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Jacob Jordaens est un peintre flamand, né à Anvers le 19 mai 1593, mort à Anvers le 18 octobre 1678. Il était le fils aîné d'un marchand de grosses toiles, et, dès l'âge de quatorze ans, il fut mis par son père en apprentissage chez Adam Van Noort, pour y acquérir les connaissances nécessaires à un peintre sur toiles d'ameublement. Jordaens resta huit ans chez son maître, et il épousa sa fille Catherine le 15 mai 1616. Quelques mois auparavant, il avait été inscrit dans la gilde de Saint-Luc comme «-peintre à la détrempe », waterschilder. Plus tard, maître honoré et déjà célèbre, il se rapprocha souvent de son ancien métier, et en 1644, par exemple, il peignit encore des cartons de tapisseries. Jordaens ne quitta que rarement Anvers et ne put jamais faire ce voyage d'Italie qui était alors le rêve de jeunesse de tous les artistes du Nord; Sandrart affirme seulement que, privé des modèles qu'il aurait pu trouver au delà des Alpes, il étudia avec passion les oeuvres italiennes qu'il put voir dans son pays, et par exemple dans la collection de Rubens. La vie calme de Jacob Jordaens, à son foyer égayé par trois enfants, fut troublée seulement par les risques que lui fit courir son adhésion au protestantisme. Alors, sous la dure domination des Espagnols, les réformés étaient nombreux en Flandre, et, en 1635, tout le quartier qu'habitait Jordaens fut en pleine chaire accusé d'hérésie. Il semble que, dès 1632, Jordaens ait eu des rapports avec les protestants de Hollande, car, en cette année, il reçut un sauf-conduit pour aller à Amsterdam. Vers 1655, il fut accusé d'avoir écrit un libelle contre I'Eglise catholique et de ce chef condamné à une amende de 200 livres. En 1660, il fit pour ainsi dire profession publique de sa foi en jurant devant un tribunal par Dieu seul et non pas par les saints. Enfin, son nom apparaît en 1671 sur les registres de la communauté de la « montagne des Oliviers en Brabant » (Brabantsche Olijfberg); il en fut un des membres actifs et ouvrit sa maison aux réunions religieuses. D'ailleurs, il ne cessa jamais de travailler pour le clergé catholique : son tableau de l'église Saint-Jean à Anvers, Saint Charles Borromée priant pour les pestiférés, est daté de cette même année 1655 où il fut poursuivi comme hérétique. Portrait de famille, par Jordaens. Jacob Jordaens acquit une fortune assez considérable, pour se faire bâtir, à l'exemple de Rubens, une maison magnifique, où l'on travaillait en 1641, comme le prouve le millésime gravé sur une pierre (dans la Hoogstraate); il en donna lui-même les plans et en décora les plafonds de peintures où les douze apôtres se voyaient à côté des douze signes du zodiaque. Comme Rubens également, il possédait une bonne collection de tableaux, qui fut vendue à La Haye en 1784. Jacob Jordaens eut, à partir de 1620, de nombreux élèves, parmi lesquels on connaît Arnold Jordaens, son parent, Charles du Val, Pierre de Moulyn, Mathieu Peetersen, Roger de Cuypers, Henri Rockso, Guillaume de Vryes, Jean Guelynx, Roland de Meyer, André Snyders, Conrad Hansens, Adrien de Munckninck, Pauwells Goetvelt, Marcel Librechts. Il les employait souvent comme aides, et c'est ainsi qu'il arrivait à exécuter en un an des commandes de trente-cinq tableaux, comme celle qu'il reçut en 1648 de deux riches habitants de La Haye. Charles Ier d'Angleterre lui paya en 1640 un tableau 44 livres sterling. Charles-Gustave de Suède lui commanda vers 1655 une suite de scènes de la Passion. Quelques années auparavant (1652), la veuve du stathouder Frédéric-Henri l'avait appelé pour peindre des scènes de la vie de son époux, le plus grand général de la Hollande, dans sa résidence de la maison au Bois (Huis in't' Bosch), où n'avaient travaillé jusque-là que des artistes hollandais. Ce palais isolé près de Schweningen est encore aujourd'hui un vrai musée de Jordaens. Le peintre a écrit lui-même une explication détaillée du morceau principal de la série, le Grand Tableau triomphal de feu très illustre prince Frédéric-Henri de Nassau, prince d'Orange, de louable mémoire, pour Madame son altesse la princesse douairière. Le manuscrit écrit et signé de sa main, en français, a été acheté en 1889 par la direction des archives de La Haye et a été publié à la fin du XIXe siècle seulement. C'est un document curieux sur l'esprit du temps par l'abondance des allégories et le sens profond que l'auteur prête même aux « quatre chevaux blancs qui tirent le chariot et qui dénotent la candeur et l'intégrité de coeur de cet excellent prince ». Le roi buvant, par Jordaens. A la mort de Rubens (1640), Jacob Jordaens passait, aux yeux d'un connaisseur comme Balthazar Gerbier, pour le premier peintre des Flandres (lettre à M. Murray, conservateur des tableaux du roi Charles Ier). Il dut certainement beaucoup à l'exemple du peintre de la Descente de Croix, bien qu'il n'ait été ni son condisciple chez Adam Van Noort, où il entra dix ans plus tard, ni son élève, comme on l'a souvent répété. Comme lui, il travaillait avec rapidité et avec emportement, en pleine pâte et en pleine lumière. Comme lui aussi, il aimait les visages brillants de santé, les formes rebondies, les draperies héroïques. Mais sa couleur est d'ordinaire plus chaude et plus dorée que celle du grand maître d'Anvers, l'harmonie des lumières et des ombres est plus douce et plus grave et l'oeil est rarement ébloui par des rouges éclatants et criards. D'autre part, Jordaens n'a jamais atteint, même dans ses compositions épiques de la Maison au bois, l'ordonnance majestueuse et la belle rhétorique de Rubens. Pour lui, la mythologie n'est qu'un prétexte à nudités grasses et la Cène elle-même qu'un joyeux repas. S'il peint le Christ chassant les vendeurs du Temple (musée du Louvre), il prodigue autour de lui les têtes ignobles, les chutes risibles, les accessoires vulgaires. Enfin Jordaens, avec une couleur aussi chantante et aussi riche que celle de Rubens, a une verve de caricaturiste digne de Teniers et une puissance de caractériser la laideur et la sottise qui fait presque penser aux fantaisies de Dürer et de Léonard : il a réuni comme un musée monstrueux de toutes les variétés de bêtise suffisante et majestueuse dans les docteurs juifs qu'il a groupés autour du Christ enfant (musée de Mayence), ou dans cet étonnant dessin du musée de Grenoble où rois, princes et prélats sont bafoués par la Vérité qu'ils négligent pour une idole ridicule (accompagné d'un quatrain flamand, signé et daté de 1658). Allégorie de l'abondance, par Jordaens. Presque tous les musées d'Europe possèdent des oeuvres de ce maître fécond. En mettant à part les sujets souvent répétés dont nous avons déjà donné des exemples, voici les tableaux les plus importants : au Louvre, le Christ chassant les vendeurs du Temple; le Jugement dernier, les Quatre Evangélistes, le puissant Portrait de l'amiral Ruyter; au musée de Lille, le Christ et les Pharisiens, l'Enfant prodigue, Suzanne et les vieillards; au musée de Lyon, la Visitation et la Nativité; au musée de Marseille, la Pêche miraculeuse; à Rouen, Marie et Madeleine, un portrait de vieillard; au musée d'Anvers, la Cène, la Mise au tombeau, l'Adoration des bergers, le Commerce et l'industrie protégeant les arts, Pégase, la Loi divine protégeant la loi humaine (trois tableaux peints pour la gilde de Saint-Luc); dans l'église des Augustins d'Anvers, le Martyre de sainte Appollonie; dans l'église Saint-Jacques, Saint Charles Borromée priant pour les pestiférés de Milan et Saint Pierre trouvant dans la gueule d'un poisson la pièce de monnaie du tribut; dans l'église Saint-Paul, la Crucifixion; dans la collection Boschaert, trois portraits datés de 1635; Ajoutons encore, au musée de Bruxelles, Saint Martin chassant un démon (1630), Allégorie sur la Fertilité, Triomphe du prince Frédéric-Henri de Nassau (réplique), Eléazar et Rébecca; au musée de Gand, le Christ et la femme adultère; au musée de La Haye, Faune et Nymphe; au musée de Brunswick, l'Adoration des bergers, Sainte Famille, les Pèlerins d'Emmaüs, Démocrate et Héraclite; au musée de Cassel, Jordaens jouant du luth devant sa fiancée et la famille Van Noort (1624?), le Cortège de Bacchus, l'Education de Bacchus; au musée de Copenhague, la Métamorphose de la corne d'Achéloüs (1642), Suzanne au bain (1653), Laissez venir à moi les petits enfants; au musée du Prado, à Madrid, le Jugement de Salomon, le Mariage de sainte Catherine, avec un beau portrait de Catherine Van Noort, le Christ et saint Jean, le Bain de Diane, Sacrifice à Pomone, la Famille de Jordaens; au musée de Brera, à Milan, l'Enfance de Jupiter; au musée de l'Ermitage, à Saint-Pétersbourg, Saint Paul et saint Barnabé à Lystre, Diane et ses nymphes surprises par des satyres, la Famille de Jordaens; au musée de New York, le Triomphe de Bacchus. Un portrait de Jordaens par lui-même, d'une énergie superbe, se trouve dans la galerie des portraits de peintres, aux Uffizi de Florence; un autre, moins important, est au musée de l'Ermitage. Van Dyck a peint, lui aussi, un Portrait de Jordaens qui a été gravé par Peter de Jode, Marinas et Bolswert. Le peintre lui-même a reproduit à l'eau-forte le Christ chassant les vendeurs du Temple, l'Enfance de Jupiter, etc. Ces estampes sont d'une facture souple et colorée. (E. Bertaux). |
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