| Lulle (Raymond), né vers 1235 à Palma dans l'île Majorque, d'une famille noble et riche, passa sa jeunesse à la cour de Jacques I, roi d'Aragon; fut quelque temps sénéchal du palais et mena d'abord une vie fort dissipée; mais vers l'âge de 30 ans, il quitta le monde et prit l'habit de Saint-François quoiqu'il fût marié et eût des enfants. Tandis que les princes de l'Europe ne songeaient à combattre les infidèles que par les armes il conçut l'idée d'une croisade spirituelle, et voulut former une espèce de milice de théologiens destinée à convertir les Musulmans par la raison. Il se mit dans ce but à apprendre les langues orientales, à lire les livres arabes et surtout à étudier les philosophes alla de s'armer de tous les moyens de convaincre. Il se trouva conduit par ses études à inventer un art nouveau, qu'il nomma l'Art universel, le Grand art: cet art consistait à combiner les noms exprimant les idées les plus abstraites et les plus générales d'après certains procédés purement mécaniques, afin de juger par là de la justesse des propositions ou Rome (1291), et fit créer en France, en Italie, Espagne, plusieurs collèges pour l'étude des langues orientales et du grand art; mais, n'obtenant pas des souverains les moyens d'accomplir la croisade pacifique qu'il avait méditée, il résolut d'aller travailler seul à la conversion des infidèles. Il fit dans ce but trois voyages : dans le premier il alla à Tunis (1292), dans le deuxième à Bone et à Alger (1309); dans le troisième, il retourna à Tunis (1314), quoique âgé de 80 ans. Il avait obtenu quelques succès, notamment à Tunis, à Bone, à Alger; mais ce n'était qu'en courant les plus grands dangers. A son dernier voyage, il fut lapidé par les habitants de Tunis et laissé pour mort sur la place; un vaisseau génois le recueillit, et le conduisit à Majorque, où il expira le 30 juin 1315 et où il fut inhumé. Ses compatriotes lui décernèrent la couronne de martyr. Les uns regardent R. Lulle comme un saint et un inspiré; d'autres, comme, un insensé et un hérétique. Cet auteur a laissé un nombre prodigieux d'ouvrages, que quelques-uns portent à plus de 1000. Les principaux sont : Ars generalis sive magna, quarumcumque artium et scientiarum assecutrix et clavigera, comprenant : Ars demons ativa, Ars inventiva, Ars expositiva; Arbor scientiæ; Ars brevis; Libri XII contra Averroistas; Logica nova. Lulle a en outre écrit sur la théologie, la grammaire, la mnémonique, les mathématiques, la physique, la chimie. II fut le plus grand chimiste de son époque: en cherchant la pierre philosophale par la voie humide et en employant la distillation comme moyen, il fixa l'attention sur quelques produits volatils de la décomposition des corps. on lui attribue aussi des écrits sur la cabale et la magie. Le recueil le plus complet de ses oeuvres a été publié par Bucholius et Salzinger à Mayence, 1721,10 v. in-f. L'art de Lulle, après avoir régné pendant près de quatre siècles, a été condamné, depuis la régénération de la philosophie, par les esprits les plus sages, comme substituant les mots aux choses, et ne servant qu'à faire discourir sans jugement de ce qu'on ne savait pas. M. de Gérando a lu en 1814. et 1819 à l'Académie des inscriptions trois notices sur la vie, les écrits et le grand art de Raymond Lulle. (A19).
| En librairie - Raymond Lulle, Le livre des bêtes, La Différence, 2002. - Anthologie, Aubier, 2001. - Félix ou le Livre des Merveilles, les routes de l'Asie, Le Rocher, 2000. - Anthologie poétique, Le Cerf, 1998. - Le Livre de l'ami et de l'aimé, La Différence, 1994. - Le Livre du gentil et des trois sages, Le Cerf, 1993. - L'art bref, Le Cerf, 1991. - Le Livre de l'ordre de la chevalerie, Guy Trédaniel, 1990. - Principes et questions de théologie, Le Cerf, 1989. - Arbre des exemples, fables et proverbes philosophiques, Honoré Champion, 1986. Hugues Didier, Raymond Lulle, Desclée et Brouwers, 2000. - Armand Llinares, Les principes de médecine de R. Lulle, Klincksieck, 2000. - Amelia Frances-Yates, Raymond Lulle et Giordano Bruno, PUF, 1998. - Henri Weber, Histoire des idées et des combats d'idées aux XIVe et XVe siècles (de Raymond Lulle à Thomas More), Honoré Champion, 1997. - Dominique de Courcelles, La parole risquée de raymond Lulle, entre judaïsme, christianisme et islam, Vrin, 1993. - Inès Nollier, Raymond Lulle, le magicien de Montpellier, Le Rocher, 1990. | | |