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Linière

François Payot, chevalier de Linière est un poète satirique français, né à Senlis en 1628, mort à Paris en 1704. Ce ne fut guère qu'un joyeux compère qui dépensa en débauches tous ses revenus. Il usa de la facilité avec laquelle il versifiait pour faire des chansons libertines en même temps que des couplets satiriques. Ses spirituelles épigrammes firent la joie de toutes les ruelles. 

Issu d'une famille de robe, riche et fort considérée, il entra de bonne heure au service militaire, qu'il abandonna promptement. Doué d'un extérieur agréable, d'un esprit fécond en saillies, d'une humeur frondeuse et sarcastique, il se fit beaucoup d'amies parmi les femmes, mais, en compensation, s'attira par ses traits mordants l'inimitié de bon nombre de ses contemporains. La vie irrégulière du chevalier expliquait leurs critiques et leur hostilité. 

Lié avec Boileau et avec Mme Deshoulières, il empruntait de l'argent au premier, qui lui ouvrait facilement sa bourse, tout en le vouant publiquement au ridicule dans ses vers, tandis que, de son côté, le débiteur chansonnait son créancier dans les cabarets; la seconde, au contraire, prenait sa défense, et on a dit qu'elle ne fit que suivre les conseils de Linière quand elle se livra à la poésie. 

Le poète affichait le mépris de la religion, tout comme Hénault qu'il fréquenta peut-être, et on le surnomma l'Athée de Senlis, puis l'Idiot de quand des excès de tout genre eurent affaibli son intelligence et sa verve. Cependant, Linière prit ouvertement une fois la défense de Nicolas Boileau contre Gilles, alors que les deux frères étaient en brouille. Il fit ce quatrain, dont il ne paraît pas que Despréaux lui ait su aucun gré :

Vous demandez pour quelle affaire
Boileau, le rentier, aujourd'huy,
En veut à Despréaux son frère,
C'est qu'il fait des vers mieux que luy.
Le morceau le plus connu de ce rimeur facile, c'est la fameuse épigramme dirigée
contre Chapelain :
Nous attendons de Chapelain, 
Ce noble et fumeux écrivain, 
Une incomparable Pucelle
La cabale en dit force bien; 
Depuis vingt ans on parle d'elle, 
Dans six mois on n'en dira rien.
Linière, il faut le reconnaître, avait quelques motifs plausibles d'en vouloir à Chapelain, l'académicien. Un jour qu'il consultait, sur une pièce de vers qu'il venait de composer, l'auteur de la Pucelle, celui-ci lui répondit, en d'autres termes, ce que plus tard Voltaire répliqua à certain perruquier rimeur : "Faites des perruques ". Une autre fois, Chapelain, qu'il devait introduire chez une dame, lui fit taux bond et choisit un introducteur plus décent, Inde irae! Chapelain avait encore eu le tort de ne pas deviner le talent poétique du chevalier, ou, par jalousie, s'était bien gardé de l'encourrager.
Linière attaqua également Conrart par cette bluette :
Conrart, comment as-tu pu faire
Pour acquérir tant de renom?
Toi qui n'as, pauvre secrétaire,
Mis en lumière que ton nom.
Le quatrain suivant nous semble vraiment original, et peut prendre rang parmi les meilleures épigrammes du temps : 
Je vois d'illustres cavaliers 
Avoir laquais, carrosse et pages;
Mais ils doivent leurs équipages, 
Et je ne dois pas mes souliers.
Une cinquième boutade mérite également de trouver place dans cet article :
Un jeune abbé me crut un sot, 
Pour n'avoir pas dit un seul mot; 
Ce fut une injustice extrême, 
Dont tout autre aurait appelé;
Je la crus un grand soi lui-même... 
Mais ce fut quand il eut parlé.
L'Athée de Senlis, ou plutôt l'irréligieux, car il ne faut pus prendre à la lettre les injures que lui adressèrent les catholiques, fut l'ami de Ménage et l'un des chevaliers servants de Claudine. Boileau, d'après Charpentier (Carpesteriana), avait prononcé cette phrase : " La meilleure action de Linière, en sa vie, fut d'avoir bu toute l'eau d'un bénitier, parce qu'une de ses maîtresses y avoit trempé le bout du doigt. "

On trouve dans une note des additions aux Historiettes de Tallemant des Réaux, une épître inédite de Linière à Mme la comtesse de La Suze. Cette pièce, reproduite dans un recueil de Monmerqué, est très curieuse et motiva une réplique de Pinchesne.

Linière mourut âgé de soixante-seize ans, dans une grande pauvreté et fort décrié parmi les gens d'ordre.

Indépendamment de sa fameuse parodie du Cid, dirigée contre Chapelain, parodie attribuée à Boileau et à Furetières, et revendiquée par Charpentier comme appartenant à Linière; indépendamment de ses chansons, épigrammes et autres pièces semées çà et là dans les recueils du temps, on a de lui : Poésies diverses, ou Dialogues en forme de satire, du docteur dfétaphraste et du seigneur Albert sur le fait du mariage (16 pages), sans date ni indication de l'endroit ou l'opuscule fut imprimé. (PL).

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Dictionnaire biographique
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