une même origine ou une histoire commune.
-

Molière.
Molière.

Aperçu du théâtre de Molière

Les premières pièces.
Molière n'était déjà plus un jeune homme quand il commença à composer des pièces de théâtre. Alors que Rotrou, Thomas Corneille, Quinault et quelques autres attendirent à peine leur vingtième année pour devenir des auteurs dramatiques, Molière âgé de trente-cinq ans n'avait rien fait encore, car on ne peut mettre en ligne de compte les deux farces qui ont pour titre la Jalousie de Barbouillé et le Médecin volant. En 1650, une comédie vraiment digne de ce nom ne pouvait manquer d'être écrite en vers et Molière n'avait alors, suivant toute probabilité, versifié qu'une traduction de Lucrèce; on ne connaît de lui, au temps de sa jeunesse, ni un madrigal, ni un sonnet, ni une épître comme en faisait La Fontaine. C'est vers 1653, d'autres disent en 1655, qu'il donna enfin deux comédies en vers, l'Étourdi et le Dépit amoureux, comédies d'intrigue sans grande portée, faites l'une et l'autre à l'imitation des pièces italiennes ou espagnoles et analogues à bien des égards à celles que Scarron composait alors. Le rôle principal était dévolu à un fripon de valet qui s'appelait Mascarille au lieu de se nommer Jodelet, et les reconnaissances les plus invraisemblables amenaient un dénouement facile à prévoir. Ce qui donnait aux pièces de Molière une supériorité réelle sur celles de ses devanciers, c'était un esprit de meilleur aloi et surtout une versification plus parfaite. Molière acteur avait dû meubler sa mémoire d'une infinité de vers; il savait par coeur, hélas! des pièces entières de Boisrobert, de Scarron, de Quinault, et à défaut d'autres mérites, ces poètes étaient de très habiles versificateurs. Molière provincial s'éleva du premier coup au même niveau que ces maîtres de la scène parisienne, et quand il revint à Paris, en 1658, il pouvait se dire à lui-même qu'il ne serait nullement inférieur aux autres « Messieurs les auteurs ». 

L'Étourdi ou les Contretemps (1653 ou 1655).
La pièce, en cinq actes et en vers, est imitée d'une comédie italienne de Nicolo Barbieri, l'Inavvertito (le Malavisé), qui datait de 1629. Joué d'original à Lyon, l'Étourdi fut repris à Paris en 1658, avec un grand succès; Molière y faisait merveille dans le rôle de Mascarille. - C'est plutôt une suite de scènes liées qu'une intrigue construite; mais les situations y dépendent, dans une certaine mesure, des caractères. En effet, Lélie aime Célie, qui a été vendue au vieillard Trufaldin par des bohémiens. Il faudrait à Lélie une assez forte somme d'argent pour délivrer Célie; c'est à la trouver que s'emploie le génie de Mascarille, son valet, le fourbe des fourbes (fourbum imperator). Mais chaque fois que Mascarille a inventé quelque ruse infaillible, la maladresse et l'étourderie de Lélie la font échouer. Enfin, tout s'arrange au moyen d'une double reconnaissance, et Lélie épouse Célie. Le style de l'Étourdi est charmant, d'une vivacité parfois un peu négligée, mais plein de verve et toujours scénique.

Le Dépit amoureux (1656).
De nos jours, on représente cette pièce en deux actes. A l'origine, le Dépit amoureux était en cinq actes, imité d'une comédie italienne de Nicolo Secchi. La partie que l'on supprime depuis la fin du XVIIe siècle est un imbroglio de la plus singulière invraisemblance. On ne conserve que les charmantes scènes de brouille et de réconciliation, entre Éraste et Lucile, Marinette et Gros-René. Molière devait souvent revenir à cette situation; et combien de pièces de son théâtre pourraient avoir pour sous-titre : le Dépit amoureux, comme celles de Marivaux sont toutes plus ou moins des surprises de l'amour.

Les Précieuses ridicules (1659).
On appelait alors farce toute comédie en un acte écrite en prose. Aussi avons-nous un compte rendu de cette pièce, écrit en 1660 par Mlle des Jardins, sous ce titre : Récit de la farce des Précieuses.  - Le bourgeois Gorgibus a une fille, Magdelon, et une nièce, Cathos, qui sont devenues précieuses. Deux jeunes gentilshommes, La Grange et Du Croisy, ont demandé Magdelon et Cathos en mariage :  celles-ci ne les jugeant pas assez distingués, ont répondu par un refus. La Grange et Du Croisy pour se venger envoient chez les précieuses ridicules leurs valets. Mascarille et Jodelet, qui se font passer pour des hommes du monde et pour de beaux-esprits. Mais soudain les maîtres reparaissent et obligent les valets à dépouiller leur déguisement et à se montrer en souquenille et en veste blanche. On juge de l'humiliation des deux précieuses. - C'est peut-être à Montpellier, où Chapelle et Bachaumont (voir leur Voyage) signalent la présence d'une coterie de « précieuses de campagne », que Molière observa les types qu'il a peints dans sa première comédie originale. Arrivé de la veille à Paris, et d'ayant pas encore ses entrées dans les salons, il n'aurait pu prendre sur le vif des modèles de la capitale. D'ailleurs, Mme de Rambouillet et ses amis applaudirent vivement la pièce de Molière. Cependant, on sait par Somaize qu'un alcôviste de qualité fit interdire la pièce pendant quinze jours. Ce petit chef-d'oeuvre classique n'a jamais quitté le répertoire. C'était le vrai début de Molière; il pouvait dire, à dater de 1659: « Je n'ai plus qu'à regarder le monde »; et, du parterre, une voix lui criait : « Courage, Molière! voilà la bonne comédie. »
-

Mascarille, personnage des Précieuses ridicules, de Molière.
André Brunot, vers 1910, de la Comédie Française, 
dans le rôle de de Mascarille. Remarquez l'air fat du personnage 
et la richesse affectée du costume avec plumes, dentelles, canons
et petie oie, sans compter l'imposante perruque..

Sganarelle (1660).
Sganarelle est une farce en un acte et en vers, fondée sur un quiproquo. C'est la première fois que paraît (pour se substituer à Mascarille) le type traditionnel de Sganarelle, trembleur, poltron, battu et content, que l'on retrouvera dans l'Ecole des maris, le Mariage forcé, Don Juan, l'Amour médecin et le Médecin malgré lui.

Don Garcie de Navarre ou le Prince jaloux (1661).
La jalousie, ridicule dans la farce précédente, est ici présentée sous un aspect tragique. Don Garcie est une tentative malheureuse de Molière dans le genre de la «-comédie héroïque »; la pièce ne réussit pas. Elle est intéressante aujourd'hui parce que Molière en a tiré plusieurs passages qu'il a introduits, avec les variantes nécessitées par la différence des genres, dans le Misanthrope.

L'École des maris (1661).
L'École des maris fut, au contraire, un gros succès. Cette pièce, en trois actes et en vers, est imitée très librement des Adelphes, de Térence. Mais Térence comparait l'éducation donnée à deux jeunes gens, Eschine et Ctésiphon, par un père trop sévère, Déméa, et un oncle trop indulgent, Micion. Chez Molière, nous sommes dans les traditions de la comédie italienne : Sganarelle et Ariste élèvent chacun une pupille; le premier tient Isabelle dans la plus dure contrainte, et se la voit enlever par le jeune Valère; Ariste est plein d'indulgence pour Léonor, gagne sa confiance, s'en fait aimer et l'épouse. La partie comique et même bouffonne est très développée. Le titre d'école, qui sera repris par tant d'auteurs dramatiques, signifie : pièce où l'on s'instruit, où l'on apprend comment il faut se conduire dans telle ou telle situation.

Les Fâcheux (1661).
Les Fâcheux, trois actes en vers, ont été composés par Molière pour le surintendant Fouquet. La pièce fut écrite et apprise en quinze jours, et jouée au château de Vaux le 17 août 1661, pendant les fêtes que Fouquet donnait au roi et à la reine-mère. Louis XIV en fut charmé; il félicita Molière, et lui indiqua un nouveau type à introduire dans sa comédie, le grand veneur, M. de Soyecourt. Le 25 août, les Fâcheux furent joués à Fontainebleau devant la cour, avec le récit du chasseur. C'est une comédie « à tiroirs-»; dans un cadre très large sont introduites un certain nombre de scènes, où apparaissent des types qui ne reviendront plus. Pas d'autre intrigue que celle-ci : Eraste, qui aime Orphise, a obtenu d'elle un rendez-vous; il est sans cesse retardé par des fâcheux ( = importuns), un duelliste, un joueur, deux bavardes précieuses, un chasseur, un pédant. Enfin Éraste peut rejoindre Orphise, et leur mariage est décidé. - Molière a dédié sa pièce au roi.

L'École des femmes (1662). 
Voici, avec L'École des femmes, le premier « grand ouvrage » de Molière, celui dont la nouveauté et l'importance furent si vivement senties qu'il y eut une querelle de l'École des femmes, comme une querelle du Cid et une querelle d'Andromaque. La pièce valut à Molière d'être inscrit sur l'état des pensions pour une somme de mille livres. - En apparence du moins, la pièce est plutôt d'intrigue que de caractères. Arnolphe a une jeune pupille, Agnès, qu'il veut épouser, et qu'il maintient dans l'ignorance et l'esclavage pour éviter qu'elle lui échappe. Cependant,  un jeune homme, Horace, fait la cour à l'innocente Agnès; il invente des stratagèmes pour attirer son attention et mériter son amour. Et c'est au malheureux Arnolphe lui-même, qu'il ne connaît pas pour le tuteur d'Agnès, qu'Horace fait confidence de ses succès. Les précautions nouvelles prises par Arnolphe tournent contre lui, et tout aboutit au mariage d'Agnès et d'Horace. La pièce pourrait porter pour épigraphe ces mots de Figaro : « Voulez-vous donner de l'esprit à la plus sotte? enfermez-la ». Mais, dans cette intrigue, empruntée au conteur italien Straparole, et dont Scarron avait déjà tiré une nouvelle, Molière a su peindre des caractères et enfermer une philosophie. - Les attaques contre l'École des femmes étaient les unes littéraires (on accusait Molière de plagiat, de manquer aux règles d'Aristote, etc.), les autres, plus graves, morales (équivoques grossières, allusions impertinentes à la religion, Molière, pour répondre à ces critiques, commença par dédier sa pièce à Henriette d'Angleterre, duchesse d'Orléans. Puis il composa une petite comédie de circonstance, afin d'instruire le procès de l'École des femmes devant le public, seul juge en ces matières.

La Critique de l'École des femmes (1663). 
L'action de La Critique de l'École des femmes, un petit acte, se passe dans le salon d'une femme d'esprit, Uranie. Paraissent des visiteurs, qui les uns attaquent Molière, les autres le défendent. Le marquis a trouvé la pièce du dernier détestable; pourquoi? c'est ce qu'il ne daigne pas expliquer. Le pédant Lysidas la juge mal faite, et la décompose en protase, épitase et péripétie. La prude Clymène rougit de son immoralité. Le poète est défendu par Uranie, par sa cousine Élise, et surtout par le chevalier Dorante, qui représente Molière lui-même. - A l'oeuvre de Molière, Visé répondit par Zélinde ou la Véritable Critique de l'École des femmes, et Boursault par le Portrait du peintre. C'est dans cette pièce que Molière nous donne, par la bouche de  Dorante, son opinion sur les règles du théâtre. « Ce ne sont là, dit-il, que quelques observations que le bon sens a faites sur ce qui peut ôter le plaisir que l'on prend à ces sortes de poèmes ... Le même bon sens qui les a faites autrefois les fait aisément tous les jours, sans le secours d'Horace et d'Aristote. »

L'Impromptu de Versailles (1663).
L'Impromptu de Versailles est un autre à-propos, joué à Versailles le 4 octobre de cette même année, et à Paris en novembre. - Molière se défend contre Visé, Boursault, et les comédiens de l'Hôtel de Bourgogne. Dans cette petite  pièce, il nous ouvre les coulisses de son theâtre; nous l'y voyons comme directeur et comme acteur; et autour de lui, tous ses artistes, sous leur vrai nom, avec leur caractère, s'agitent, discutent et, tout en répétant une pièce nouvelle, provoquent ses conseils, ou ses remontrances. L'Impromptu est précédé d'une dédicace au roi, en vers, qui est un portrait aussi hardi que piquant du marquis à la mode.

Le Mariage forcé (1664).
Le Mariage forcé fut écrit pour la cour, et représenté avec des ballets dont Lulli composa la musique. Parmi les danseurs on voyait le duc de Saint-Aignan, le duc d'Enghien, le marquis de Villeroi, et Louis XIV. - Sganarelle, bourgeois âgé et ridicule, doit épouser Dorimène, jeune coquette, fille du seigneur Alcantor. Mais il lui vient des doutes sur l'opportunité de ce mariage; il consulte successivement le philosophe aristotélicien Pancrace et le philosophe pyrrhonien Marphurius : mais il n'obtient aucune réponse. Toutefois, il va rendre sa parole au seigneur Alcantor. Mais Alcidas, frère de Dorimène et duelliste éprouvé veut obliger Sganarelle à se battre avec lui. Sganarelle consent finalement à ce mariage forcé. - Aujourd'hui, le Mariage forcé est toujours joué sans les ballets; on n'en apprécie que mieux la saveur comique, notamment dans les scènes où Sganarelle consulte les deux philosophes. Molière héritait ici de ce qu'il y a de plus sensé dans Rabelais.

La Princesse d'Élide (1664). 
La même année, Molière écrit encore pour les fêtes données à la cour une comédie-ballet, la Princesse d'Élide. La Princesse est demandée en mariage par Aristomène, prince de Messène, et par Théocle, prince de Pyle. Mais elle aime le prince d'Ithaque, Euryale; et celui-ci aime la princesse. Les deux amants, aussi fiers l'un que l'autre, ne veulent pas se déclarer. Il en résulte une série de fausses confidences qui souvent ne manquent pas de finesse et font songer à Marivaux. Enfin, la princesse, apprenant que celui qu'elle aime se prépare à épouser sa cousine Aglante, dompte son orgueil. Un rôle comique, celui du bouffon Moron (joué par Molière) vient égayer ces subtiles discussions galantes. Des intermèdes, où la musique a une part ingénieuse, coupent agréablement ces actes un peu traînants. - Molière ne mit en vers que le premier acte et une partie de la première partie du second; pressé par le temps, il écrivit le reste en prose.

Le Tartuffe (1664). 
Voici en quelques mots le sujet de la pièce : Orgon est un bourgeois, remarié à Elmire, et qui a de son premier mariage un fils, Damis, et une fille, Mariane. Sa mère, Mme Pernelle, demeure avec lui. Orgon a toujours été un homme intelligent, et il s'est comporté pendant les troubles de la Fronde comme un brave et loyal sujet. Mais il a fait la rencontre d'un certain Tartuffe (ou Tartufe), qui se présente à lui sous les dehors du plus parfait dévot; il s'en est entiché, au point de lui donner l'hospitalité, de lui confier ses secrets, et de lui promettre la main de sa fille. Quand la pièce commence on voit la famille jusqu'alors très unie, divisée en deux camps, pour et contre Tartuffe. En vain le frère d'Orgon, Cléante, lui conseille de se défier de cet hypocrite; en vain Damis surprend Tartuffe en train de déclarer son amour à Elmire; rien ne peut dessiller les yeux d'Orgon, qui chasse son fils, veut contraindre Mariane à ce mariage odieux, et fait une donation de ses biens à Tartuffe. Cependant, grâce à une ruse d'Elmire, Orgon finit par se convaincre de la scélératesse du faux dévot, et il veut le mettre à la porte. Mais Tartuffe, muni de l'acte de donation, va spolier la famille et faire arrêter Orgon, quand heureusement l'intervention du Roi amène la punition du coupable. - L'histoire de la pièce est curieuse. Le Tartuffe fut d'abord représenté le 12 mai 1664 à la cour, en trois actes; la pièce était-elle complète sous cette première forme ou inachevée? On ne sait. Cependant, à la demande d'Anne d'Autriche et de l'archevêque de Paris, le roi n'en permit pas la représentation publique; et Molière allait en faire des lectures dans les salons; on jouait même Le Tartuffe chez Monsieur et chez la Princesse Palatine. Le 5 août 1667, Molière est autorisé à jouer sa pièce : il y a apporté quelques changements (que nous connaissons avec une certaine précision par la Lettre sur la comédie de l'imposteur, écrite par un spectateur), et il compte sur un grand succès. Mais, le lendemain 6 août, Le Tartuffe est interdit par M. de Lamoignon, premier président du Parlement. Le roi était alors en Flandre. Molière lui adresse, par deux de ses comédiens, La Grange et La Thorillière, un placet, qui reste sans effet immédiat. C'est seulement le 5 février 1669 que Le Tartuffe est définitivement autorisé. La pièce est de celles qui soulèvent les questions les plus délicates. 

Don Juan ou le Festin de pierre (1665).
Après la première interdiction du Tartuffe, Molière fut obligé d'écrire à la hâte une pièce capable d'attirer le public. On jouait alors, chez les Comédiens italiens, à l'Hôtel de Bourgogne, dans le Marais, des imitations ou adaptations du Don Juan de Tirso de Molina; le sujet faisait fureur. Molière eut donc, lui aussi, son Don Juan. Il traduisit assez singulièrement le titre de la comédie des Italiens, Il Convitato di pietra (le Convié de pierre) en le Festin de pierre. - Don Juan est le « grand seigneur méchant homme », qui se joue de Dieu et des hommes. Il a quitté sa femme, Elvire pour faire un autre mariage avec une jeune fille qu'il veut enlever à son fiancé. Une tempête jette Don Juan et son valet, Sganarelle, sur une côte; ils sont recueillis par des paysans, et Don Juan fait aussitôt la cour à deux filles de la campagne, Charlotte et Mathurine. Cependant il est poursuivi par le frère d'Elvire; un hasard fait que Don Juan délivre ce gentilhomme d'une attaque de brigands; et Don Carlos lui accorde la vie. Don Juan arrive ensuite devant le tombeau du Commandeur, qu'il a tué jadis; il s'adresse à sa statue et l'invite à dîner; la statue fait un signe d'acquiescement. A l'acte suivant on voit le commandeur qui se rend à l'invitation de Don Juan, qui s'assied à sa table, et qui lui demande de venir à son tour souper avec lui. Don Juan va au rendez-vous; mais alors la terre s'entrouvre, il en sort des flammes et Don Juan est englouti dans l'Enfer. - Le Don Juan de Molière est la première de ses grandes pièces en cinq actes qui soit écrite en prose. Le public ne l'en accueillit pas moins avec faveur. Il applaudit particulièrement les passages qui lui rappelaient LeTartuffe, et surtout, au Ve acte, la tirade sur l'hypocrisie. Mais les ennemis de Molière furent scandalisés de la hardiesse de certaines scènes, et Molière dut faire des corrections. En 1677, Thomas Corneille mit en vers le Don Juan de Molière ; il en adoucit les passages scabreux; et c'est sous cette forme que la pièce fut jouée jusqu'en 1840.

L'Amour médecin (1665). 
L'Amour médecin, comédie-ballet, musique de Lulli, est une des premières pièces où Molière attaque et ridiculise les médecins. C'est une refonte du Médecin volant, farce que Molière avait composée en province. - Un riche et avare bourgeois, Sganarelle, a une fille, Lucinde, et cette fille est malade. Il consulte ses voisins; ceux-ci lui donnent tous des conseils intéressés (« Vous êtes orfèvre, monsieur Josse »). Lucinde demande simplement à son père de la marier. Mais Sganarelle ne veut rien entendre; il est trop avare pour doter sa fille, et il aime mieux consulter quatre médecins; ceux-ci ordonnent des remèdes contradictoires. Alors arrive Clitandre, le jeune homme qui aime Lucinde; il est déguisé en médecin et il persuade au père que sa fille est folle, et qu'il faut feindre de la marier avec lui. Et la pièce s'achève par I'enlèvement de Lucinde. - Il y a dans l'Amour médecin un deuxième acte bout à fait remarquable, qui contient la consultation des quatre médecins, parodie spirituelle et toujours exacte.

Le Misanthrope (1666)
Alceste hait tous les hommes, auxquels il reproche leur manque de franchise; il voudrait bannir de la société toutes les conventions hypocrites. Son ami Philinte, au contraire, prend tout doucement les hommes comme ils sont. Or, Alceste, par une singulière contradiction, aime une jeune veuve coquette et médisante, Célimène. L'action de la pièce, très simple, est constituée par ceci : Alceste vient chez Célimène, pour la mettre en demeure de lui dire si elle veut, oui ou non, l'épouser; et il en est toujours empêché. - Au premier acte, il attend Célimène : arrive un gentilhomme bel esprit, Oronte, qui lui lit un sonnet. Alceste trouve le sonnet détestable, il le lui dit; Oronte se fâche : il va en résulter un duel, et Alceste sort sans voir Célimène. - Il revient, au second acte, avec elle; on annonce des visites; Alceste voudrait attendre, pour s'expliquer en tête-à-tête avec Célimène : mais on vient le demander de la part des maréchaux pour arranger son duel. - Au troisième acte, nouvel obstacle : Alceste est chez CéIimène, quand arrive la prude Arsinoé qui lui promet de lui remettre une lettre écrite par Célimène à Oronte : Alceste, jaloux, suit Arsinoé. - Au quatrième acte, après une scène violente, Alceste va enfin, semble-t-il, obtenir une réponse de Célimène, quand son valet Dubois vient le chercher pour son procès. - Enfin, au cinquième acte, Célimène est confondue par tous ceux à qui elle a écrit des billets et qui se les sont montrés. Alceste, plus généreux, offre à Célimène de l'épouser, pourvu qu'elle consente à quitter le monde; comme elle hésite, il la refuse, et déclare qu'il va  « chercher sur la terre un endroit écarté où d'être homme d'honneur on ait la liberté ». - Le Misanthrope n'est plus compris aujourd'hui comme au XVIIe siècle. Alceste était alors considéré comme un très honnête homme sans doute, mais comme un ridicule. De là, les critiques de Fénelon (Lettre à l'Académie) et de J.-J. Rousseau (Lettre à d'Alembert). Nous avons fait de lui un héros romantique. Avec son action très simple, où tous les incidents sortent du caractère principal, avec son style toujours approprié aux personnages, avec la morale si haute et si complexe qui s'en dégage, le Misanthrope est considéré comme le chef-d'oeuvre de Molière. Le succès en fut d'abord un peu hésitant; mais la pièce s'imposa et prit le premier rang.

Le Médecin malgré lui  (1666).
On prétend que Molière dut composer la farce du Médecin malgré lui pour soutenir le Misanthrope, qui n'attirait pas le public. Mais la petite pièce n'accompagna la grande qu'à partir de la vingt-quatrième représentation. Ce dut être pour les spectateurs un singulier régal que de voir, dans la même représentation, Molière jouer les fureurs d'Alceste et les drôleries de Sganarelle. - On sait que Molière a profité, pour son Médecin malgré lui, du fabliau le Vilain Mire (le Paysan médecin). - Sganarelle est un bûcheron qui boit tout ce qu'il gagne, et qui bat sa femme, Martine. Celle-ci rumine un moyen de se venger. Elle est abordée par deux personnages qui cherchent un médecin pour la fille de Géronte, Lucinde. Martine leur dit que son mari est un grand médecin, mais qu'il ne l'avoue que s'il a été bien battu. Sganarelle, après avoir reçu force coups, consent à se dire médecin. On le mène chez Géronte, qu'il éblouit par son bavardage, et il feint de diagnostiquer la maladie de Lucinde : la jeune fille est devenue muette; C'est un mauvais tour qu'elle joue à son père, parce que celui-ci réfuse de lui laisser épouser Léandre. Sganarelle s'entend avec Léandre; celui-ci se déguise en apothicaire, et peut ainsi pénétrer jusqu'à Lucinde qu'il enlève. Géronte, furieux, veut faire pendre Sganarelle; mais les deux fugitifs reviennent, et comme Léandre vient d'hériter de son oncle, Géronte ne voit plus d'obstacle au mariage.
-

Un médecin de Molière.
Un médecin de Molière (Dranem à l'Odéon, vers 1910). 
- Voici le costume traditionnel du médecin grotesque, avec la robe noire,
la fraise et le grand chapeau à demi-pointu.

Mélicerte, la Pastorale comique, et le Sicilien (1666-1667).
Il faut grouper ici trois pièces écrites par Molière pour les fêtes données à la cour, du 2 décembre 1666 au 20 février 1667. Dans le Ballet des Muses, imaginé par Benserade, ballet qui se compose de treize entrées, et où l'on vit danser Louis XIV, Henriette d'Angleterre, Mlle de la Vallière et Mme de Montespan, Molière fut chargé de la troisième entrée, pour laquelle il fit Mélicerte, comédie-pastorale héroïque. - Mélicerte fut bientôt remplacée par la Pastorale comique; puis on ajouta une quatorzième entrée, où Molière plaça le Sicilien ou l'Amour peintre.

Amphitryon (1668)
L'Amphitryon de Molière est une imitation, et presque une adaptation en vers libres, de la comédie latine de Plaute. Déjà Rotrou en avait donné une version française dans les Sosies (1650).  - Pendant l'absence d'Amphitryon, général thébain, Jupiter a
pris sa figure et s'est installé chez lui. De même, Mercure se fait passer pour Sosie, valet d'Amphitryon. Quand le maître et l'esclave reviennent, ils se trouvent en présence d'un autre Amphitryon et d'un autre Sosie. De là des quiproquos, que Jupiter dénoue, en se revélant. - Molière a inventé le personnage de Cléanthis, la femme de Sosie, pour établir un parallélisme complet, et il a prêté plus de dignité à Alcmène.

George Dandin (1668).
La même année, George Dandin nous ramène à la farce, mais à une farce telle que seul pouvait l'écrire l'auteur du Misanthrope. Là il reprenait, pour la transformer en trois actes, la pochade intitulée la Jalousie du Barbouillé. Le bourgeois Dandin a épousé
Angélique de Sottenville, fille d'un gentilhomme ruiné. Angélique est une coquette, qui se laisse courtiser par Clitandre. Dandin veut mettre fin a ce manège; mais il est dupe de toutes ses précautions. et c'est lui qui est obligé de faire des excuses à sa femme et à son beau-père. Il reconnaît dans son malheur la juste punition de sa vanité : « Tu l'as voulu, George Dandin!... ». - George Dandin fut joué pendant les fêtes données à Versailles pour célébrer la conquête de la Franche-Comté.

L'Avare (1668).
Et toujours en 1668, Molière écrit une nouvelle pièce en cinq actes, mais en prose, un de ses chefs-d'oeuvre, l'Avare, puisé à diverses sources, entre autres l'Aululaire de Plaute et les Esprits de Larivey. Plaute avait représenté dans l'Aululaire un pauvre homme, Euclion, qui, ayant découvert dans son foyer une marmite pleine d'or, devient défiant et inquiet, comme le savetier de La Fontaine, et qui guérit de son mal quand il s'est débarrassé de sa marmite pour doter sa fille. Molière nous peint en Harpagon un véritable avare, c'est-à-dire un homme très riche qui n'ose rien dépenser et qui continue à s'enrichir par l'usure. Harpagon a un fils à qui il refuse de l'argent, et qui en emprunte à gros intérêts; une fille qu'il veut marier sans dot à un vieux gentilhomme, et qui a signé une promesse de mariage à Valère, intendant d'Harpagon. Il veut lui-même se remarier avec la jeune Mariane, et cet amour ne lui inspire aucun acte de générosité. La Flèche, le valet de Cléante, fils de l'avare, vole au père une cassette contenant 10.000 écus, et ne consent à la rendre que si Harpagon renonce à Mariane aimée de Cléante. Enfin, une reconnaissance termine la pièce : Mariane et Valère sont les enfants du seigneur Anselme qui devait épouser Elise. Il y aura deux mariages assortis : Mariane et Cléante, Élise et Valère. Quant à l'avare, il ira « revoir sa chère cassette ».
-

Harpagon, dans l'Avare de Molière.
Harpagon volé (Charles Dullin au théâtre du Vieux-Colombier, vers 1910). 
- Le geste et surtout la physionomie de l'acteur expriment admirablement
la détresse d'Harpagon. Il crie, il est fou...

Monsieur de Pourceaugnac (1669).
Pour la cour, qui séjournait à Chambord, Molière compose Monsieur de Pourceaugnac, comédie-ballet en trois actes, où les souvenirs de sa vie de province sont plus vifs qu'en aucune autre pièce. La satire des médecins y devient très mordante. - M. de Pourceaugnac est un gentilhomme limousin, tout à fait ridicule, qui vient à Paris pour épouser Julie, fille d'Oronte. Mais Julie aime Eraste, dont le valet Sbrigani entreprend d'évincer M. de Pourceaugnac. Le meilleur des tours qu'il lui joue est celui-ci : il fait venir deux médecins à qui il annonce que Pourceaugnac est fou. Les médecins, dans une consultation qui est un chef-d'oeuvre (comme celle de l'Amour médecin), déclarent qu'en effet le Limousin est un fou dangereux : et ils le font traiter en conséquence. Puis on persuade à Oronte que Pourceaugnac était déjà marié; et celui-ci est menacé d'être pendu comme bigame. - Enfin, excédé, il quitte la place; et Julie pourra épouser Eraste.

Les Amants magnifiques (1670). 
C'est pour les fêtes de Saint-Germain que Molière donne au roi les Amants magnifiques (magnifique signifie généreux. Cf. Laurent le Magnifique), musique de Lulli. Le sujet de cette pièce en avait été donné par le roi lui-même :  « Deux princes rivaux, par une belle émulation, régalent, dans la vallée de Tempé, la princesse Eriphile et sa mère de tout ce que l'imagination peut leur fournir de plus galant ». Molière composa ce divertissement royal dans le goût de Don Sanche d'Aragon (de Corneille) et de la Princesse d'Elide.

Le Bourgeois gentilhomme (1670). 
Puis, la cour se transporte de nouveau à Chambord, où Molière est appelé, et où il fait jouer le Bourgeois gentilhomme, comédie-ballet, avec musique de Lulli. - M. Jourdain, riche bourgeois dont le père s'est enrichi en vendant du drap, veut faire l'homme de qualité. Il prend un maître de musique, un maître à danser, un maître d'armes, un maître de philosophie. Il se laisse escroquer de l'argent par Dorante, qui «-parle de lui dans la chambre du Roi ». Il ne veut marier sa fille Lucile, qu'à un gentilhomme. - Cependant, Covielle, valet de Cléante qui aime Lucile, invente un stratagème burlesque pour duper M. Jourdain. Il lui présente Cléante comme le fils du Grand Turc venu pour épouser sa fille. M. Jourdain, très flatté, se fait recevoir mamamouchi, et accorde la main de Lucile à Cléante. -  Le divertissement turc, qui termine la pièce, était alors une sorte d'actualité; la turquerie était à la mode, et Molière obtint des renseignements exacts sur les Turcs par Laurent d'Arvieux, qui revenait d'Orient.

Psyché (1671).
Psyché, autre « divertissement », tragédie-ballet représentée aux Tuileries. Molière tira cette pièce d'une fable racontée par Apulée dans ses Métamorphoses, et déjà mise en ballet par Benserade en 1656, puis en roman par La Fontaine en 1671. Voici comment il la dispose Psyché est une jeune fille si belle que Vénus en est jalouse et demandé à l'Amour de la punir : la scène entre l'Amour et Vénus forme le prologue. On voit les deux soeurs de Psyché, Aglaure et Cidippe, qui sont jalouses d'elle. Arrivent deux princes qui font la cour à Psyché, mais un messager vient chercher la jeune fille de la part de son père. Celui-ci a reçu des dieux l'ordre d'exposer sa fille dans un désert où elle sera dévorée par un monstre; il exprime sa douleur, et il la quitte; mais le monstre est l'Amour qui, touché par la beauté de Psyché, la transporte en un palais magnifique, et devient son époux. Il ne met qu'une condition à la durée de ce bonheur, c'est que Psyché ne lui demandera jamais son nom. Psyché, poussée par ses soeurs, insiste auprès de l'Amour pour savoir qui il est; l'Amour disparaît à ses yeux, et le palais fait place au désert. Vénus, touchée par les larmes de l'Amour, intervient; elle obtient de Jupiter la grâce de Psyché. - Molière n'a écrit de cette pièce que le premier acte, la première scène de l'acte II, la première scène de l'acte III; le reste a été écrit, sur le plan que Molière avait arrêté, par Corneille; Quinault avait fait les vers destinés au chant.

Les Fourberies de Scapin (1671)
Cette comédie, en trois actes et en prose, est imitée du Phormion de Térence. Molière y revient aux valets italiens et y reprend encore une farce de son répertoire primitif : Gorgibus dans le sac, imitée d'une célèbre tabarinade. - En l'absence de son père Argante, Octave a épousé une jeune tille pauvre et de naissance inconnue, Hyacinte; son ami Léandre, fils de Géronte, veut épouser Zerbinette. Les deux pères reviennent Argante, qui destinait à son fils une fille de Géronte, veut faire casser le mariage d'Octave et de Hyacinte; et Géronte est furieux des projets de son fils Léandre, à qui il refuse d'épouser Zerbinette celle-ci, d'ailleurs, enlevée dès son jeune âge par des Égyptiens, ne peut être délivrée qu'au prix d'une forte somme d'argent. Le valet Scapin promet aux deux jeunes gens de les tirer d'affaire. Par ses fourberies, il arrache aux deux vieillards l'argent nécessaire; puis il se venge de Géronte, en le rouant de coups (scène du sac). Heureusement que Géronte reconnaît sa fille dans Hyacinte, et Argante la sienne dans Zerbinette. Tout le monde pardonne à Scapin.
-

Le Spadassin, personnage du théâtre du XVIIe siècle.
Type de Spadassin dans le théâtre du XVIIe siècle (Jacques Fenoux, de la
Comédie française, dans le role de Comediante, vers 1910). Une grande
rapière, un chapeau à plumes menaçantes, un costume soldatesque et 
des yeux terribles, tels sont les attributs du Spadassin, qui dans la comédie
tient du Matamore et de Scapin.

La Comtesse d'Escarbagnas (1672).
Molière est chargé d'organiser des fêtes à Saint-Germain en l'honneur du mariage de Monsieur frère du roi. Il arrange une sorte de Ballet des ballets, où il intercale les intermèdes de Psyché, de George Dandin, de la Pastorale comique, du Bourgeois gentilhomme. Le tout est assez lâchement relié par une pastorale, aujourd'hui perdue. Enfin, y figuraient quelques scènes dialoguées, qui forment la Comtesse d'Escarbagnas. Là encore, on peut retrouver quelques souvenirs des ridicules de province.  Une ridicule comtesse, d'Angoulême, s'imagine, comme la Bélise des Femmes savantes, que tout le monde lui fait la cour. Elle est en effet recherchée, à cause de sa fortune, par M. Harpin, receveur des tailles, et par M. Thibaudier, conseiller au Parlement; c'est ce dernier qu'elle se décide à épouser.

Les Femmes savantes (1672).
Molière a enfin le loisir de terminer et de faire représenter sur son théâtre une grande comédie en cinq actes et en vers, les Femmes savantes, qui sont comme un agrandissement des Précieuses ridicules. - Le bon bourgeois Chrysale a pour femme Philaminte, et pour filles Armande et Henriette. Philaminte s'est jetée dans le pédantisme avec sa belle-soeur Bélise, et a entraîné dans sa manie sa fille aînée Armande; le plus bel ornement de son salon est Trissotin, poète ridicule et hypocrite. Le jeune Clitandre avait demandé la main d'Armande; mais celle-ci l'ayant fait attendre pendant trois ans, Clitandre reporte son amour dédaigné sur Henriette. Philaminte veut faire épouser Henriette à Trissotin. De là conflit entre le père et la mère. Celle-ci triomphe d'abord, grâce à la faiblesse de Chrysale, et Trissotin semble le maître de la situation; il trône dans ce salon où il fait admirer ses vers, et où il introduit le pédant Vadius. Henriette est en danger d'épouser Trissotin, quand Ariste, frère de Chrysale annonce que la famille est ruinée : aussitôt Trissotin se retire, car il n'en voulait qu'à la dot. La nouvelle était fausse, et destinée seulement à démasquer le bel esprit mercenaire. Philaminte consent alors au mariage d'Henriette et de Clitandre. - Cette comédie soulève toutes les questions que l'époque se posait relatives à l'éducation des femmes. Le point essentiel, pour Molière, c'est que le pédantisme fait perdre aux femmes leurs qualités naturelles, et les détourne de ce que lui et ses contemporains considéraient comme leurs véritables devoirs.
-

Martine, le type de la servante dans les pièces de Molière.
Marie-Thérèse Kolb , vers 1910, de la Comédie Française, 
dans le rôle de de Martine. Voici le type de servante de Molière,
gaillarde et rieuse, que ce soit Dorine, Martine, Toinette ou Nicole. 
Le même costume sera classiquement porté par les servantes au théâtre.

Le Malade imaginaire (1673).
Le Malade imaginaire est une comédie-ballet, composée à l'occasion du retour de Louis XIV vainqueur de la Hollande. Elle ne fut pas représentée à la cour, mais sur le théâtre du Palais-Royal. Elle y obtint un grand succès. C'était la dernière satire de Molière contre les médecins. - Argan est un malade imaginaire : il s'occupe exclusivement de sa santé, et veut marier sa fille Angélique au fils d'un médecin, M. Diafoirus. Il est d'ailleurs poussé à sacrifier ses enfants par sa seconde femme, Béline, qui lui fait faire un testament en sa faveur. Détrompé par son frère Béralde, il finit par consentir au mariage d'Angélique et de Cléante qu'elle aime, mais il se fera lui-même recevoir médecin. De là, une cérémonie, qui est la parodie des réceptions de docteurs à la Faculté, au XVIIe  siècle. C'est aujourd'hui une occasion de faire défiler devant le public tous les artistes du théâtre. - A la quatrième représentation, Molière fut frappé d'une attaque; il put achever son rôle; mais, transporté chez lui, il y mourut. (Ch. des Granges).

.


Dictionnaire Le monde des textes
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
[Aide][Recherche sur Internet]

© Serge Jodra, 2007 - 2018. - Reproduction interdite.