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Pierre François André Méchain est un astronome né à Laon, département de l'Aisne, le 16 août 1744, mort de la fièvre jaune à Castellón de la Plana, le 20 septembre 1804. Son père, architecte, l'avait élevé pour en faire son successeur, dans un état qui ne l'avait pourtant guère enrichi lui-même. Les premiers travaux du jeune Méchain l'avaient fait connaître et apprécier de plusieurs hommes distingués de la province, qui lui donnèrent l'idée d'aller à Paris puiser une instruction plus étendue et plus brillante à l'école des ponts-et-chaussées. Muni de leurs recommandations, Méchain s'y présenta, et fut admis sans difficulté; mais, son père étant hors d'état de le faire subsister à Paris plusieurs années sans appointements, il se vit forcé de renoncer à ce projet, et se chargea de l'éducation de deux frères, dont les parents habitaient une campagne près de Sens. Là, il consacrait ses loisirs à l'étude des mathématiques, et trouvait dans ses économies les moyens de n'être pas tout-à-fait inutile à ses parents. - Pierre Méchain (1744-1804). Méchain père, obligé de venir à Paris pour un procès qu'il perdit, y restait, faute de la modique somme qui lui était nécessaire pour retourner à Laon. Le fils se trouvait aussi sans argent, parce qu'il venait de payer un instrument astronomique, qu'un de ses amis était près de lui envoyer. Il chargea son père de vendre l'instrument; Lalande l'acheta, non sans prendre les informations les plus empressées sur le jeune homme qui paraissait annoncer un goût si décidé pour l'astronomie : il lui écrivit pour l'encourager, lui traça un plan d'études, et lui confia les feuilles de la seconde édition de son astronomie, qu'il faisait alors imprimer, le priant de les lire et de lui communiquer ses remarques. L'élève attentif lui transmit des notes, dont l'astronome consommé se hâta de profiter; enfin, Lalande attira Méchain près de Paris, en le faisant nommer astronome hydrographe du dépôt des cartes de la marine, dont les bureaux étaient alors à Versailles. Là , son travail devait être de compulser tous les voyages et les journaux de navigation, pour en tirer les éléments des meilleures cartes hydrographiques. Les divisions entre les ministres et les officiers-généraux qui se succédaient dans la direction du dépôt des cartes, lui firent deux fois perdre cette place, qu'on lui rendit définitivement quand sa réputation fut bien établie. Dans deux campagnes de mer, avec M. de la Bretonnière, il traça la description de cent lieues de côtes, depuis Nieuport jusqu'à Saint-Malo. Le marquis de Chabert l'occupa longtemps aux calculs des observations que depuis vingt ans, il faisait dans la Méditerranée. Le duc d'Ayen (ensuite duc de Noailles ) reçut de lui les points fondamentaux d'une carte militaire de l'Allemagne et de la partie septentrionale de l'Italie. Ces travaux obscurs, si longs et si épineux, ne l'empêchaient pas de trouver du temps, toutes les nuits, pour les observations astronomiques. Lalande en présentait de sa part les résultats à l'Académie des sciences, qui en ordonnait l'impression dans ses Mémoires. Méchain se livra spécialement à la recherche des comètes, qui, comme les éclipses, étaient une ressource facile pour l'astronome dépourvu des instruments qui supposent quelque fortune, et qui ne se trouvent guère que dans les établissements publics. Ces moyens avaient fait la réputation de Messier. Méchain fit en ce genre autant ou plus que personne; et ce qui le distingue surtout, c'est que, non content de découvrir une comète, de la signaler aux astronomes, et de l'observer lui-même avec soin, il sut joindre la théorie à la pratique, et déterminer les éléments auxquels on reconnaîtra la comète, si quelque jour elle doit se remontrer. En 1781, il eut la bonne fortune d'en découvrir deux, dont il calcula tout aussitôt les orbites. Il découvrit aussi au passage deux douzaines d'objets du ciel profond, pour la plupart rangés ensuite dans le catalogue de Messier. La nouvelle planète, Uranus, découverte aussi en 1781 par Herschel, fut d'abord considérée généralement comme une comète, quoiqu'elle n'en eût guère les apparences. Méchain la suivit assidûment, en calcula le cours dans diverses paraboles; et d'après une idée du président Saron, avec lequel il était dès lors en société de travaux, il fut le premier à la traiter comme une planète, en lui donnant une orbite circulaire. La première orbite elliptique, calculée par la méthode de Laplace, eut pour fondements quatre observations de Méchain, auxquelles on crut devoir la préférence pour une recherche aussi délicate. On espérait revoir, en 1789 ou 1790, la comète qui avait paru en 1532, et qu'on avait quelques raisons de croire la même qui avait aussi paru en 1661. Mais ce point était assez douteux et non moins difficile a éclaircir, vu le peu de précision des observations sur lesquelles Halley avait pu fonder ses deux théories, qui offraient plusieurs éléments identiques. L'académie proposa cette question pour le sujet de son prix annuel. Méchain fit un examen critique de tous les renseignements fournis par les historiens sur les deux apparitions; il calcula scrupuleusement toutes les observations; il décida qu'elles indiquaient deux comètes réellement différentes, et qu'ainsi on n'avait aucun espoir un peu fondé de revoir ni l'une ni l'autre. Sa pièce obtint le prix; et huit ans après, l'événement prouva que Méchain avait fait un bon travail, et que l'Académie avait bien jugé. Dans les temps où il était encore inconnu et sans état assuré, Lalande l'avait mis en société de travaux avec l'astronome Darquier, qui avait bâti à Toulouse un observatoire dans lequel il suivait le cours du Soleil, de la Lune et de toutes les planètes. L'observation, malgré ses fatigues, est une récreation pour l'astronome les calculs sont bien plus longs et surtout plus ennuyeux; ils exigent une autre vocation, une espèce de courage, qui n'est guère celui des hommes qui ont quelque aisance. Méchain le conserva toute sa vie; il eut cette conformité de plus avec La Caille. Darquier envoyait ses observations; Méchain les calculait, les comparait aux tables, et Darquier se chargeait de tous les frais du calcul et de la publication. Méchain trouva dans cette association un second avantage : elle lui procura, pour les longs calculs, cette habitude qui fait qu'on peut réunir l'exactitude à la célérité. Quand Jeaurat, devenu à son tour académicien-pensionnaire en 1785, dut abandonner la rédaction de la Connaissance des temps, à laquelle était attaché un modique traitement, Méchain fut choisi pour le remplacer; et personne encore n'avait réuni, au même degré, toutes les qualités nécessaires à la perfection d'un ouvrage dont l'étendue croit chaque année, et qui passe aujourd'hui les forces et la patience d'un seul homme. On avait élevé, un peu légèrement, quelques doutes sur la position relative des observatoires de Paris et de Greenwich (près de Londres). Une vérification fut ordonnée; elle devait être faite de concert par les astronomes réunis de la Royal Society de Londres et de l'Académie des sciences. Les savants anglais s'y présentèrent avec un appareil d'instruments magnifiques et nouveaux, et l'espoir bien fondé de surpasser tout ce qui avait été fait de mieux en ce genre. Les commissaires français, Cassini, Méchain et Legendre, s'y montrèrent avec leur réputation européenne, et avec un instrument, également nouveau, tout aussi précis quoique moins imposant, le cercle répétiteur de Borda. La réputation de ce cercle était encore à faire; on le montrait digne de soutenir la concurrence avec le théodolite de Ramsden : il fallait montrer aussi la supériorité qu'il avait sur les anciens quarts-de-cercle; le meilleur moyen était d'employer simultanément les deux instruments aux mêmes observations. Cassini et Legendre se chargèrent d'opérer avec le cercle; Méchain eut la mission de faire avec l'instrument dont il avait une longue habitude, tout ce qui était au pouvoir de l'homme pour qu'il ne restât pas trop inférieur à la nouvelle invention. La question fut décidée sans appel , et la grande supériorité du cercle bien reconnue; mais ce à quoi l'on s'attendait moins, et que Méchain a déclaré lui-même, c'est que le cercle est tout aussi expéditif, et qu'il fallait autant de temps pour prendre un angle une seule fois avec le quart-de-cercle, qu'à deux astronomes réunis pour le mesurer vingt fois au moyen du cercle et avec une précision bien plus grande. Une occasion plus importante se présenta bientôt de mettre en évidence les avantages du cercle et les talents de Méchain. L'Assemblée constituante avait décrété l'établissement d'un nouveau système de mesures, fondé sur la grandeur du méridien terrestre. Méchain fut l'un des deux astronomes choisis pour cette opération, qui devait déterminer les différences terrestre et céleste entre les parallèles de Dunkerque et de Barcelone (La Géodésie aux XVIIe et XVIIIe siècles). Méchain eut, dans son lot, la partie qui s'étend de Barcelone à Rodez. Le reste en est au moins le double; mais la partie espagnole étant toute nouvelle, et l'autre ayant été mesurée deux fois, on croyait qu'elle devait donner moins de peine et ne demandait pas plus de temps. L'événement confirma cette idée en partie, mais par des raisons toutes contraires à celles qu'on avait imaginées. Les délais nécessaires à la confection des instruments firent que les premiers jours où l'on pût entreprendre la mesure, furent ceux où la Révolution devenait vraiment effrayante (juin 1792). Méchain, arrêté à Essonnes (auj. Corbeil-Essonnes), parce que les instruments qu'il traînait à sa suite étaient pris pour des moyens de contre-révolution, eut beaucoup de peine à obtenir la liberté de continuer sa course scientifique. Arrivé en Espagne, il fit avec une célérité inattendue et un bonheur très marqué, les opérations de tout genre dont il était chargé : non seulement il couvrit de ses triangles tout l'espace compris entre Barcelone et les Pyrénées, observa les azimuts et la hauteur du pôle à l'extrémité méridionale de son arc; mais, avec l'aide d'un adjoint aussi actif qu'intelligent, Tranchot qui était connu déjà par la carte de l'île de Corse, il put s'assurer de la possibilité de conduire ses triangles jusqu'aux îles Baléares. Il lui restait à joindre les triangles d'Espagne aux premières stations françaises, ce qui devait être l'ouvrage de quelques semaines; de là jusqu'à Rodez il n'eût fallu que quelques mois, et en moins d'un an il se flattait que tout pourrait être terminé. Il ignorait les obstacles de tout genre qui arrêtaient en France la marche de son collègue; et l'accident terrible qui lui arriva bientôt à lui-même, fit évanouir toutes ses espérances à l'instant où il allait se mettre en route pour les réaliser. Un médecin de Barcelone, dont il était devenu l'ami, desira lui montrer une machine hydraulique. Les chevaux qui devaient la faire mouvoir étaient occupés ailleurs; le médecin et son domestique se crurent assez forts pour faire aller la pompe, et y réussirent quelques instants. Méchain, d'un lieu élevé, considérait, avec surprise, la quantitté d'eau qu'il voyait affluer : des cris viennent frapper son oreille; il aperçoit le médecin et son domestique entraînés par la machine, dont ils auraient dû abandonner le levier qui les avait renversés, et qui ne pouvait plus leur faire aucun mal en tournant au-dessus d'eux. Ils s'en avisèrent trop tard et trop tôt. Méchain s'était précipité pour les secourir; le levier devenu libre vient le frapper, et le lance contre le mur; il retombe sans connaissance, et baigné dans son sang. Le médecin le croit mort, et lui donne, pour la forme, des soins qu'il croit absolument inutiles. Méchain avait plusieurs côtes et la clavicule brisées; il resta trois jours sans connaissance, et condamné à plusieurs mois d'inaction, dans la saison dont il se préparait à faire un si bon emploi: il va, dans sa convalescence, passer l'automne aux eaux thermales de Caldas. Pendant sa maladie la guerre s'était ouvertement déclarée : non seulement il ne peut obtenir la permission d'aller dans les Pyrénées, travailler à la jonction des parties espagnole et française; mais on lui refuse les passeports nécessaires pour traverser les monts et rentrer en France. Demeuré prisonnier en Espagne, avec la liberté toutefois de choisir le lieu de son séjour, il le fixe à Barcelone; et, pour rendre sa captivité moins inutile, il y répète au fort de Montjuïc, les observations qu'il avait faites avec tant de succès l'année précédente, et qu'il lui est interdit de continuer. Elles paraissent d'abord réussir tout aussi bien; mais il aperçoit que le résultat diffère sensiblement de celui que déjà il avait envoyé en France. Il se tourmente pour trouver la cause de cette différence; il a peur qu'elle ne soit attribuée à son peu de soin ou d'adresse, et même qu'elle ne fasse naître quelques doutes sur les observations de Montjuïc : il prend la funeste résolution d'en faire un mystère, et de considérer comme non avenues ces dernières observations qu'on ne lui avait pas demandées. Ce secret qui lui pèse, l'ennui de sa captivité, l'inquiétude où il était sur sa femme et ses enfants dont rarement il avait des nouvelles, toutes ces causes le jettent dans une mélancolie profonde, dont jamais il n'a été bien guéri. Il obtient enfin des passeports pour l'Italie. En France, son collègue, après des contrariétés de tout genre , s'était vu destitué comme suspect de royalisme; mais après une suspension de quinze mois, il avait achevé ses opérations à la réserve de la mesure d'une base. Prêt à l'entreprendre, il invite Méchain à terminer des opérations qui peuvent se faire en quelques semaines, et promet de lui conduire à Perpignan tout ce qui lui sera nécessaire pour la base de vérification, qu'il a témoigné le plus vif désir de mesurer lui-même. Méchain ne fait aucune réponse, et reste tout l'été à Carcassonne sans qu'on en puisse deviner la raison. Borda, inquiet, comme ses autres amis, de ces retards et de ce silence, engage Mme Méchain à entreprendre le voyage de Carcassonne. Elle y trouve son mari, qui ne veut reprendre son travail qu'après qu'elle sera partie. N'osant se fier entièrement à la promesse qu'il lui fait, elle se détourne pour aller trouver, à Perpignan, l'astronome qui s'y préparait à la mesure de la base que Méchain s'était mis dans l'impossibilité d'exécuter lui-même : elle y reçoit de cet astronome la promesse de se tenir toujours à portée de son mari pour le suppléer au besoin, et celle de le ramener à Paris dès que les opérations seront terminées. Pour remplir cette double promesse; il se transporte successivement à Narbonne et à Carcassonne, où, pendant cinquante jours, il attend Méchain qui arrive enfin, mais refuse absolument de revenir à Paris, et s'obstine à retourner en Espagne pour y recommencer les observations de latitude. Rien n'eût été plus évidemment inutile, si les observations de Barcelone eussent été parfaitement d'accord avec celles de Montjuïc; mais Méchain faisait mystère de la différence qu'il avait trouvée, et que tout autre à sa place aurait franchement avouée. Réduit au silence, il se laisse entraîner après trois jours de resistance. A Paris, nouvelles difficultés. Les savants étrangers, appelés de tous les états, qui n'étaient plus en guerre avec la France, attendaient les astronomes depuis plus de deux mois. Leur mission était de prendre connaissance de tout le travail, d'en calculer les résultats définitifs et de les sanctionner par une approbation générale. Méchain refuse longtemps de communiquer ses registres; il se résigne enfin à montrer ce qu'il a depuis fait imprimer de ses observations géodésiques et de ses observations astronomiques, à la réserve de celles de Barcelone. On trouve tout dans le plus bel ordre possible, et l'on ne conçoit rien à tous ses retards : on admire surtout la précision et l'accord de tous ses angles et de tous ses calculs. Il avait manifesté le désir d'observer seul la latitude de Paris, afin que sa part du travail, parût moins inégale. La commission avait insisté pour que cette latitude fût observée simultanément par les deux astronomes. Il témoigne une répugnance invincible à montrer les observations qu'il fait chaque nuit; et les commissaires terminent leur travail, sur l'assurance qu'il leur donne que sa latitude s'accorde à un dixième de seconde près avec celle de son collègue. Dès son arrivée à Paris, le Bureau des longitudes lui avait remis, de fait, la direction de l'Observatoire, où il demeurait depuis longtemps, et dont il avait été le capitaine-concierge quand il y avait un autre directeur. Il était le plus ancien des astronomes observateurs du Bureau des longitudes; il avait des droits bien acquis à cette préférence. On se flattait qu'une situation plus tranquille et des occupations de son goût, le plaisir d'avoir à sa disposition les grands instruments dont cet observatoire s'était enrichi pendant son absence, enfin la considération générale qu'il avait si bien méritée, lui rendraient sa sérénité première, et dissiperaient la mélancolie dont on était loin de deviner la véritable cause. Toujours plein de son idée de retourner en Espagne, il avait entretenu le bureau de son projet de prolonger la méridienne jusqu'aux îles Baléares. Son idée fut approuvée; l'autorisation et les fonds nécessaires étaient obtenus : mais on voulait charger de l'exécution un autre astronome. A sa grande surprise, le Bureau entend Méchain, qui réclame la propriété de ce projet avec une vivacité singulière, qui fait valoir que nul ne connaît aussi bien que lui les moyens de le faire réussir, et qu'il a un droit incontestable à s'en voir chargé de préférence à tout autre. Personne ne contestait ce droit; mais on croyait la présence de Méchain à l'Observatoire beaucoup plus utile à l'astronomie. On se rendit à ses instances, quoiqu'on n'en pût deviner les motifs, qui étaient de cacher à tous les yeux, ce qu'il avait eu la faiblesse de dissimuler, la véritable latitude de Barcelone, et, en outre, le désir raisonnable de rendre presque inutile cette latitude douteuse, en transportant deux degrés et demi plus au sud l'extrémité de son arc. Il part; il a repris tout son courage et toute son activité. Mais rien n'était prêt en Espagne. Le brigantin qu'on y mit à sa disposition, avait été infecté de la fièvre jaune : longtemps il en attend un autre; et après une traversée difficile et périlleuse, il est jeté sur une côte éloignée de l'île de Cabrera, où l'on ignorait que la contagion eût cessé. On ne veut pas permettre qu'il aborde; on lui refuse les secours les plus nécessaires, de l'eau et des vivres. A force d'instances, il obtient la permission de descendre seul avec un officier du brigantin. Il acquiert la certitude fâcheuse que cette petite île n'offre aucun point qu'il puisse observer du continent. Il est contraint à chercher de nouvelles stations; il détermine les termes d'une troisième base durant ses courses il tombe dans un torrent, où il allait périr s'il n'eût été promptement secouru. Il commence la suite de ses triangles, et la poursuit avec une constance qui va lui devenir fatale. Une maladie contagieuse régnait sur la côte de Valence. Son domestique en est attaqué, ainsi que deux officiers espagnols qui couchent avec lui sous la même tente. Mais rien ne peut le décider à quitter cette station sans l'avoir terminée. Alors, il va prendre quelque repos à Castellón de la Plana, où il est parfaitement accueilli par le baron de la Puebla. Il commencait à sentir quelques inquiétudes; il écrivait : « Je ne suis ni plus jeune, ni plus fort, ni plus acclimaté que ceux que j'ai vus succomber.-»Déjà il était atteint; il se sentait d'une faiblesse extrême la maladie, cependant, n'était accompagnée d'aucun symptôme bien fâcheux; il entre en convalescence: mais une rechute plus terrible, suivie d'une imprudence, lui ôte à l'instant toute connaissance. Dans son délire, il demande à chaque instant ses manuscrits avec anxiété; il expire enfin le 20 septembre 1805. Ses manuscrits, objet de tant d'inquiétudes, ont été conservés : son secret est connu, par les moyens même qu'il a pris pour en dérober plus sûrement la connaissance. On y voit les observations de Barcelone, et les trois secondes dont elles diffèrent de celles de Montjuïc. Toute sa conduite est expliquée; et on voit avec regret qu'une cause si futile, une anomalie dont on a depuis vu tant d'autres exemples, et que personne ne lui eût imputée, ait empoisonné ses dernières années, et précipité sa fin. Mais qui pourrait lui reprocher avec quelque amertume une faiblesse qui l'a tant tourmenté, et qu'il a payée si cher? Méchain était un homme estimable à tous les égards, d'un caractère sérieux et même un peu sévère. Rarement il prenait la parole dans les réunions académiques; et ce n'était jamais que pour annoncer ses découvertes ou parler de ses observations et de ses calculs. Observateur adroit, scrupuleux et assidu; calculateur non moins sûr , mais un peu timide; il prenait parfois de longs détours pour arriver plus sûrement (à ce qu'il croyait ) au but qu'il aurait pu atteindre avec autant ou plus de précision par des moyens beaucoup plus courts, mais dont il se défiait comme trop nouveaux, et parce qu'ils n'avaient pu être encore assez répandus pour avoir été généralement sanctionnés. Comme observateur et comme calculateur; Méchain a joui d'une réputation universelle, fortifiée par le soin qu'il prenait depuis longtemps de ne montrer que des observations d'élite, des calculs plus d'une fois vérifiés, et de supprimer impitoyablement tout ce qui s'écartait un peu sensiblement de la moyenne, qui lui paraissait la plus favorable. C'est ainsi que, dans les observations imprimées de ses triangles, si l'on peut regretter les nombreuses suppressions qu'il s'est permises, on ne trouve du moins, après le plus sévère examen, rien à redire aux choix qu'il a faits, ni aux moyennes qu'il a préférées. Dans ses observations célestes, imprimées toutes depuis sa mort, rien n'a été dissimulé, tout est rigoureusement conforme à ses manuscrits vraiment originaux; en sorte qu'il est impossible d'élever le moindre soupçon sur le grand résultat de l'opération à laquelle il a pris part, non seulement quant à la partie astronomique, publiée dans son intégrité, mais même pour la partie géodésique, dont, on possède également les manuscrits originaux. Ami, par dessus tout, de l'exactitude, Méchain s'était malheureusement persuadé que le cercle répétiteur devait assurer à ses observations un accord et une précision réellement impossibles. Quelques essais moins heureux, au lieu de le désabuser, ne le portèrent qu'à se défier de son adresse; il en vint à croire et à écrire confidentiellement à Borda qu'il n'était plus capable de rien faire de passable... il en était désespéré. Cette opinion injuste qu'il prit de lui-même, il craignit de la voir répandue; il craignit de survivre à sa réputation : de là ses réticences avec toutes leurs suites si regrétables. (D-l. E.). |
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