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G. W. F. Hegel
La vie de Hegel
Aperçu La vie de Hegel L'hégélianisme*
Fils d'un employé de l'administration ducale à Stuttgart, Georg Wilhelm Friedrich Hegel, né en 1770, fit ses classes au gymnase de la ville, de 1777 à 1788. Le journal qu'il tint avec grand soin de 1785 à 1787 et les papiers de cette période qui ont été conservés montrent qu'il fut un écolier studieux, et qu'il était déjà le grand liseur et le grand amasseur de notes qu'il fut toute sa vie. En octobre 1788, il se rendit à l'université de Tubingen pour s'y préparer à la carrière théologique. Le caractère pédantesque et rétrograde de l'enseignement qu'il y reçut, et l'organisation oppressive de la vie dans le séminaire théologique (Stift) ou il était logé à la faveur d'une bourse ducale, le dégoûtèrent au début de tout travail assidu. On nous le montre bon camarade et bon vivant, buvant bien, jouant aux cartes, lisant Kant et Rousseau, s'enflammant aux premières nouvelles de la Révolution. Nous savons que, durant cette période, il s'est assimilé le moralisme libéral de l'Aufkklärunq et du kantisme. Le seul fruit qu'il ait retiré de ces années de mauvaises études, c'est l'étroite amitié dont il se lia avec le poète Hoelderlin et Schelling.

Ses études achevées, il accepta d'étre le précepteur des enfants d'un bourgeois de Berne, Steiger de Tschugg (1793-1796). Il consacra ces trois années presque tout entières à des études de théologie et de philosophie religieuse. Du 9 mai au 24 juillet 1795, il écrivit une Vie de Jésus dont le manuscrit a été conservé (citée par extraits dans les ouvrages de Rosenkranz et de Haym. L'oeuvre du Christ y est conçue et exprimée en termes philosophiques modernes : le Christ réalise par l'amour la synthèse de la loi judaïque et de l'individualité; il concilie, le moralisme abstrait et le sujet, que sépare et oppose la conception kantienne de la vertu. Du 20 novembre 1793 au 29 avril 1796, il écrivit une Critique de l'idée de religion positive. Elle est inspirée tout entière par le rationalisme humanitaire de l'époque : le dogmatisme chrétien triomphe dans les derniers siècles de l'empire parce que l'humanité asservie et déchue y vit la formule exacte de sa servitude et de sa misère. Ces écrits et les lettres qu'il adressait à Schelling et à Hoelderlin durant la même époque nous renseignent assez exactement sur l'ensemble de ses conceptions et de ses tendances : il en est à peu près au radicalisme négatif et au sentimentalisme positif de Fichte. Il condamne le christianisme comme étant inconciliable avec la liberté humaine et il poursuit la recherche d'une formule idéaliste de l'accord et de l'unité, dont le sentiment serait l'élément essentiel, et dont la conception religieuse et sociale des Grecs serait le modèle.

De janvier 1797 à décembre 1800, Hegel fut précepteur à Francfort-sur-le-Main, dans la famille du commerçant Gogel. Il y poursuivit les études de politique et de philosophie commencées en Suisse. En 1798, il écrivit un pamphlet sur la situation politique du Württemberg, tout inspiré de Rousseau. C'est durant ces quatre années qu'il rédigea presque tout entier son premier exposé systématique d'une philosophie complète. Quelques-unes des idées qui seront fondamentales dans son système définitif y sont déjà contenues, sous une forme enveloppée, sentimentale et confuse. Ce qui lui manque encore, c'est la discipline méthodique et le formalisme : il les acquit à Iéna, où il vint au début de l'année 1801.
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Hegel.

Il y retrouva Schelling, et il y trouva la philosophie romantique de la nature établie en maîtresse. Il y adhéra aussitôt sans réserve. Son étude sur la Différence entre le système philosophique de Fichte et celui de Schelling, qui parut en 1801, en proclame l'absolue vérité. La dissertation De Orbitis planetarum, qu'il écrivit la même année, en vue d'obtenir la licentia docendi, est une tentative malheureuse d'appliquer la méthode de déduction a priori aux lois de Kepler. Son enseignement (à partir de l'hiver de l'année 1801) et sa collaboration au Journal critique de philosophie, 1802-1803) dénotent entre lui et Schelling une parfaite conformité de pensée. De la même époque date une étude critique Sur la Constitution de l'empire allemand et un exposé systématique du droit naturel qui resta inédit.

Le départ de Schelling, qui fut appelé à Wurzbourg en 1803, paraît avoir libéré Hegel de la tutelle à laquelle il s'était volontairement soumis, et avoir permis à son enseignement et à sa doctrine de prendre un développement indépendant et personnel. Il avait achevé le manuscrit de la Phénoménologie de l'esprit lorsque intervint la bataille d'Iéna et l'écrasement de la Prusse. Il se rendit à Bamberg, où il dirigea un journal pendant près de deux ans (1807-1808); en octobre 1808, il fut appelé à la direction du gymnase de Saint-Gilles, à Nuremberg; il y resta jusqu'en 1816.

La Phénoménologie avait paru dans les premiers jours de mars 1807. Elle rompait définitivement avec Schelling et la philosophie romantique de la nature; elle était la première manifestation d'une pensée consciente d'elle-même, et possédant une méthode neuve et féconde. Elle est un exposé critique de l'évolution dialectique de l'esprit s'élevant par degrés jusqu'au savoir absolu : elle constitue pour Hegel l'introduction nécessaire au système absolu de la vérité.

Ses fonctions mêmes (il était chargé de l'enseignement de la philosophie dans le gymnase qu'il dirigeait) l'obligèrent, plus peut-être que les tendances naturelles de son esprit, à se rendre maître de la méthode technique d'exposition et de déduction. La propédeutique philosophique, qu'il écrivit de 1808 à 1812, en fait foi, et lui-même l'atteste : 

« Je suis, écrit-il à Sinclair en 1810, un maître d'école qui dois enseigner la philosophie, et peut-être est-ce pour cela que je tiens la philosophie pour susceptible de devenir un édifice aussi régulier, aussi enseignable que l'est la géométrie. » 
Après ces laborieuses années de préparation parut enfin la première partie du système de philosophie auquel s'arrêta son esprit : la Science de la logique fut publiée en trois volumes, à Nuremberg, de 1812 à 1816. 

En juillet 1816, tandis qu'on accueillait favorablement sa candidature à la chaire de philosophie de l'université d'Erlangen, et que Friedrich von Raumer, Solger et Niebuhr s'efforçaient de le faire nommer à Berlin en remplacement de Fichte, ses amis de Heidelberg, Creuzer, Daub et Thibaut lui faisaient offrir la chaire qu'avait jadis refusée Spinoza. Il accepta et vint à Heidelberg, où il professa jusqu'en 1818. Il y enseigna pour la première fois, avec moins de succès qu'il n'eût souhaité, l'ensemble de sa doctrine. Il en publia le résumé scolastique en 1817 sous le titre Encyclopédie des sciences philosophiques en abrégé. En même temps, il donnait aux Heidelberger Jahrbücher une critique des délibérations des Etats de Wurttemberg en 1815 et 1816. 

En mars 1818, on lui offrit la chaire de philosophie à l'université de Berlin : il s'empressa d'accepter. Il ouvrit ses leçons à Berlin le 22 octobre 1818; pendant treize ans (1818-1831) il y donna un enseignement dont l'autorité ne cessa de grandir. Il s'y consacra tout entier : après qu'en 1821 il eut publié ses Fondements de la philosophie du droit, il ne donna plus au public que deux éditions remaniées de l'Encyclopédie (1827 et 1830) et qu'un certain nombre d'articles et de comptes rendus insérés dans les Jahrbücher für wissenchaftliche Kritik, qu'il contribua à fonder en 1827. Durant ces douze années, il ne cessa de remanier, de perfectionner et de compléter l'exposé systématique de sa doctrine, qu'il étendit graduellement à tous les domaines de la connaissance. L'ascendant de cette philosophie forte et complète, de cet enseignement obscur et embarrassé, mais sérieux et profond, ne fit que grandir. En 1831 il était entouré d'une école étroitement attachée à la lettre même de son système, et il était le maître à peine contesté de la philosophie prussienne et allemande.

Il est incontestable que sa doctrine dut à la Prusse la rapidité triomphante de sa fortune-: elle fut la doctrine officielle et imposée, et lui-même ne mit aucun scrupule à employer contre les dissidents l'autorité complaisante de l'Etat. Mais il n'est pas exact de dire qu'il mit sa pensée au service de l'autoritarisme prussien, par complaisance et par servilité. Le monarchisme autoritaire et le bureaucratisme de la Prusse restaurée lui apparut sinon comme le régime politique parfait, du moins comme le régime le mieux adapté aux conceptions politiques qui résultaient de son système. Ses appels à l'intervention de l'Etat contre les agitations libérales, dans la préface de sa Philosophie du droit, peuvent nous paraître aujourd'hui passionnés et peu généreux, et nous pouvons juger violemment rétrograde la critique du bill anglais de réforme qui fut sa dernière oeuvre, toute pleine de la terreur que lui inspira la révolution de Juillet; mais rien n'autorise à attribuer à des considérations mesquines et personnelles ces manifestations intempérantes de sa doctrine et de sa nature psychologique. D'un bout à l'autre de sa vie, ses préférences politiques dépendent logiquement de l'ensemble de sa philosophie. Tout ce que ses oeuvres nous apprennent de lui, tout ce qu'on nous raconte de lui, après sa période d'enthousiasme juvénile et romantique pour la révolution de 1789, tout nous révèle un homme au tempérament simple et immuable : il reste toute sa vie le Souabe bonhomme et raide, au travail régulier et tenace, l'homme d'intellectualité pure, sans vie extérieure, l'homme à l'imagination interne puissante, sans charme et sans sympathie, le bourgeois aux vertus modestes et ternes, et, par-dessus tout, le fonctionnaire ami de la force et de l'ordre, réaliste et respectueux. Sa puissance d'invention et de combinaison systématique lui permit d'interpréter et de justifier rationnellement ses tendances natives et ses préjugés sentimentaux; il fut, plus que personne peut-être, de ceux qui sont tout d'une pièce, et qui ne sacrifient jamais rien d'eux-mêmes.

La période berlinoise de la vie de Hegel fut sans événements. Il ne sortit de Berlin que pour faire quelques voyages d'agrément. En 1826, il vint à Paris; il y fut aimablement accueilli par Victor Cousin, qui l'avait connu à Heidelberg en 1816 et 1817, et qui cherchait « à ajuster à sa taille quelques lambeaux des grandes idées » de Hegel. Ils se revirent une fois encore à Berlin, en 1831. Le même année, Hegel mourut, emporté par le choléra. (Lucien Herr).

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Dictionnaire biographique
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