| Sir Austen Henry Layard est un homme d'État et archéologue, né à Paris le 5 mars 1817, mort le 3 juillet 1894. D'une famille française depuis longtemps établie en Angleterre, il passa sa jeunesse en Italie et ne se fixa en Angleterre qu'en 1833. Laissant inachevées ses études juridiques, il entreprit en 1839 des voyages en Orient, apprit l'arabe et le persan et eut, après Botta, l'idée de rechercher près de Mossoul les ruines de Ninive. Attaché à l'ambassadeur anglais à Constantinople, sir Strafford de Redcliffe, il en obtint les fonds nécessaires pour des fouilles qu'il entreprit au lieu dit Nimroud et qui aboutirent à la découverte des palais assyriens du Sud de l'ancienne Ninive (1845). Le savant retrouva en particulier, dans la région du Palais Royal de Ninive appelée des habitants actuels Koyoundijk, - bâtie sous le règne d'Assurbanipal, le dernier des conquérants Assyriens, - la salle des archives et la bibliothèque. Cette bibliothèque se composait exclusivement de tablettes plates et carrées, en terre cuite, portant sur l'une et l'autre de leurs deux faces une page d'écriture cunéiforme cursive, très fine et très serrée, tracée sur l'argile encore fraîche, avant sa cuisson. Chacune était numérotée, et formait le feuillet d'un livre dont l'ensemble était constitué par la réunion d'une série de tablettes pareilles, sans doute empilées les unes sur les autres dans une même case de la bibliothèque. Les Babyloniens et les Assyriens n'avaient pas, du reste, d'autres livres que ces « coctiles laterculi », comme les appelle Pline. Ils ne traçaient les signes de leur écriture ni à l'encre, ni avec le calame ou le pinceau, sur le papyrus, des peaux préparées on des bandelettes de toile, ni à la pointe sèche, sur des planchettes, des feuilles de palmier ou des écorces d'arbres. Faute d'autres ressources facilement à leur portée, ils les dessinaient en creux sur des briques d'argile qu'ils faisaient cuire ensuite pour les conserver. De là l'apparence de leur écriture; car l'élément tout particulier, qui produit l'aspect original des écritures cunéiformes et y devient le générateur de toutes les figures, le trait en forme de coin ou de clou, n'est autre que le sillon tracé dans l'argile par le style en biseau dont on se servait pour cet usage, et dont on a trouvé de nombreux échantillons dans les ruines de Ninive. Ajoutons que cette bibliothèque publique était organisée à peu près comme l'est de nos jours notre bibliothèque nationale on a même retrouvé les registres où les visiteurs inscrivaient leur nom et leur adresse... Nil sub sole novum ! Depuis cette époque, plusieurs autres savants, notamment Smith, Sayce et Bosanquet, se sont occupés de déchiffrer ces tablettes. Le résultat de leurs travaux est que ces tablettes sont des copies faites dans le septième siècle avant notre ère, par ordre d'Assourbanipal, d'après un exemplaire original très ancien qui existait dans la ville d'Ourouk en Chaldée (l'Erech du chapitre X de la Genèse). Cet original remontait à l'époque du premier empire de Chaldée, dix-sept siècles au moins avant notre ère, et même probablement plus haut. Comme il est écrit en langue akkadienne, il doit être de plus de deux mille ans antérieur à notre ère. On peut dire en thèse générale que les documents écrits en langue accadienne sont antérieurs au XXe siècle, que ceux écrits en langue sémitique sont compris entre 2000 et 1000 avant notre ère, et que la période assyrienne proprement dite, occupe le dernier millénaire avant notre ère (C. Flammarion). En 1848, le British Museum fit les frais de nouvelles fouilles de Layard au centre de Ninive et sur l'emplacement de Babylone; elles mirent à jour quantité de sculptures, de bas-reliefs, d'inscriptions, de tablettes d'argile ou de briques, en particulier la bibliothèque d'Assurbanipal, etc. Les résultats de ces découvertes ont été exposés par Layard dans deux ouvrages : Niniveh and its remains (Londres, 1848, 2 vol. av. 100 pl.) et Niniveh and Babylon (1853). Devenu célèbre, Layard, rentré en Angleterre, devint, pour peu de temps, sous-secrétaire d'État pour les affaires étrangères dans le cabinet Russell (1852), puis fut élu au Parlement par Ailesbury. Il s'allia au parti libéral et s'attacha à la réforme administrative. Il assista sur place à la guerre de Crimée et alla étudier en Inde les causes de la révolte des cipayes. Il redevint sous-secrétaire d'État pour les affaires étrangères dans le cabinet Palmerston (186166), ministre des travaux publics (1868), ambassadeur à Madrid (1869) et enfin à Constantinople (1877). II y était au moment de la guerre russe-turque et des négociations qui suivirent. Il embrassa complètement la politique de Beaconsfield, contrairement à son attitude antérieure, négocia la convention du 4 juin 1878 (occupation de Chypre) et dut se retirer à la chute du ministère tory (Tories et Whigs). (A.-M. B.). | |