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Hispaniola
Haïti

18.88°N, 71.28° W
Hispaniola ou Haïti (anc. Saint-Domingue) est une île américaine de l'archipel des Antilles, la seconde des Grandes Antilles pour l'étendue et la population. Partagée entre deux Etats, Haïti, à l'Ouest et la République Dominicaine, à l'Est, qui en occupe les deux tiers de la superficie, elle est située au milieu de la chaîne septentrionale des Antilles (ce qui en fait une zone sismique très active), et baignée au Nord-Est par l'océan Atlantique, au Nord-Ouest par le canal des Bahamas qui la sépare des îles Caïcos (à 150 km) et de la Grande Inagua (à 110 km); à l'Ouest par la passe des Vents, qui la sépare de Cuba (à 67 km) et de la Jamaïque (à 180 km); à l'Est par le canal de Mona, qui la sépare de Porto Rico (120 km); au Sud par la mer des Caraïbes, qui la sépare de l'Amérique du Sud, dont la pointe la plus voisine (pointe Gallinas) est à 570 km.

Les pointes extrêmes de l'île d'Haïti sont : vers l'Est, la pointe Engaño; vers l'Ouest, le cap des Irois; vers le Sud, le cap Ysabela; vers le Nord, le cap Beata. Elle a 650 km dans sa plus grande longueur de l'Est à l'Ouest et 260 km dans sa plus grande largeur du Nord au Sud. Sa forme est irrégulière. Elle s'élargit de l'Est à l'Ouest, n'ayant en face de Porto Rico que 60 à 70 km de large et près de 200 à l'Ouest, avant de se diviser en deux longues presqu'îles entre lesquelles s'enfonce le golfe Haïtien ou de la Gonave, large de 130 km, profond de 150 km.

Les noms de l'île. - Le nom de Haïti, donné à l'île concurrament à celui d'Hispaniola, est un mot caraïbe signifiant haute terre ou montagne; il avait disparu quand Dessalines le reprit en 1803 pour affirmer l'indépendance des insulaires. Celui de Quisqueya, que quelques patriotes ont proposé de reprendre, était également employé par les premiers habitants et aurait signifié la terre mère. C'est Christophe Colomb, qui a donné à l'île le nom d'Hispaniola, auquel les Espagnols substituèrent ultérieurement celui de la capitale Santo Domingo ou Saint-Domingue, lequel prévalut jusqu'au début de ce siècle et désigne encore l'un des deux Etats qui se partagent l'île, la république Dominicaine.
La superficie de l'île est évaluée à 76,500 km²; mais ce chiffre comprend la superficie totale des deux républiques qui se la partagent, et par suite on y compte la superficie des îles qui dépendent de la grande. Celle-ci n'a que 75,250 km², le septième de la France; quant aux dépendances, qui mesurent environ 1250 km², les principales sont : Gonave, 745 km²; La Tortue, 303 km²; Saona, 110 km²; Cayemite, 44 km²; La Vache, 33 km²., etc.

Envisagée dans l'ensemble des quatre grandes Antilles, Hispaniola occupe la position centrale; c'est là que se bifurque la chaîne qui commence à Porto Rico et se continue au Nord dans Cuba, au Sud dans la Jamaïque. Toutefois les profondeurs sont assez considérables entre Hispaniola et les îles voisines : près de 1000 m à l'Est, bien plus à l'Ouest ou elles atteignent 3000 m.

Les côtes.
Hispaniola a un grand développement de côtes, et celles-ci sont à la fois très accidentées et plus accessibles que celles de Cuba, par exemple. Le développement total est de 3050 km. En ne tenant compte que des principales indentations du littoral, on trouve encore plus de 2400 km, dont 1000 pour le rivage méridional de la pointe Engaño au cap Tiburon; 600 pour le rivage occidental du cap Tiburon au môle Saint-Nicolas; 800 pour le rivage septentrional du môle Saint-Nicolas à la pointe Engaño. Au point de vue politique, la république occidentale (Haïti) a un littoral plus étendu de 200 à 300 km que la république orientale (Dominicaine), bien que sa surface ne soit que la moitié de celle-ci.
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Carte d'Hispaniola
Carte d'Hispaniola (Haïti).

Le littoral méridional, baigné par la mer des Caraïbes, court d'abord au Sud-Sud-Ouest à partir de la pointe Engaño jusqu'à la pointe Espada ; au bout de ces 35 km, il tourne vers l'Ouest. Cette côte est bordée de coraux; en face, à l'extrémité Sud-Ouest des Haïti, est l'île Saona ou Adamanay, également entourée de coraux. La côte se dirige ensuite de l'Est à l'Ouest; elle est formée de calcaires. On y remarque la pointe Magdalena, la baie Andres, les pointes Caucedo et Balandra Torrecilla, la petite rade de Santo Domingo, où débouche le rio Ozama, puis derrière le renflement
montagneux de la terre de Bani, le golfe d'Azua ou d'Ocoa avec les baies moindres de la Caldera, Puerto Tortuguerro et Puerto Escondido, le golfe de Neyba ou Neyva, où débouche le fleuve de ce nom et au Sud duquel s'allonge une presqu'île triangulaire très montueuse, terminée par le cap Beata à l'Ouest duquel sont les îlots Beata et Alta Vela, riches en guano. A l'Ouest de la presqu'île Beata commence, après l'embouchure du Pedernale, la longue et étroite presqu'île du Requin ou de Tiburon; signalons les anses de Sale Trou, de Jacmel, le cap Bayenet, la baie d'Aquin, l'île de la Grosse-Caille, les baies Anglaise, de Saint-Georges, de Saint-Louis, du Mesle, Flamande, l'île de la Vache (ou ÃŽle-à-Vache) et ses récifs coralliaires abritant la baie des Cayes, la pointe Abacou, la pointe à Gravois, les mouillages de Port-Salut et des Anglais. L'extrémité de la presqu'île, en face de l'îlot Navaza, est formée par les caps Tiburon, des Trois et Dame-Marie. 

Le littoral occidental est celui du grand golfe Haïtien ou de la Gonave, ainsi nommé de l'île qui est au centre. Fermé au Sud par la longue presqu'île de Tiburon (230 km de long), au Nord par celle plus massive du môle Saint-Nicolas (90 km de long), ce golfe mesure plus de 10,000 km². Une grande quantité de criques secondaires s'y ouvrent. Sur le littoral septentrional de la péninsule de Tiburon, on rencontre l'anse de Jérémie, les îles Grande et Petite de Cayemite, la mince presqu'île du Bec-à-Marsouin, fermant la baie des Baradères, les anses de Miragoane, Petit et Grand Goave. Au Sud-Est de l'île de la Gonave est la baie de Port-au-Prince, à l'Est de la pointe Lamentin, avec les îlots des Pélicans; à l'Est de cette île, la reliant à la grande terre, est le banc de coraux des Rochelois, à peine percé de quel ques brèches; le long du rivage, les pointes Boucassin, Arcahaie et des Vases; au Nord est le canal Saint-Marc, le long du cap de ce nom; puis au Nord les baies de Saint-Marc et des Gonaïves; puis la péninsule du môle Saint-Nicolas terminée par la pointe de la Plate-Forme, le cap à Feux, le cap et le môle Saint-Nicolas entre lesquels s'ouvre la petite baie du môle Saint-Nicolas, étroite et bien abritée. 

Le long du littoral septentrional, encore plus obstrué de récifs coralliaires que les autres, on trouve : Port de la Paix, en face de l'île de la Tortue; la baie de l'Acul, l'anse médiocre de Cap-haïtien; la belle baie Mancenille ou Manzanillo, la pointe de la Grange, les caps Ysabela et Frances Viejo (vieux cap Français), un vaste banc coralligène prolongeant au Nord le massif de Monte Cristi, le mouillage de Puerto Plata, puis une longue presqu'île de 10 à 15 km de large sur 65 km de long, comprise entre la baie Escocesa et la baie de Samana, qu'elle ferme au Nord; notons-y les caps Cabron et Samana. La baie de Samana, ouverte vers l'Est, a 75 km de profondeur, sur 16 à 20 km de large; elle figure un rectangle de 1300 km² et ferait une rade magnifique si elle n'était obstruée par les coraux, les bancs de sable qui en occupent la moitié. Sa grande valeur stratégique tient à ce que les récifs, prolongeant la pointe méridionale d'Icaco, ne laissent que deux chenaux d'accès, dont le plus large n'a pas plus de 1500 m de large. Sur les bords sont les havres de Las Flechas, Santa Barbara, Las Ganatas, San Lorenzo, Savana la Mar au Sud du cap Yabon, et la baie de la Gina à l'Ouest de la pointe d'Icaco; les meilleurs mouillages sont : celui de Samana ou Santa Barbara, celui de San Lorenzo ou des Perles, dont on voulut faire le port septentrional de la capitale Santo Domingo; signalons aussi les houillères du voisinage et le fleuve Yuna qui débouche au fond de la baie de Samana, après avoir arrosé la riche plaine de la Vega. Après cette baie, la côte incline vers le Sud-Est; citons le cap San Rafael, le cap Macao, et, à 25 km de celui-ci, la pointe Engaño.-

Orographie.
L'étude du relief du sol d'Hispaniola fait discerner dans l'île trois principaux massifs orographiques qu'un faible abaissement des plaines intermédiaires transformerait en îles distinctes. De ces massifs allongés de l'Est à l'Ouest, le principal est le massif central, sur l'alignement de Porto Rico à Cuba ; il occupe le grand diamètre de l'île depuis les caps Engaño et Macao jusqu'à l'extrémité du môle Saint-Nicolas; le massif septentrional en est isolé par la plaine de la Vega Real, qui s'étend entre les baies de Samana et de Manzanillo; le massif méridional est isolé par une chaîne de lacs et de marécages. Entre le massif central et le massif méridional, on en pourrait distinguer un quatrième, sorte de bifurcation du premier, au Sud de la plaine de l'Artibonite, à peu près isolé à l'Est par la vallée du Yaqui. Les régions orographiques sont donc : le massif septentrional, la plaine de la Vega Real, le massif central, la plaine de l'Artibonite, le massif qui la limite au Sud, les llanos de la côte sud-orientale, enfin le massif sud-occidental.

Le massif septentrional comprend deux parties différentes : la presqu'île de Samana, ancienne île rattachée à la grande par le comblement du chenal qui l'en séparait. Au début du XIXe siècle, un bras du Yuna, le grand Esterre ou Gran Estero, y coulait encore et se jetait au Nord dans la baie Escocesa. Vers son extrémité orientale culmine le Pain de Sucre (Pilon de Azucar), haut de 590 m, bien connu des marins; on trouve ensuite le Monte Diable, un plateau dont les eaux du golfe rongent les falaises méridionales. Au delà de l'isthme les hauteurs s'élèvent rapidement formant la sierra de Monte Cristi, qui s'étend jusqu'à la baie Manzanillo sur une longueur de 220 km. Cette chaîne côtière atteint 50 km de large, à cause des contreforts greffés sur l'arête médiane. Celle-ci est placée au Sud le long de la plaine sur laquelle plongent ses escarpements; vers le Nord elle s'abaisse moins rapidement jusqu'aux roches calcaires et aux récifs coralliaires des bords de l'Atlantique. Elle se rétrécit vers l'Ouest. Ses premières collines auprès de l'isthme atteignent 400 m à peine; puis s'élèvent des dômes ou mornes : le Quita Espuela, le Palo Guemado, le mont ou Loma Diego Campo (1220 m), son point culminant, au Nord-Ouest de Santiago, la Sella de Caballo (1188 m); le plateau de Monte Cristi, situé au Nord-Est de la baie Manzanillo, reçut de Christophe Colomb ce nom qui a passé à la chaîne entière.

La plaine de la Vega Real, également baptisée par Christophe Colomb, a 200 km de long entre les baies de Samana et Manzanillo, la chaîne de Monte Cristi et le massif central; son point le plus haut n'est qu'à 200 m d'altitude aux environs de Santiago, où se trouve le faite de partage des eaux, car celles-ci s'écoulent : d'une part, au Nord-Ouest par le Yaqui Grande; d'autre part, à l'Est par la Yuna. Cette plaine alluvion est très fertile.

Le massif central a 550 km de long, de l'une à l'autre pointe de l'île; mais sa partie orientale, au Sud de la baie de Samana, n'est qu'une colline ravinée de 200 à 300 m d'altitude; le véritable massif se trouve au centre et prend le nom de monts Cibao; il a près de 100 km de large du Nord au Sud; ses contreforts s'étendent depuis le rivage de la mer des Caraïbes à l'Ouest de Santo Domingo jusqu'aux environs de Santiago, le long de la plaine de la Vega Real. La crête centrale a une altitude moyenne de 2000 m; plusieurs dents atteignent 2400 à 2500 m : Vanilejo, Entre les Rios (2440 m), Gallo, Jicome; les plus hauts sommets d'Hispaniola sont, au Sud de cette axe, l'Alto Bandera (Loma Tina) et le Pico Duarte (Loma Rucilla). On donne 2630  m au premier et  3175 m au second.

Le rameau qui se prolonge vers l'Ouest, encadrant avec le précédent la plaine de l'Artibonite, va depuis la haute vallée de cette rivière et de la Neyba jusqu au cap Saint-Marc, sur le golfe haïtien; nous avons dit qu'on peut le regarder comme un massif indépendant ; il a près de 250 km de long; ses principaux sommets sont : à l'Est, la Loma Pansa ou Paciencia (1900 m), et la Loma Barrama (2285 m); puis de moindres hauteurs découpées par les vallées : là sont le mont des Orangers, le mont Pensez-y-bien, au Nord-Est de Port-au-Prince; le mont Terrible, le mont de la Selle. L'île de la Tortue en représente le principal contrefort septentrional. Au Sud, il faut noter les monts Noirs et les monts de Calios, qui s'avancent dans la plaine de l'Artibonite. 

La plaine de l'Artibonite est la plus importante de l'île, sinon la plus étendue; elle se déroule, le long du golfe haïtien, du cap Saint-Marc aux Gonaïves. 

Au Sud-Est de l'île s'étendent les llanos de Seylo et Santo Domingo, haute plaine ondulée, semée de marais et d'étangs.

C'est une « savane loin des rivières et forêt le long des eaux courantes; de même que dans l'île de Cuba, les berges sont ombragées de cejas on cils, par les grands arbres; presque partout les étendues herbeuses, comme jadis la nappe des eaux (qui couvrirent ces terres) pénètrent dans l'intérieur des terres jusqu'à la base des collines » (E. Reclus). 
Au Sud-Ouest de la Loma Tina est la petite plaine d'Azua, qui se rattache à celle de la Neyba.

La montagne méridionale s'étend depuis la baie de Neyba, au Sud de laquelle elle projette la pointe Avarena, jusqu'au cap Tiburon. Elle a environ 400 km de long, presque autant que les Pyrénées; sa largeur est d'une quarantaine de kilomètres dans la presqu'île Tiburon qu'elle couvre tout entière; rétrécie à la racine vers Jacmel, elle s'étale à l'Est sur la presqu'île triangulaire de Baburuco et du cap Beata. Elle est complètement isolée du côté Nord par une profonde dépression qui relie la plaine et la baie de la Neyba à la baie et à la plaine de Port-au-Prince. Cette dépression, jadis occupée par les eaux marines, est à peu près plane et son niveau ne dépasse guère 400 m. La moitié environ est formée par deux lacs : l'Enriquillo (90 m d'altitude, 418 km²) et le Fondo (110 km²); le premier a des eaux saumâtres et s'appelle aussi Etang Salé  les requins et les marsouins y vivent à côté des caïmans; il renferme la petite île Cabritos, où se défendit longtemps un chef caraïbe dont le surnom est devenu le nom du lac. Quand il déborde, il s'unit au lac Fondo, Azuay ou Saumache, dont les eaux sont très peu salées; à l'Est de l'Enriquillo se trouve le lac Rincon, qui communique avec le delta de la Neyba ; au Sud et un peu plus haut est l'Icotea de Simon, aux eaux parfaitement douces. 

En somme, la plus grande partie de cette plaine est occupée par les eaux où temporairement inondée; aux deux extrémités sont, le long de la mer, les plaines fertiles du Cul-de-Sac, sur le golfe de Port-au-Prince, et le Neyba, sur le golfe de ce nom. La chaîne côtière commence par le vaste massif qui couvre la presqu'île terminée par le cap Beata; au Nord est la crête de Baburuco, prolongée vers l'Ouest par la montagne Noire, les monts dits des Nègres marrons, des Commissaires, le mont de la Selle (2715 m), au Sud-Est de Port-au-Prince, que domine une ramification de cette chaîne, le mont Prince (1522 m.). Après la dépression qui marque l'origine de la péninsule, les montagnes se redressent dans les mornes de la Hotte (2255 m); des pics isolés en dehors de l'arête médiane sont désignés sous le nom de Tapions; citons ceux de Miragoane (790 m), et du Petit Goave; des contreforts parallèles à la crête longent la côte. Le dernier mont est celui du cap Tiburon ou des Requins, qui plonge sur la mer, d'une hauteur de 869 m. L'aspect de ces montagnes est grandiose et elles ont longtemps passé pour les plus hautes de l'île.

Géologie.
Le noyau montagneux de l'île est composé de schistes, de conglomérats et de calcaires anciens, au travers desquels se sont injectées des syénites. Au Nord et au Sud de ce noyau sont de larges dépôts tertiaires, flanqués de calcaires récents et de graviers. La chaîne centrale et la chaîne septentrionale, y compris la péninsule de Samana, sont formées de roches métamorphiques, de grès, de conglomérats, de calcaires, de glaises. Dans la zone centrale et occidentale, ces dépôts sont bouleversés et percés de dykes éruptifs, de veines de quartz souvent aurifères. Autour des montagnes s'étendent les stratifications dont la décomposition des roches a fourni les éléments, argiles, marnes, et, dans les fonds, alluvions anciennes ou récentes. L'étage miocène est le même pour la structure et les fossiles que celui de la côte occidentale (océan Pacifique) de l'Amérique du Sud, ce qui indique les anciennes liaisons de ces régions. La moitié environ du sol de l'île est formée d'alluvions, et, sur presque tout son pourtour, elle continue de s'accroître par le double travail des polypiers marins et des apports roulés par les torrents et les fleuves. Aussi une grande partie des rivages est-elle occupée par des terrains marécageux situés au niveau de la mer, nommés esterres. Ces plages basses couvertes de palétuviers et hantées de moustiques, alternativement couvertes et découvertes, malgré la faible hauteur des marées, sont un foyer de décompositions organiques.

Hydrographie.
L'île d'Hispaniola est admirablement arrosée et très riche en eaux courantes : d'une part à cause de l'abondance des pluies et, d'autre part, à cause des forêts qui recouvrent les pentes et régularisent le régime des eaux. Il n'y a que peu de ces calcaires ou s'engloutissent les rivières comme à la Jamaïque. Hispaniola échappe presque au grand inconvénient des rivières tropicales, crues subites et dévastatrices après des pluies diluviennes. Elle les connaît cependant, et les ruisseaux qui dévalent des hautes terres perpendiculairement aux côtes se transforment parfois en torrents inondant leurs bords et laissant même derrière eux, dans les creux, des mares qui ne s'assèchent que lentement. En raison de la proximité de la mer, aucun des cours d'eau de l'île ne peut acquérir un grand développement. On peut néanmoins citer plusieurs fleuves dignes de ce nom par le volume de leurs eaux.

Le centre du système hydrographique d'Hispaniola est le massif du Cibao et le pic de Duarte; c'est autour de ses sommets majeurs que les vents alizés accumulent les nuages et précipitent le plus d'eau. De là découlent l'Artibonite, les deux Yaqui et la Yuna, les quatre principaux fleuves de l'île, le premier descendant vers l'Ouest, le second vers le Nord-Ouest, le troisième vers le Sud, le quatrième vers l'Est. Il est bon de remarquer que les trois plus longs, Artibonite, Yaqui Grande et Yuna, sont à peu près parallèles aux alignements montagneux; leurs bassins sont les seuls qui aient quelque importance; ceux des fleuves qui coulent vers le Nord ou le Sud, perpendiculairement aux montagnes, sont beaucoup plus restreints.

L'Artibonite a 400 km de long; il réunit les eaux d'une multitude de ruisseaux concentrés en deux rivières principales, le Guayayuco venu du Nord et le rio de Cañas, venu de l'Est, dans une région montagneuse et sauvage, la savane de Guabo; il est déjà fort large à son entrée dans le territoire de la république d'Haïti et devient navigable avant son embouchure. Au Nord, dans la même plaine, coule la rivière des Gonaïves, descendue des montagnes Noires; au Sud la rivière Blanche, la rivière du Cul-de-Sac et la rivière de Léogane complètent la liste des tributaires du golfe de Gonave. 

Ceux du versant septentrional, qui vont à l'océan Atlantique, sont les Trois-Rivières et le Yaqui Grande : Les Trois-Rivières (75 km), qui finissent en face de l'île de la Tortue. Le Yaqui Grande, long de 300 km, navigable sur un parcours de 100 km, malgré les bancs de sable de son embouchure, large de 50 à 90 m. Né au pic de Duarte, il coule vers le Nord jusqu'à Santiago, puis vers l'Ouest à travers la plaine de la Vega Real et finit dans la baie Manzanillo, près de Fort-Liberté. Son embouchure s'est souvent déplacée à travers les alluvions qu'il a charriées. Le Yuna (150 km), dont la direction est contraire à celle du Yaqui Grande, parcourt l'Est de la plaine de la Vega Real et aboutit à la baie de Samana; il reçoit à gauche le Nova qui passe à Conception. 

Les principaux cours d'eau du littoral méridional sont les rivières des llanos (los Dos Rios, Brujuelas), dont la principale est l'Ozama (50 km, grossi du Boca et du Yabacao à gauche, du Yuca et de l'Ysabela à droite et qui baigne Santo-Domingo), le Yaqui Chico ou Neyba (150 km), descendu des pentes méridionales du pic de Duarte, qui déroule ses sinuosités dans une vallée pittoresque. Nous avons parlé des lacs qui occupent le fond de la dépression comprise entre les baies de Neyba et de Port-au-Prince; ce sont les seuls lacs considérables d'Hispaniola.

Climat
La structure montagneuse de l'île produit de très grandes différences de climat; la variété des cultures et des végétations l'indique nettement.  Le climat général est celui des Antilles et de l'Amérique centrale. La température moyenne de la mer est de 26,5 °C; c'est également celle des plages riveraines et, par suite, des principales villes. La plus haute température observée est de 37 °C. Dans les montagnes, la chaleur dépasse rarement 20 °C; les nuits sont fraîches. Quand on s'élève, le froid nocturne devient vif; les arbres résineux croissent seuls. Le thermomètre descend au-dessous de zéro.

Au point de vue des vents, Hispaniola est dans la zone des alizés du Nord-Est. Le matin, à Port-au-Prince, le vent souffle de l'Est-Nord-Est ou de l'Est-Sud-Est; dans la journée, tantôt de l'Est, tantôt de l'Ouest; le soir surtout, de l'Ouest. La brise de mer ou vent d'Est-Nord-Est est le courant aérien le plus fréquent sur l'ensemble de l'année et sur l'ensemble du jour; cette brise se lève entre huit et dix heures du matin et gagne en intensité jusque vers trois heures de l'après-midi. La brise de terre, qui souffle des montagnes pendant la nuit, rafraîchit la température; elle commence en général après le coucher du soleil et dure jusqu'à son lever. Cette alternance des brises de terre et de mer est soumise aux influences locales; la configuration des vallées et des barrières montagneuses dévie les courants atmosphériques; ceux-ci varient aussi selon les saisons. Au moment des solstices et des équinoxes, la brise du large domine; elle souffle très fort durant des journées entières, et la brise de terre manque; dans la saison des orages, au contraire, c'est la brise de terre qui domine et se prolonge durant la matinée. Ces deux brises tempèrent la chaleur; mais la plus agréable est celle de terre qui favorise le sommeil. Quand le calme s'établit, la chaleur humide devient pénible.

On peut distinguer à Hispaniola quatre saisons d'inégale durée caractérisées par le régime des pluies. Sur la côte occidentale, on observe : une saison sèche d'hiver (novembre, décembre, janvier, février, mars); une saison pluvieuse de printemps (avril, mai); une saison sèche d'été (juin, juillet) ; une saison pluvieuse d'automne (août, septembre, octobre). La vraie saison sèche est l'hiver; l'été marque seulement une diminution dans les chutes d'eau. Sur la côte septentrionale, la répartition des saisons est la même, mais leur durée diffère. L'hiver (sec) dure de janvier à mars; le printemps (pluvieux) d'avril à la mi-juin; l'été (sec) de la mi-juin à la fin septembre; l'automne (pluvieux) d'octobre à décembre. On plante dans les deux saisons pluvieuses; on récolte dans les deux saisons sèches. 

Les différences locales dans le régime des saisons sont très grandes, surtout dans les vallées de l'intérieur. Les pluies sont abondantes; la chute d'eau annuelle est en moyenne de 1428 mm à Port-au-Prince, de 1346 à Léogane, de 1274 à Cap-Haïtien ; elle atteint 2700 dans les montagnes du Nord-Ouest de l'île, près du Breri, à Marmelade, Limonade, Sainte-Rose, et 3,373 dans les hauts vallons de la presqu'île de Tiburon. Le versant oriental de l'île, abrité par les montagnes contre le vent de l'Est, est  moins humide; le plateau d'Azua semble recevoir très peu d'eau, sauf des rosées matinales. Le nombre des jours de pluie varie de 70 à 160 sur la côte Ouest et Nord; il est en moyenne d'une centaine. On a vu pour un seul orage la chute d'eau atteindre 150 mm. De telles trombes d'eau transforment le moindre ruisseau en torrent. Les pluies d'orages sont communes dans toute l'île. 

La côte septentrionale a des pluies spéciales, apportées par les vents de Nord-Ouest d'octobre à mars, et qu'on appelle les « nords »; ce sont des pluies fines et froides qui durent parfois 50 jours sans s'arrêter; on les a même vus, en 1787, tomber au Cap pendant 102 jours de suite. 

Les ouragans sont fréquents et dévastateurs; ce sont des cyclones qui se manifestent seulement en été, du 15 juillet au 15 octobre, et particulièrement sur le rivage méridional. 

Flore.
La richesse de la végétation est prodigieuse. A la flore tropicale indigène sont venus s'ajouter une quantité d'espèces importées. Le coton, le riz, le maïs, le cacao, le gingembre, l'indigo sauvage, l'arrow-root, le manioc ou cassave, le piment, le bananier, le plantain, l'ananas, l'artichaut, l'igname, la patate sont locaux; on a acclimaté la canne à sucre, le café, l'indigo franc, le melon, une série de légumineuses, le bambou dont un insecte enraye le développement, tous les arbres fruitiers, oranger, figuier, mûrier, vigne et particulièrement le manguier partout répandu. Ajoutez dans les forêts le mancenillier, l'acajou, le bois de rose, de satin, de fer, de campêche, le cyprès, le cèdre, l'acacia, le caroubier, le pin, le chêne, plusieurs espèces de palmiers, etc.

Faune
Le plus grand mammifère sauvage d'Hispaniola est l'agouti. Les oiseaux aquatiques sont très abondants et forment du guano dans les îlots de la côte. Les reptiles sont très nombreux, mais presque aucun n'est venimeux. On trouve des alligators et des caïmans dans les lacs et rivières, des lézards, iguanes, etc. Les poissons pullulent. De même les insectes, les araignées (tarentules), les scorpions ; citons une araignée venimeuse, la cacata.

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