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La nomenclature
complète des oeuvres de Molière
comprend d'abord un certain nombre de petites comédies
ou, pour mieux dire, de farces à l'italienne
qu'on lui attribue avec plus ou moins de vraisemblance; telles sont :
le Docteur amoureux, les Trois Docteurs rivaux, le Maître d'école,
la Jalousie du Barbouillé, le Médecin volant. Les deux
dernières seules ont été conservées, mais elles
ne furent jamais imprimées du vivant de Molière. Viennent
ensuite les pièces authentiques, au nombre de trente et une, imprimées
toutes du vivant de leur auteur et par ses soins, à l'exception
de six ou sept qui parurent en 1682. En voici la liste exacte, avec la
date de la première représentation quand il a été
possible de la déterminer d'une manière précise :
-
N.
B. : L'astérisque (*) signale les pages proposant un ou plusieurs
extraits de l'oeuvre.
On doit bien penser que toutes ces pièces
ne sont pas d'égale valeur; il y a pourtant du génie même
dans les plus grosses farces d'un Molière,
et toutes les productions d'un si grand homme mériteraient d'être
étudiées avec un soin particulier. Mais un volume n'y suffirait
pas; par conséquent, nous devrons nous contenter de jeter sur le
théâtre de Molière un coup d'oeil rapide et nous suivrons
de préférence l'ordre des temps, sauf à rapprocher
les unes des autres, afin d'en mieux faire comprendre le caractère
et la portée, les oeuvres de même nature et celles qui ont
une même origine ou une histoire commune.
-
Molière.
Aperçu du
théâtre de Molière
Les
premières pièces.
Molière n'était déjà
plus un jeune homme quand il commença à composer des pièces
de théâtre. Alors que Rotrou, Thomas
Corneille, Quinault et quelques autres attendirent
à peine leur vingtième année pour devenir des auteurs
dramatiques, Molière âgé de trente-cinq ans n'avait
rien fait encore, car on ne peut mettre en ligne de compte les deux farces
qui ont pour titre la Jalousie de Barbouillé et le Médecin
volant.
En 1650, une comédie vraiment digne
de ce nom ne pouvait manquer d'être écrite en vers et Molière
n'avait alors, suivant toute probabilité, versifié qu'une
traduction de Lucrèce; on ne connaît
de lui, au temps de sa jeunesse, ni un madrigal, ni un sonnet,
ni une épître comme en faisait
La Fontaine. C'est vers 1653, d'autres disent
en 1655, qu'il donna enfin deux comédies en vers, l'Étourdi
et le Dépit amoureux,
comédies d'intrigue sans grande portée, faites l'une et l'autre
à l'imitation des pièces italiennes ou espagnoles et analogues
à bien des égards à celles que Scarron
composait alors. Le rôle principal était dévolu à
un fripon de valet qui s'appelait Mascarille au lieu de se nommer Jodelet,
et les reconnaissances les plus invraisemblables amenaient un dénouement
facile à prévoir. Ce qui donnait aux pièces de Molière
une supériorité réelle sur celles de ses devanciers,
c'était un esprit de meilleur aloi et surtout une versification
plus parfaite. Molière acteur avait dû meubler sa mémoire
d'une infinité de vers; il savait par coeur, hélas! des pièces
entières de Boisrobert, de Scarron,
de Quinault, et à défaut d'autres mérites, ces poètes
étaient de très habiles versificateurs. Molière provincial
s'éleva du premier coup au même niveau que ces maîtres
de la scène parisienne, et quand il revint à Paris,
en 1658, il pouvait se dire à lui-même qu'il ne serait nullement
inférieur aux autres « Messieurs les auteurs ».
L'Étourdi
ou les Contretemps
(1653 ou 1655).
La pièce, en cinq actes et en vers,
est imitée d'une comédie italienne de Nicolo Barbieri, l'Inavvertito
(le Malavisé), qui datait de 1629. Joué d'original
à Lyon, l'Étourdi fut repris
à Paris en 1658, avec un grand succès;
Molière y faisait merveille dans le rôle de Mascarille. -
C'est plutôt une suite de scènes liées qu'une intrigue
construite; mais les situations y dépendent, dans une certaine mesure,
des caractères. En effet, Lélie aime Célie, qui a
été vendue au vieillard Trufaldin par des bohémiens.
Il faudrait à Lélie une assez forte somme d'argent pour délivrer
Célie; c'est à la trouver que s'emploie le génie de
Mascarille, son valet, le fourbe des fourbes (fourbum imperator).
Mais chaque fois que Mascarille a inventé quelque ruse infaillible,
la maladresse et l'étourderie de Lélie la font échouer.
Enfin, tout s'arrange au moyen d'une double reconnaissance, et Lélie
épouse Célie. Le style de l'Étourdi est charmant,
d'une vivacité parfois un peu négligée, mais plein
de verve et toujours scénique.
Le
Dépit amoureux
(1656).
De nos jours, on représente cette
pièce en deux actes. A l'origine, le Dépit amoureux était
en cinq actes, imité d'une comédie
italienne de Nicolo Secchi. La partie que l'on supprime depuis la fin
du XVIIe siècle est un imbroglio
de la plus singulière invraisemblance. On ne conserve que les charmantes
scènes de brouille et de réconciliation, entre Éraste
et Lucile, Marinette et Gros-René. Molière devait souvent
revenir à cette situation; et combien de pièces de son théâtre
pourraient avoir pour sous-titre : le Dépit amoureux, comme
celles de Marivaux sont toutes plus ou moins
des surprises de l'amour.
Les
Précieuses ridicules
(1659).
On appelait alors farce toute comédie
en un acte écrite en prose. Aussi avons-nous un compte rendu de
cette pièce, écrit en 1660 par Mlle des Jardins, sous ce
titre : Récit de la farce des Précieuses. -
Le bourgeois Gorgibus a une fille, Magdelon, et une nièce, Cathos,
qui sont devenues précieuses.
Deux jeunes gentilshommes, La Grange et Du Croisy, ont demandé Magdelon
et Cathos en mariage : celles-ci ne les jugeant pas assez distingués,
ont répondu par un refus. La Grange et Du Croisy pour se venger
envoient chez les précieuses ridicules leurs valets. Mascarille
et Jodelet, qui se font passer pour des hommes du monde et pour de beaux-esprits.
Mais soudain les maîtres reparaissent et obligent les valets à
dépouiller leur déguisement et à se montrer en souquenille
et en veste blanche. On juge de l'humiliation des deux précieuses.
- C'est peut-être à Montpellier,
où Chapelle et Bachaumont
(voir leur Voyage) signalent la présence d'une coterie de
« précieuses de campagne », que Molière observa
les types qu'il a peints dans sa première comédie originale.
Arrivé de la veille à Paris, et d'ayant pas encore ses entrées
dans les salons, il n'aurait pu prendre sur le vif des modèles de
la capitale. D'ailleurs, Mme de Rambouillet
et ses amis applaudirent vivement la pièce de Molière. Cependant,
on sait par Somaize qu'un alcôviste de qualité fit
interdire la pièce pendant quinze jours. Ce petit chef-d'oeuvre
classique n'a jamais quitté le répertoire. C'était
le vrai début de Molière; il pouvait dire, à dater
de 1659: « Je n'ai plus qu'à regarder le monde »; et,
du parterre, une voix lui criait : « Courage, Molière! voilà
la bonne comédie. »
-
André
Brunot, vers 1910, de la Comédie Française,
dans
le rôle de de Mascarille. Remarquez l'air fat du personnage
et
la richesse affectée du costume avec plumes, dentelles, canons
et
petie oie, sans compter l'imposante perruque..
Sganarelle
(1660).
Sganarelle est une farce
en un acte et en vers, fondée sur un quiproquo. C'est la première
fois que paraît (pour se substituer à Mascarille) le type
traditionnel de Sganarelle, trembleur, poltron, battu et content, que l'on
retrouvera dans l'Ecole des maris, le Mariage forcé, Don Juan,
l'Amour médecin et le Médecin malgré lui.
Don
Garcie de Navarre ou le Prince jaloux
(1661).
La jalousie, ridicule dans la farce précédente,
est ici présentée sous un aspect tragique. Don Garcie
est une tentative malheureuse de Molière dans le genre de la «-comédie
héroïque »; la pièce ne réussit pas. Elle
est intéressante aujourd'hui parce que Molière en a tiré
plusieurs passages qu'il a introduits, avec les variantes nécessitées
par la différence des genres, dans le Misanthrope.
L'École
des maris
(1661).
L'École des maris fut, au
contraire, un gros succès. Cette pièce, en trois actes et
en vers, est imitée très librement des Adelphes, de
Térence. Mais Térence comparait
l'éducation donnée à deux jeunes gens, Eschine et
Ctésiphon, par un père trop sévère, Déméa,
et un oncle trop indulgent, Micion. Chez Molière, nous sommes dans
les traditions de la comédie italienne : Sganarelle et Ariste élèvent
chacun une pupille; le premier tient Isabelle dans la plus dure contrainte,
et se la voit enlever par le jeune Valère; Ariste est plein d'indulgence
pour Léonor, gagne sa confiance, s'en fait aimer et l'épouse.
La partie comique et même bouffonne est très développée.
Le titre d'école, qui sera repris par tant d'auteurs dramatiques,
signifie : pièce où l'on s'instruit, où l'on
apprend comment il faut se conduire dans telle ou telle situation.
Les
Fâcheux
(1661).
Les Fâcheux, trois actes
en vers, ont été composés par Molière pour
le surintendant Fouquet. La pièce fut
écrite et apprise en quinze jours, et jouée au château
de Vaux le 17 août 1661, pendant les fêtes que Fouquet donnait
au roi et à la reine-mère. Louis XIV
en fut charmé; il félicita Molière, et lui indiqua
un nouveau type à introduire dans sa comédie, le grand veneur,
M. de Soyecourt. Le 25 août, les Fâcheux furent joués
à Fontainebleau devant la cour,
avec le récit du chasseur. C'est une comédie « à
tiroirs-»; dans un cadre très
large sont introduites un certain nombre de scènes, où apparaissent
des types qui ne reviendront plus. Pas d'autre intrigue que celle-ci :
Eraste, qui aime Orphise, a obtenu d'elle un rendez-vous; il est sans cesse
retardé par des fâcheux ( = importuns), un duelliste, un joueur,
deux bavardes précieuses, un chasseur, un pédant. Enfin Éraste
peut rejoindre Orphise, et leur mariage est décidé. - Molière
a dédié sa pièce au roi.
L'École
des femmes
(1662).
Voici, avec L'École des femmes,
le premier « grand ouvrage » de Molière, celui dont
la nouveauté et l'importance furent si vivement senties qu'il y
eut une querelle de l'École des femmes, comme une querelle
du Cid
et une querelle d'Andromaque. La pièce valut à Molière
d'être inscrit sur l'état des pensions pour une somme de mille
livres. - En apparence du moins, la pièce est plutôt d'intrigue
que de caractères. Arnolphe a une jeune pupille, Agnès, qu'il
veut épouser, et qu'il maintient dans l'ignorance et l'esclavage
pour éviter qu'elle lui échappe. Cependant, un jeune
homme, Horace, fait la cour à l'innocente Agnès; il invente
des stratagèmes pour attirer son attention et mériter son
amour. Et c'est au malheureux Arnolphe lui-même, qu'il ne connaît
pas pour le tuteur d'Agnès, qu'Horace fait confidence de ses succès.
Les précautions nouvelles prises par Arnolphe tournent contre lui,
et tout aboutit au mariage d'Agnès et d'Horace. La pièce
pourrait porter pour épigraphe ces mots de Figaro
: « Voulez-vous donner de l'esprit à la plus sotte? enfermez-la
». Mais, dans cette intrigue, empruntée au conteur italien
Straparole, et dont Scarron avait déjà tiré une nouvelle,
Molière a su peindre des caractères et enfermer une philosophie.
- Les attaques contre l'École des femmes étaient les
unes littéraires (on accusait Molière de plagiat, de manquer
aux règles d'Aristote, etc.), les autres, plus graves, morales (équivoques
grossières, allusions impertinentes à la religion, Molière,
pour répondre à ces critiques, commença par dédier
sa pièce à Henriette d'Angleterre,
duchesse d'Orléans. Puis il composa une petite comédie de
circonstance, afin d'instruire le procès de l'École des
femmes devant le public, seul juge en ces matières.
La
Critique de l'École des femmes
(1663).
L'action de La Critique de l'École
des femmes, un petit acte, se passe dans le salon d'une femme d'esprit,
Uranie. Paraissent des visiteurs, qui les uns attaquent Molière,
les autres le défendent. Le marquis a trouvé la pièce
du dernier détestable; pourquoi? c'est ce qu'il ne daigne pas expliquer.
Le pédant Lysidas la juge mal faite, et la décompose en protase,
épitase et péripétie. La prude Clymène
rougit de son immoralité. Le poète est défendu par
Uranie, par sa cousine Élise, et surtout par le chevalier Dorante,
qui représente Molière lui-même. - A l'oeuvre de Molière,
Visé répondit par Zélinde ou la Véritable
Critique de l'École des femmes, et Boursault
par le Portrait du peintre. C'est dans cette pièce que Molière
nous donne, par la bouche de Dorante, son opinion sur les règles
du théâtre. « Ce ne sont
là, dit-il, que quelques observations que le bon sens a faites sur
ce qui peut ôter le plaisir que l'on prend à ces sortes de
poèmes ... Le même bon sens qui les a faites autrefois les
fait aisément tous les jours, sans le secours d'Horace
et d'Aristote. »
L'Impromptu
de Versailles
(1663).
L'Impromptu de Versailles est un
autre à-propos, joué à Versailles
le 4 octobre de cette même année, et à Paris en novembre.
- Molière se défend contre Visé, Boursault, et les
comédiens de l'Hôtel
de Bourgogne. Dans cette petite pièce, il nous ouvre les
coulisses de son theâtre; nous l'y voyons comme directeur et comme
acteur; et autour de lui, tous ses artistes, sous leur vrai nom, avec leur
caractère, s'agitent, discutent et, tout en répétant
une pièce nouvelle, provoquent ses conseils, ou ses remontrances.
L'Impromptu est précédé d'une dédicace
au roi, en vers, qui est un portrait aussi hardi que piquant du marquis
à la mode.
Le
Mariage forcé
(1664).
Le Mariage forcé fut écrit
pour la cour, et représenté avec des ballets
dont Lulli composa la musique.
Parmi les danseurs on voyait le duc de Saint-Aignan, le duc d'Enghien,
le marquis de Villeroi, et Louis XIV. - Sganarelle, bourgeois âgé
et ridicule, doit épouser Dorimène, jeune coquette, fille
du seigneur Alcantor. Mais il lui vient des doutes sur l'opportunité
de ce mariage; il consulte successivement le philosophe
aristotélicien Pancrace et le philosophe
pyrrhonien Marphurius : mais il n'obtient aucune réponse. Toutefois,
il va rendre sa parole au seigneur Alcantor. Mais Alcidas, frère
de Dorimène et duelliste éprouvé veut obliger Sganarelle
à se battre avec lui. Sganarelle consent finalement à ce
mariage forcé. - Aujourd'hui, le Mariage forcé est
toujours joué sans les ballets; on n'en apprécie que mieux
la saveur comique, notamment dans les scènes où Sganarelle
consulte les deux philosophes. Molière héritait ici de ce
qu'il y a de plus sensé dans Rabelais.
La
Princesse d'Élide
(1664).
La même année, Molière
écrit encore pour les fêtes données
à la cour une comédie-ballet, la Princesse d'Élide.
La Princesse est demandée en mariage par Aristomène,
prince de Messène, et par Théocle,
prince de Pyle. Mais elle aime le prince d'Ithaque, Euryale; et celui-ci
aime la princesse. Les deux amants, aussi fiers l'un que l'autre, ne veulent
pas se déclarer. Il en résulte une série de fausses
confidences qui souvent ne manquent pas de finesse et font songer à
Marivaux. Enfin, la princesse, apprenant que
celui qu'elle aime se prépare à épouser sa cousine
Aglante, dompte son orgueil. Un rôle comique, celui du bouffon
Moron (joué par Molière) vient égayer ces subtiles
discussions galantes. Des intermèdes,
où la musique a une part ingénieuse, coupent agréablement
ces actes un peu traînants. - Molière ne mit en vers que le
premier acte et une partie de la première partie du second; pressé
par le temps, il écrivit le reste en prose.
Le
Tartuffe
(1664).
Voici en quelques mots le sujet de la
pièce : Orgon est un bourgeois, remarié à Elmire,
et qui a de son premier mariage un fils, Damis, et une fille, Mariane.
Sa mère, Mme Pernelle, demeure avec lui. Orgon a toujours été
un homme intelligent, et il s'est comporté pendant les troubles
de la Fronde comme un brave et loyal sujet. Mais il a fait la rencontre
d'un certain Tartuffe (ou Tartufe), qui se présente à lui
sous les dehors du plus parfait dévot; il s'en est entiché,
au point de lui donner l'hospitalité, de lui confier ses secrets,
et de lui promettre la main de sa fille. Quand la pièce commence
on voit la famille jusqu'alors très unie, divisée en deux
camps, pour et contre Tartuffe. En vain le frère d'Orgon, Cléante,
lui conseille de se défier de cet hypocrite; en vain Damis surprend
Tartuffe en train de déclarer son amour à Elmire; rien ne
peut dessiller les yeux d'Orgon, qui chasse son fils, veut contraindre
Mariane à ce mariage odieux, et fait une donation de ses biens à
Tartuffe. Cependant, grâce à une ruse d'Elmire, Orgon finit
par se convaincre de la scélératesse du faux dévot,
et il veut le mettre à la porte. Mais Tartuffe, muni de l'acte de
donation, va spolier la famille et faire arrêter Orgon, quand heureusement
l'intervention du Roi amène la punition du coupable. - L'histoire
de la pièce est curieuse. Le Tartuffe fut d'abord représenté
le 12 mai 1664 à la cour, en trois actes; la pièce était-elle
complète sous cette première forme ou inachevée? On
ne sait. Cependant, à la demande d'Anne
d'Autriche et de l'archevêque de Paris, le roi n'en permit pas
la représentation publique; et Molière allait en faire des
lectures dans les salons; on jouait même Le Tartuffe chez
Monsieur et chez la Princesse Palatine. Le 5 août 1667, Molière
est autorisé à jouer sa pièce : il y a apporté
quelques changements (que nous connaissons avec une certaine précision
par la Lettre sur la comédie de l'imposteur, écrite par
un spectateur), et il compte sur un grand succès. Mais, le lendemain
6 août, Le Tartuffe est interdit par M.
de Lamoignon, premier président du Parlement. Le roi était
alors en Flandre. Molière lui adresse,
par deux de ses comédiens, La Grange et
La Thorillière, un placet, qui reste sans effet immédiat.
C'est seulement le 5 février 1669 que Le Tartuffe est définitivement
autorisé. La pièce est de celles qui soulèvent les
questions les plus délicates.
Don
Juan ou le Festin de pierre
(1665).
Après la première interdiction
du Tartuffe, Molière fut obligé d'écrire à
la hâte une pièce capable d'attirer le public. On jouait alors,
chez les Comédiens italiens, à l'Hôtel de Bourgogne,
dans le Marais, des imitations ou adaptations du Don Juan de Tirso
de Molina; le sujet faisait fureur. Molière eut donc, lui aussi,
son Don Juan. Il traduisit assez singulièrement le titre
de la comédie des Italiens, Il Convitato di pietra (le
Convié de pierre) en le Festin de pierre. - Don
Juan est le « grand seigneur méchant homme », qui
se joue de Dieu et des hommes. Il a quitté sa femme, Elvire pour
faire un autre mariage avec une jeune fille qu'il veut enlever à
son fiancé. Une tempête jette Don Juan et son valet, Sganarelle,
sur une côte; ils sont recueillis par des paysans, et Don Juan fait
aussitôt la cour à deux filles de la campagne, Charlotte et
Mathurine. Cependant il est poursuivi par le frère d'Elvire; un
hasard fait que Don Juan délivre ce gentilhomme d'une attaque de
brigands; et Don Carlos lui accorde la vie. Don Juan arrive ensuite devant
le tombeau du Commandeur, qu'il a tué jadis; il s'adresse à
sa statue et l'invite à dîner; la statue fait un signe d'acquiescement.
A l'acte suivant on voit le commandeur qui se rend à l'invitation
de Don Juan, qui s'assied à sa table, et qui lui demande de venir
à son tour souper avec lui. Don Juan va au rendez-vous; mais alors
la terre s'entrouvre, il en sort des flammes et Don Juan est englouti dans
l'Enfer. - Le Don Juan de Molière
est la première de ses grandes pièces en cinq actes qui soit
écrite en prose. Le public ne l'en accueillit pas moins avec faveur.
Il applaudit particulièrement les passages qui lui rappelaient LeTartuffe,
et surtout, au Ve acte, la tirade sur l'hypocrisie.
Mais les ennemis de Molière furent scandalisés de la hardiesse
de certaines scènes, et Molière dut faire des corrections.
En 1677, Thomas Corneille mit en vers
le Don Juan de Molière ; il en adoucit les passages scabreux;
et c'est sous cette forme que la pièce fut jouée jusqu'en
1840.
L'Amour
médecin
(1665).
L'Amour médecin, comédie-ballet,
musique de Lulli, est une des premières pièces où
Molière attaque et ridiculise les médecins. C'est une refonte
du Médecin volant, farce que Molière avait composée
en province. - Un riche et avare bourgeois, Sganarelle, a une fille, Lucinde,
et cette fille est malade. Il consulte ses voisins; ceux-ci lui donnent
tous des conseils intéressés (« Vous êtes orfèvre,
monsieur Josse »). Lucinde demande simplement à son père
de la marier. Mais Sganarelle ne veut rien entendre; il est trop avare
pour doter sa fille, et il aime mieux consulter quatre médecins;
ceux-ci ordonnent des remèdes contradictoires. Alors arrive Clitandre,
le jeune homme qui aime Lucinde; il est déguisé en médecin
et il persuade au père que sa fille est folle, et qu'il faut feindre
de la marier avec lui. Et la pièce s'achève par I'enlèvement
de Lucinde. - Il y a dans l'Amour médecin un deuxième
acte bout à fait remarquable, qui contient la consultation des quatre
médecins, parodie spirituelle et toujours exacte.
Le
Misanthrope
(1666).
Alceste hait tous
les hommes, auxquels il reproche leur manque de franchise; il voudrait
bannir de la société toutes les conventions hypocrites. Son
ami Philinte, au contraire, prend tout doucement les hommes comme ils sont.
Or, Alceste, par une singulière contradiction, aime une jeune veuve
coquette et médisante, Célimène. L'action de la pièce,
très simple, est constituée par ceci : Alceste vient chez
Célimène, pour la mettre en demeure de lui dire si elle veut,
oui ou non, l'épouser; et il en est toujours empêché.
- Au premier acte, il attend Célimène : arrive un gentilhomme
bel esprit, Oronte, qui lui lit un sonnet. Alceste trouve le sonnet détestable,
il le lui dit; Oronte se fâche : il va en résulter un duel,
et Alceste sort sans voir Célimène. - Il revient, au second
acte, avec elle; on annonce des visites; Alceste voudrait attendre, pour
s'expliquer en tête-à-tête avec Célimène
: mais on vient le demander de la part des maréchaux pour arranger
son duel. - Au troisième acte, nouvel obstacle : Alceste est chez
CéIimène, quand arrive la prude Arsinoé qui lui promet
de lui remettre une lettre écrite par Célimène à
Oronte : Alceste, jaloux, suit Arsinoé. - Au quatrième acte,
après une scène violente, Alceste va enfin, semble-t-il,
obtenir une réponse de Célimène, quand son valet Dubois
vient le chercher pour son procès. - Enfin, au cinquième
acte, Célimène est confondue par tous ceux à qui elle
a écrit des billets et qui se les sont montrés. Alceste,
plus généreux, offre à Célimène de l'épouser,
pourvu qu'elle consente à quitter le monde; comme elle hésite,
il la refuse, et déclare qu'il va « chercher
sur la terre un endroit écarté où d'être homme
d'honneur on ait la liberté ».
- Le Misanthrope n'est plus compris aujourd'hui comme au XVIIe
siècle. Alceste était alors considéré comme
un très honnête homme sans doute, mais comme un ridicule.
De là, les critiques de Fénelon
(Lettre à l'Académie) et de J.-J.
Rousseau (Lettre à d'Alembert). Nous avons fait de lui
un héros romantique. Avec son action
très simple, où tous les incidents sortent du caractère
principal, avec son style toujours approprié aux personnages, avec
la morale si haute et si complexe qui s'en dégage, le Misanthrope
est considéré comme le chef-d'oeuvre de Molière. Le
succès en fut d'abord un peu hésitant; mais la pièce
s'imposa et prit le premier rang.
Le
Médecin malgré lui
(1666).
On prétend que Molière dut
composer la farce du Médecin malgré lui pour soutenir
le Misanthrope, qui n'attirait pas le public. Mais la petite pièce
n'accompagna la grande qu'à partir de la vingt-quatrième
représentation. Ce dut être pour les spectateurs un singulier
régal que de voir, dans la même représentation, Molière
jouer les fureurs d'Alceste et les drôleries de Sganarelle. - On
sait que Molière a profité, pour son Médecin malgré
lui, du fabliau le Vilain Mire (le Paysan médecin).
- Sganarelle est un bûcheron qui boit tout ce qu'il gagne, et qui
bat sa femme, Martine. Celle-ci rumine un moyen de se venger. Elle est
abordée par deux personnages qui cherchent un médecin pour
la fille de Géronte, Lucinde. Martine leur dit que son mari est
un grand médecin, mais qu'il ne l'avoue que s'il a été
bien battu. Sganarelle, après avoir reçu force coups, consent
à se dire médecin. On le mène chez Géronte,
qu'il éblouit par son bavardage, et il feint de diagnostiquer la
maladie de Lucinde : la jeune fille est devenue muette; C'est un mauvais
tour qu'elle joue à son père, parce que celui-ci réfuse
de lui laisser épouser Léandre. Sganarelle s'entend avec
Léandre; celui-ci se déguise en apothicaire, et peut ainsi
pénétrer jusqu'à Lucinde qu'il enlève. Géronte,
furieux, veut faire pendre Sganarelle; mais les deux fugitifs reviennent,
et comme Léandre vient d'hériter de son oncle, Géronte
ne voit plus d'obstacle au mariage.
-
Un
médecin de Molière (Dranem à l'Odéon, vers
1910).
-
Voici le costume traditionnel du médecin grotesque, avec la robe
noire,
la
fraise et le grand chapeau à demi-pointu.
Mélicerte,
la Pastorale comique,
et
le Sicilien
(1666-1667).
Il faut grouper ici trois pièces
écrites par Molière pour les fêtes données à
la cour, du 2 décembre 1666 au 20 février 1667. Dans le
Ballet des Muses, imaginé par Benserade,
ballet qui se compose de treize entrées, et où l'on vit danser
Louis XIV, Henriette d'Angleterre, Mlle de la Vallière et Mme
de Montespan, Molière fut chargé de la troisième
entrée, pour laquelle il fit Mélicerte, comédie-pastorale
héroïque. - Mélicerte fut bientôt remplacée
par la Pastorale comique; puis on ajouta une quatorzième
entrée, où Molière plaça le Sicilien ou
l'Amour peintre.
Amphitryon
(1668).
L'Amphitryon de Molière
est une imitation, et presque une adaptation en vers libres, de la comédie
latine de Plaute. Déjà Rotrou en
avait donné une version française dans les Sosies
(1650). - Pendant l'absence d'Amphitryon,
général thébain, Jupiter
a
pris sa figure et s'est installé
chez lui. De même, Mercure se fait passer
pour Sosie, valet d'Amphitryon. Quand le maître et l'esclave reviennent,
ils se trouvent en présence d'un autre Amphitryon et d'un autre
Sosie. De là des quiproquos, que Jupiter dénoue, en se revélant.
- Molière a inventé le personnage de Cléanthis, la
femme de Sosie, pour établir un parallélisme complet, et
il a prêté plus de dignité à Alcmène.
George
Dandin
(1668).
La même année, George
Dandin nous ramène à la farce, mais à une farce
telle que seul pouvait l'écrire l'auteur du Misanthrope.
Là il reprenait, pour la transformer en trois actes, la pochade
intitulée la Jalousie du Barbouillé. Le bourgeois
Dandin a épousé
Angélique de Sottenville, fille
d'un gentilhomme ruiné. Angélique est une coquette, qui se
laisse courtiser par Clitandre. Dandin veut mettre fin a ce manège;
mais il est dupe de toutes ses précautions. et c'est lui qui est
obligé de faire des excuses à sa femme et à son beau-père.
Il reconnaît dans son malheur la juste punition de sa vanité
: « Tu l'as voulu, George Dandin!... ». - George Dandin
fut joué pendant les fêtes données à Versailles
pour célébrer la conquête de la Franche-Comté.
L'Avare
(1668).
Et toujours en 1668, Molière écrit
une nouvelle pièce en cinq actes, mais en prose, un de ses chefs-d'oeuvre,
l'Avare, puisé à diverses sources, entre autres l'Aululaire
de Plaute et les Esprits de Larivey. Plaute
avait représenté dans l'Aululaire un pauvre homme,
Euclion, qui, ayant découvert dans son foyer une marmite pleine
d'or, devient défiant et inquiet, comme le savetier de La
Fontaine, et qui guérit de son mal quand il s'est débarrassé
de sa marmite pour doter sa fille. Molière nous peint en Harpagon
un véritable avare, c'est-à-dire un homme très riche
qui n'ose rien dépenser et qui continue à s'enrichir par
l'usure. Harpagon a un fils à qui il refuse de l'argent, et qui
en emprunte à gros intérêts; une fille qu'il veut marier
sans dot à un vieux gentilhomme, et qui a signé une promesse
de mariage à Valère, intendant d'Harpagon. Il veut lui-même
se remarier avec la jeune Mariane, et cet amour ne lui inspire aucun acte
de générosité. La Flèche, le valet de Cléante,
fils de l'avare, vole au père une cassette contenant 10.000
écus, et ne consent à la rendre que si Harpagon renonce à
Mariane aimée de Cléante. Enfin, une reconnaissance termine
la pièce : Mariane et Valère sont les enfants du seigneur
Anselme qui devait épouser Elise. Il y aura deux mariages assortis
: Mariane et Cléante, Élise et Valère. Quant à
l'avare, il ira « revoir sa chère cassette ».
-
Harpagon
volé (Charles Dullin au théâtre du Vieux-Colombier,
vers 1910).
-
Le geste et surtout la physionomie de l'acteur expriment admirablement
la
détresse d'Harpagon. Il crie, il est fou...
Monsieur
de Pourceaugnac
(1669).
Pour la cour, qui séjournait à
Chambord, Molière compose Monsieur
de Pourceaugnac, comédie-ballet en trois actes, où les
souvenirs de sa vie de province sont plus vifs qu'en aucune autre pièce.
La satire des médecins y devient très
mordante. - M. de Pourceaugnac est un gentilhomme limousin, tout à
fait ridicule, qui vient à Paris pour épouser Julie, fille
d'Oronte. Mais Julie aime Eraste, dont le valet Sbrigani entreprend d'évincer
M. de Pourceaugnac. Le meilleur des tours qu'il lui joue est celui-ci :
il fait venir deux médecins à qui il annonce que Pourceaugnac
est fou. Les médecins, dans une consultation qui est un chef-d'oeuvre
(comme celle de l'Amour médecin), déclarent qu'en
effet le Limousin est un fou dangereux : et ils le font traiter en conséquence.
Puis on persuade à Oronte que Pourceaugnac était déjà
marié; et celui-ci est menacé d'être pendu comme bigame.
- Enfin, excédé, il quitte la place; et Julie pourra épouser
Eraste.
Les
Amants magnifiques
(1670).
C'est pour les fêtes de Saint-Germain
que Molière donne au roi les Amants magnifiques (magnifique
signifie généreux. Cf. Laurent
le Magnifique), musique de Lulli. Le sujet de cette pièce
en avait été donné par le roi lui-même :
« Deux princes rivaux, par une belle émulation, régalent,
dans la vallée de Tempé, la princesse Eriphile et sa mère
de tout ce que l'imagination peut leur fournir de plus galant ».
Molière composa ce divertissement royal dans le goût de Don
Sanche d'Aragon (de Corneille) et de la
Princesse d'Elide.
Le
Bourgeois gentilhomme
(1670).
Puis, la cour se transporte de nouveau
à Chambord, où Molière est appelé, et où
il fait jouer le Bourgeois gentilhomme, comédie-ballet, avec
musique de Lulli. - M. Jourdain, riche bourgeois dont le père s'est
enrichi en vendant du drap, veut faire l'homme de qualité. Il prend
un maître de musique, un maître à danser, un maître
d'armes, un maître de philosophie. Il se laisse escroquer de l'argent
par Dorante, qui «-parle de lui dans
la chambre du Roi ». Il ne veut marier sa fille Lucile, qu'à
un gentilhomme. - Cependant, Covielle, valet de Cléante qui aime
Lucile, invente un stratagème burlesque pour duper M. Jourdain.
Il lui présente Cléante comme le fils du Grand Turc venu
pour épouser sa fille. M. Jourdain, très flatté, se
fait recevoir mamamouchi, et accorde la main de Lucile à Cléante.
- Le divertissement turc, qui termine la pièce, était
alors une sorte d'actualité; la turquerie était à
la mode, et Molière obtint des renseignements exacts sur les Turcs
par Laurent d'Arvieux, qui revenait d'Orient.
Psyché
(1671).
Psyché, autre « divertissement
», tragédie-ballet représentée aux Tuileries.
Molière tira cette pièce d'une fable racontée par
Apulée dans ses Métamorphoses,
et déjà mise en ballet par Benserade en 1656, puis en roman
par La Fontaine en 1671. Voici comment il la dispose Psyché
est une jeune fille si belle que Vénus
en est jalouse et demandé à l'Amour de la punir : la scène
entre l'Amour et Vénus forme le prologue. On voit les deux soeurs
de Psyché, Aglaure et Cidippe, qui sont jalouses d'elle. Arrivent
deux princes qui font la cour à Psyché, mais un messager
vient chercher la jeune fille de la part de son père. Celui-ci a
reçu des dieux l'ordre d'exposer sa fille dans un désert
où elle sera dévorée par un monstre; il exprime sa
douleur, et il la quitte; mais le monstre est l'Amour qui, touché
par la beauté de Psyché, la transporte en un palais magnifique,
et devient son époux. Il ne met qu'une condition à la durée
de ce bonheur, c'est que Psyché ne lui demandera jamais son nom.
Psyché, poussée par ses soeurs, insiste auprès de
l'Amour pour savoir qui il est; l'Amour disparaît à ses yeux,
et le palais fait place au désert. Vénus, touchée
par les larmes de l'Amour, intervient; elle obtient de Jupiter la grâce
de Psyché. - Molière n'a écrit de cette pièce
que le premier acte, la première scène de l'acte II, la première
scène de l'acte III; le reste a été écrit,
sur le plan que Molière avait arrêté, par Corneille;
Quinault avait fait les vers destinés au chant.
Les
Fourberies de Scapin
(1671).
Cette comédie, en trois actes et
en prose, est imitée du Phormion de Térence.
Molière y revient aux valets italiens et y reprend encore une farce
de son répertoire primitif : Gorgibus dans le sac, imitée
d'une célèbre tabarinade. - En l'absence de son père
Argante, Octave a épousé une jeune tille pauvre et de naissance
inconnue, Hyacinte; son ami Léandre, fils de Géronte, veut
épouser Zerbinette. Les deux pères reviennent Argante, qui
destinait à son fils une fille de Géronte, veut faire casser
le mariage d'Octave et de Hyacinte; et Géronte est furieux des projets
de son fils Léandre, à qui il refuse d'épouser Zerbinette
celle-ci, d'ailleurs, enlevée dès son jeune âge par
des Égyptiens, ne peut être délivrée qu'au prix
d'une forte somme d'argent. Le valet Scapin promet aux deux jeunes gens
de les tirer d'affaire. Par ses fourberies, il arrache aux deux vieillards
l'argent nécessaire; puis il se venge de Géronte, en le rouant
de coups (scène du sac). Heureusement que Géronte reconnaît
sa fille dans Hyacinte, et Argante la sienne dans Zerbinette. Tout le monde
pardonne à Scapin.
-
Type
de Spadassin dans le théâtre du XVIIe siècle (Jacques
Fenoux, de la
Comédie
française, dans le role de Comediante, vers 1910). Une grande
rapière,
un chapeau à plumes menaçantes, un costume soldatesque et
des
yeux terribles, tels sont les attributs du Spadassin, qui dans la comédie
tient
du Matamore et de Scapin.
La
Comtesse d'Escarbagnas
(1672).
Molière est chargé d'organiser
des fêtes à Saint-Germain en l'honneur du mariage de Monsieur
frère du roi. Il arrange une sorte de Ballet des ballets,
où il intercale les intermèdes de Psyché, de
George Dandin, de la Pastorale comique, du Bourgeois gentilhomme.
Le tout est assez lâchement relié par une pastorale,
aujourd'hui perdue. Enfin, y figuraient quelques scènes dialoguées,
qui forment la Comtesse d'Escarbagnas. Là encore, on peut
retrouver quelques souvenirs des ridicules de province. Une ridicule
comtesse, d'Angoulême, s'imagine,
comme la Bélise des Femmes savantes, que tout le monde lui
fait la cour. Elle est en effet recherchée, à cause de sa
fortune, par M. Harpin, receveur des tailles, et par M. Thibaudier, conseiller
au Parlement; c'est ce dernier qu'elle se décide à épouser.
Les
Femmes savantes
(1672).
Molière a enfin le loisir de terminer
et de faire représenter sur son théâtre une grande
comédie en cinq actes et en vers, les Femmes savantes, qui
sont comme un agrandissement des Précieuses ridicules. -
Le bon bourgeois Chrysale a pour femme Philaminte, et pour filles Armande
et Henriette. Philaminte s'est jetée dans le pédantisme avec
sa belle-soeur Bélise, et a entraîné dans sa manie
sa fille aînée Armande; le plus bel ornement de son salon
est Trissotin, poète ridicule et hypocrite. Le jeune Clitandre avait
demandé la main d'Armande; mais celle-ci l'ayant fait attendre pendant
trois ans, Clitandre reporte son amour dédaigné sur Henriette.
Philaminte veut faire épouser Henriette à Trissotin. De là
conflit entre le père et la mère. Celle-ci triomphe d'abord,
grâce à la faiblesse de Chrysale, et Trissotin semble le maître
de la situation; il trône dans ce salon où il fait admirer
ses vers, et où il introduit le pédant Vadius. Henriette
est en danger d'épouser Trissotin, quand Ariste, frère de
Chrysale annonce que la famille est ruinée : aussitôt Trissotin
se retire, car il n'en voulait qu'à la dot. La nouvelle était
fausse, et destinée seulement à démasquer le bel esprit
mercenaire. Philaminte consent alors au mariage d'Henriette et de Clitandre.
- Cette comédie soulève toutes les questions que l'époque
se posait relatives à l'éducation des femmes. Le point essentiel,
pour Molière, c'est que le pédantisme fait perdre aux femmes
leurs qualités naturelles, et les détourne de ce que lui
et ses contemporains considéraient comme leurs véritables
devoirs.
-
Marie-Thérèse
Kolb , vers 1910, de la Comédie Française,
dans
le rôle de de Martine. Voici le type de servante de Molière,
gaillarde
et rieuse, que ce soit Dorine, Martine, Toinette ou Nicole.
Le
même costume sera classiquement porté par les servantes au
théâtre.
Le
Malade imaginaire
(1673).
Le Malade imaginaire est une comédie-ballet,
composée à l'occasion du retour de Louis XIV vainqueur de
la Hollande. Elle ne fut pas représentée
à la cour, mais sur le théâtre du Palais-Royal.
Elle y obtint un grand succès. C'était la dernière
satire de Molière contre les médecins. - Argan est un malade
imaginaire : il s'occupe exclusivement de sa santé, et veut marier
sa fille Angélique au fils d'un médecin, M. Diafoirus. Il
est d'ailleurs poussé à sacrifier ses enfants par sa seconde
femme, Béline, qui lui fait faire un testament en sa faveur. Détrompé
par son frère Béralde, il finit par consentir au mariage
d'Angélique et de Cléante qu'elle aime, mais il se fera lui-même
recevoir médecin. De là, une cérémonie, qui
est la parodie des réceptions de docteurs à la Faculté,
au XVIIe siècle. C'est aujourd'hui
une occasion de faire défiler devant le public tous les artistes
du théâtre. - A la quatrième représentation,
Molière fut frappé d'une attaque; il put achever son rôle;
mais, transporté chez lui, il y mourut. (Ch. des Granges). |
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