Michel Serres

Michel Serres (1930-2019).
Image générée par une IA (Open Dall-e).

Serres grandit dans une famille modeste. En 1949, il entre à l'École Navale, où il reçoit une formation d'officier de marine. Il quitte l'École Navale trois ans plus tard et rejoint l'École Normale Supérieure (ENS) à Paris, où il se concentre sur les mathématiques, la philosophie et la littérature. Pendant ses études à l'ENS, il rencontre des intellectuels influents de l'époque, ce qui l'inspire dans son travail futur.

Après avoir obtenu son agrégation de philosophie en 1955, Serres commence à enseigner dans divers lycées français. Il devient officier de marine pour une courte période avant de revenir à la vie académique et, en 1963, soutient sa thèse de doctorat intitulée Le Système de Leibniz et ses modèles mathématiques sous la direction de Gaston Bachelard. L'ouvrage, plublié cinq ans plus tard, interroge les liens entre la philosophie de Leibniz et les mathématiques et  marque le début de sa reconnaissance dans le milieu académique.

Commence ensuite la publication de sa série Hermès, qui rassemble des essais centrés sur la philosophie de la communication, l'histoire des sciences, et la culture. Serres y analyse comment les concepts de communication, d'échange, et de symbolisme influencent la société moderne.

• Hermès I : La communication (1969). - Ce livre est le point de départ d'une analyse approfondie des mécanismes de communication et de leur impact sur la société. Serres commence par définir la communication comme un processus fondamental dans la structuration de la société et des relations humaines. Il analyse comment les mécanismes de communication sont essentiels pour l'échange d'informations, la construction de savoirs, et la création de liens sociaux. Le livre montre comment la communication est liée à la signification et à l'interprétation des messages. Serres s'intéresse à la manière dont les significations sont transmises et comprises à travers différents canaux de communication. Hermès, le dieu des échanges, des messages, et des voyages dans la mythologie grecque, est utilisé pour symboliser les dynamiques de la communication. Hermès représente les processus de médiation et d'échange, et Serres utilise cette figure pour illustrer les mécanismes par lesquels les messages circulent. Il examine comment Hermès, en tant que médiateur entre les dieux et les humains, incarne le rôle de facilitateurs de la communication, soulignant l'importance de la médiation dans la transmission des messages. Le livre analyse les différents modèles de communication, en mettant l'accent sur les technologies de communication disponibles à l'époque et leur impact sur les processus de médiation et de transmission des messages. Serres se penche sur les modes d'échange d'informations et sur la manière dont ces échanges influencent les interactions sociales et les structures sociales. Il questionne la manière dont la communication façonne les relations sociales et les structures sociales. Le philosophe s'intéresse en particulier à la manière dont les mécanismes de communication influencent les dynamiques de pouvoir, les hiérarchies sociales, et les interactions entre les individus. Il analyse comment la communication contribue à la construction et au maintien des structures sociales et des institutions. Michel Serres propose ainsi une réflexion philosophique sur la nature de la communication, en examinant les questions liées à la signification, à l'interprétation, et à la médiation. Il montre comment la communication est à la fois un outil de transmission et un élément constitutif de la réalité sociale. Son approche est interdisciplinaire. Elle combine des perspectives issues de la philosophie, de la linguistique, de la sociologie, et des sciences de la communication pour offrir une vue complète du phénomène de communication.

•  Hermès II : L'interférence (1972). - Dans ce livre, Serres approfondit la manière dont les différents systèmes et processus interagissent et se chevauchent, affectant ainsi la compréhension et la transmission des informations. Il introduit le concept d'interférence comme phénomène où des systèmes ou des processus entrent en interaction, créant des effets imprévus ou des  perturbations. Serres analyse comment ces interactions peuvent influencer la communication et la transmission des savoirs. Il examine comment l'interférence peut se manifester dans différents contextes, qu'il s'agisse de communication linguistique, de systèmes technologiques, ou de processus sociaux, et comment l'interférence peut affecter la clarté et l'efficacité de la communication. Il montre comment les messages peuvent être modifiés, déformés ou brouillés en raison de diverses formes d'interférence.

• Hermès III : La traduction (1974). - Ce livre aborde le concept de traduction en tant que phénomène fondamental dans la communication, la culture et la pensée. Dans ce volume, Serres analyse comment la traduction intervient dans la médiation des idées, des cultures et des savoirs. Il examine comment la traduction implique une interprétation, non seulement des mots mais aussi des significations et des contextes culturels. La traduction est vue comme un acte créatif et dynamique qui transforme les idées. 

• Hermès IV : La distribution (1977). - Ce livre approfondit le concept de distribution. Serres définit la distribution comme le processus par lequel les biens, les ressources, et les informations sont répartis au sein d'une société. Il analyse comment cette répartition affecte les structures sociales, économiques et culturelles et étudie les différents mécanismes de distribution (systèmes de marché, structures administratives, et  réseaux sociaux). Serres examine comment ces mécanismes influencent la manière dont les ressources sont allouées et utilisées. Il s'intéresse à la manière dont les réseaux sociaux et les relations interpersonnelles jouent un rôle dans la distribution des ressources et des informations. Il analyse comment ces réseaux influencent la manière dont les biens et les savoirs sont partagés. Le livre aborde aussi les questions éthiques liées à la distribution des ressources et des biens, en considérant les implications de ces processus pour la justice sociale et l'équité.

• Hermès V : Le passage du Nord-Ouest (1980. -  Ce volume conclut la série en introduisant le concept du "passage" comme  mécanisme essentiel de transition entre différents états, contextes, ou systèmes. Michel Serres montre comment ces passages sont cruciaux pour comprendre les processus de changement et de transformation dans la société et la pensée. Il examine comment les passages jouent un rôle dans l'histoire, la culture, et la société, en facilitant le mouvement entre différents niveaux de réalité ou de connaissance. Le titre fait référence à une route historique et géographique, le Passage du Nord-Ouest, qui symbolise les passages entre différents mondes ou espaces. Serres utilise le concept du passage pour montrer comment les limites et les frontières sont franchies et comment ces transitions influencent les processus de communication et de transformation. Il examine comment les processus de passage influencent les dynamiques sociales, culturelles, et cognitives, en facilitant la création de nouvelles connections et la transformation des structures existantes.

Serres devient professeur à l'Université Stanford en 1990. Il y a enseignera jusqu'en 2007. Son style d'enseignement et ses idées attirent de nombreux étudiants et chercheurs. En 1991, il est élu à l'Académie française. En 1992, il fait paraître Le Contrat Naturel, où il  propose une nouvelle éthique écologique et une relation renouvelée entre l'humanité et la nature. Viennent ensuite, en 1994, Éclaircissements (avec Bruno Latour), qui aborde les rapports entre la science, la technologie et la société et, en 1997, Nouvelles du monde, un livre qui rassemble plusieurs de ses réflexions sur la mondialisation et les transformations culturelles contemporaines.

• Le Contrat Naturel. - Dans ce livre, Serres aborde des questions  concernant la relation entre l'humanité et la nature. Michel Serres propose l'idée d'un "contrat naturel", un accord implicite entre les humains et la nature. Ce contrat est censé définir les responsabilités des humains envers l'environnement et la manière dont ils doivent interagir avec la nature pour assurer un équilibre durable. Il s'agit d'un appel à la responsabilité écologique, suggérant que les actions humaines doivent respecter les limites et les besoins de la nature pour maintenir l'équilibre écologique. Serres compare son idée avec le contrat social de penseurs comme Jean-Jacques Rousseau et Thomas Hobbes, qui ont défini les relations sociales et politiques entre les individus. Il critique la vision anthropocentrique et propose que le contrat social devrait inclure des obligations envers la nature. Le philosophe montre comment les actions humaines impactent l'environnement et comment les sociétés modernes souvent négligent les effets de leurs activités sur la nature. Il appelle à une réévaluation des pratiques humaines pour aligner la société avec les principes de durabilité écologique. L'ouvrage soulève des questions éthiques sur la manière dont les humains doivent traiter le monde naturel. Serres insiste sur le fait que les choix humains doivent être guidés par une conscience écologique, et non seulement par des intérêts économiques ou politiques à court terme. Il propose des idées sur la manière de réconcilier la modernité avec les besoins écologiques et suggère des politiques et des pratiques pour promouvoir une meilleure coexistence entre les humains et la nature.

• Petite Poucette. - Ce texte est une réflexion sur les impacts des nouvelles technologies sur la société contemporaine, en particulier sur les jeunes générations. Michel Serres utilise le personnage de Petite Poucette comme une métaphore pour montrer comment les enfants et les adolescents d'aujourd'hui interagissent avec les technologies numériques et comment ces interactions influencent leur manière de penser, de communiquer et de vivre. Petite Poucette est un personnage inspiré du conte classique de Charles Perrault, Le Petit Poucet, mais réinterprété pour représenter les jeunes de la génération numérique. Elle symbolise les enfants qui grandissent dans un monde dominé par les écrans, les réseaux sociaux, et les nouvelles technologies. Petite Poucette est décrite comme étant connectée et habile avec les nouvelles technologies. Elle est représentée comme étant immergée dans un univers numérique qui façonne sa façon de penser et d'interagir avec le monde. Serres analyse comment les nouvelles technologies, notamment Internet, les smartphones, et les réseaux sociaux, transforment les modes de communication. Il examine les changements dans les relations interpersonnelles, la manière dont les jeunes s'expriment, et les nouvelles formes de sociabilité. Le livre discute également de l'impact des technologies sur la cognition et la manière dont les jeunes acquièrent et traitent l'information. Il réfléchit à la manière dont les outils numériques modifient les processus d'apprentissage et de réflexion. Le livre propose une réflexion philosophique sur les effets des technologies numériques sur l'identité individuelle et collective. Serres s'interroge sur la manière dont la technologie façonne la perception de soi et la relation avec les autres.