Kessel

Joseph Kessel naît en Argentine, où son père, médecin juif d'origine lituanienne, s'était temporairement installé pour fuir la répression tsariste en Russie. Quelques années après sa naissance, la famille retourne en Europe, d'abord en Russie, puis en France, où elle s'installe définitivement. Kessel grandit dans un environnement multiculturel, parlant russe à la maison et apprenant le français à l'école. Il passe une grande partie de son enfance à Nice, puis à Paris, où il suit une scolarité brillante. Dès son jeune âge, Kessel manifeste une passion pour l'écriture, ainsi qu'une grande curiosité pour le monde extérieur.

À l'âge de 17 ans, au début de la Première Guerre mondiale, Kessel interrompt ses études pour s'engager comme aviateur dans l'armée française. Il sert comme observateur dans les escadrilles de reconnaissance aérienne. Il participe à plusieurs missions périlleuses, ce qui lui vaut des décorations militaires. Après la guerre, il se lance dans le journalisme, devenant rapidement un reporter reconnu pour sa capacité à saisir les événements mondiaux avec un style narratif dynamique. Il travaille pour plusieurs journaux et magazines prestigieux, notamment Le Matin et Gringoire. Ses reportages l'emmènent dans des lieux aussi divers que la Sibérie, l'Afghanistan, les États-Unis et l'Amérique du Sud, où il couvre des sujets allant de révolutions politiques aux grands faits divers.

La carrière littéraire de Kessel démarre dans les années 1920, lorsqu'il publia son premier roman, L'Équipage (1923), un récit basé sur son expérience dans l'aviation pendant la Première Guerre mondiale. Ce roman rencontre un succès immédiat, tant pour son réalisme que pour son humanité, et établit Kessel comme un écrivain prometteur. Dans les années qui suivent, il publie une série de romans qui abordent des thèmes tels que l'aventure, la passion, et les conflits moraux. Parmi ses oeuvres notables de cette période, on trouve Les Captifs (1926), pour lequel il reçoit le Grand Prix du roman de l'Académie française. Ce roman dépeint les conditions humaines dans les camps de prisonniers, thématique qui résonne avec la mémoire collective d'après-guerre.

Kessel est passionné par l'aventure, et ses écrits s'inspirent souvent de ses nombreuses expériences de voyage et de ses rencontres avec des figures fascinantes à travers le monde. Cette vie d'aventurier est intimement liée à sa carrière littéraire. Il parcourt le monde et s'imprègne des paysages et des histoires des gens qu'il rencontrait. Son roman Fortune carrée (1932) se déroule dans le désert d'Arabie, tandis que La Passe du diable (1958) s'inspire de ses voyages en Afghanistan et de son admiration pour la culture afghane. De plus, son travail de journaliste durant la guerre d'Espagne et la montée du nazisme en Allemagne montre à quel point il est profondément engagé dans les grands événements de son époque.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Kessel rejoint les Forces aériennes françaises libres et participe activement à la Résistance contre l'occupation allemande. Aux côtés de son neveu Maurice Druon, il écrit en 1943 les paroles de la célèbre chanson Le Chant des partisans, qui devient l'hymne de la Résistance française. Son roman L'Armée des ombres (1943), basé sur ses expériences et celles de ses compagnons résistants, est un hommage poignant au courage et à la détermination des membres de la Résistance. Le livre sera adapté au cinéma en 1969 par Jean-Pierre Melville.

Après la guerre, Kessel continue à écrire des romans et à voyager à travers le monde. Il publia plusieurs ouvrages qui rencontrent un grand succès critique et populaire. Le Lion (1958) est sans doute l'un de ses romans les plus connus. L'histoire se déroule dans une réserve naturelle en Afrique, où une jeune fille développe une relation unique avec un lion. Ce roman, célébré pour sa profondeur psychologique et ses descriptions évocatrices de la nature sauvage, reste l'une de ses oeuvres les plus lues. Un autre de ses romans marquants est Les Cavaliers (1967), qui raconte l'histoire de cavaliers afghans participant à un jeu de bouzkachi, un sport traditionnel violent et dangereux. Le livre est à la fois un récit d'aventure et une peinture des traditions et des valeurs afghanes. Il démontre encore une fois l'amour de Kessel pour cette région du monde.

En 1962, Joseph Kessel est élu à l'Académie française, un honneur qui reconnaissait son apport exceptionnel à la littérature française. Cette reconnaissance officielle de ses pairs marque l'apogée d'une carrière riche et variée, tant en tant que journaliste que romancier. Kessel, bien que reconnu pour son style romanesque, avait aussi un profond engagement pour le journalisme, qu'il considérait comme une autre forme de raconter la vérité et de capturer la réalité.

Kessel a été décrit comme un être profondément généreux mais aussi marqué par des épisodes de dépression et d'alcoolisme. Sa vie a été marquée par des pertes personnelles, notamment la mort de son fils, mais aussi par des relations intenses avec ses amis, ses compagnons de voyage et ses collègues écrivains. Il s'est marié plusieurs fois et a eu un fils.